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Décentralisation - Transferts de personnels : "un vrai roman policier !"

L'Observatoire de la décentralisation livre, sous la plume d'Eric Doligé, un premier bilan détaillé et sans concession du tumultueux transfert des personnels TOS et DDE.

"La préparation tout à fait insuffisante" des transferts des personnels TOS et DDE engagés suite à la loi de décentralisation du 13 août 2004 "aurait pu compromettre la continuité du service public si les collectivités ne s'étaient pas mobilisées comme elles l'ont fait." Eric Doligé, sénateur et président du conseil général du Loiret, en est convaincu. Il l'a largement constaté dans son département où, comme ses homologues, il a entre autres dû naviguer à vue pendant de longs mois faute d'obtenir de la part des services de l'Etat les informations dont il avait besoin. Des informations pourtant élémentaires... telles que, tout simplement, les listes des agents qui allaient rejoindre les effectifs du conseil général ! Les travaux qu'Eric Doligé vient d'achever, en tant que rapporteur, pour l'Observatoire de la décentralisation, lui permettent de confirmer ce constat. Son rapport consacré à ces transferts de personnels, présenté ce 9 novembre aux côtés de Jean Puech, président de l'Observatoire, s'appuie en effet sur une trentaine d'auditions de terrain et sur une vaste enquête menée auprès de l'ensemble des départements et des régions. Pour ce sénateur UMP, le changement de couleur politique des régions et d'une partie des départements en 2004 joue finalement très peu dans "l'ambiance" qui a entouré ce transfert de près de 130.000 agents : "En réalité, tout le monde pense à peu près la même chose."

"Des efforts considérables"

L'impréparation dont témoigne Eric Doligé aurait prévalu à plusieurs titres : "absence d'état des lieux préalable", "flou sur le mode de calcul du périmètre concerné par les transferts", "textes réglementaires pris très tardivement" obligeant les collectivités à fonctionner sur la base d'hypothèses incertaines. Et le sénateur de citer le décret relatif aux modalités du transfert des services, qui n'a été publié que le 26 décembre 2005, ou encore le décret relatif à la tarification de la restauration scolaire qu'il a fallu attendre jusqu'en juin 2006 !
S'agissant du manque d'informations, l'Observatoire de la décentralisation évoque les difficultés des collectivités aussi bien pour "avoir des réponses précises auprès des ministères" que pour "obtenir des renseignements auprès des DDE", en regrettant que le préfet ait été "trop rarement chef de file".
Dans ce contexte, "les collectivités ont fait des efforts considérables", a souligné jeudi Eric Doligé, se faisant ainsi le porte-parole des différentes instances consultées pour son rapport. Ainsi, selon les responsables des associations des directeurs des ressources humaines et directeurs de services techniques, "la mise en place de la réforme n'a été possible qu'au prix d'une très forte implication des personnels des administrations locales chargées de préparer et d'accompagner la réforme, comme en témoigne la liste impressionnante des réunions et des notes diffusées".

Déficits

Ces efforts ont eu des résultats tangibles. Dont le fait que la moitié des personnels TOS aient exercé leur droit d'option avant le 31 août malgré un calendrier défavorable... et que les trois quarts des optants aient choisi la fonction publique territoriale. Eric Doligé parle même d'un "véritable engouement" pour la territoriale et ce, alors même que les syndicats plaidaient largement pour la cause inverse et que les services de l'Education nationale eux-mêmes ne faisaient rien pour inciter les agents à franchir le pas. Sur le terrain d'ailleurs, assurent les élus, les personnels TOS se réjouissant d'avoir enfin un "patron" et des interlocuteurs en matière, par exemple, de médecine du travail ou de formation professionnelle. D'où, sans doute, le titre de son rapport : "Un premier bilan encourageant".
Mais ce bilan est fortement terni par deux "problèmes majeurs" : le déficit des personnels effectivement transférés et la façon dont le dossier a été géré au niveau financier.
Ainsi, s'agissant des personnels TOS, "les écarts entre les postes transférés et ceux qui étaient attendus sont considérables". "Pour faire fonctionner les établissements dans de bonnes conditions, les collectivités vont devoir recourir à des embauches supplémentaires", poursuit Eric Doligé. La situation est plus tendue encore au niveau des personnels d'encadrement : 70% des départements affirment que des cadres ont manqué à l'appel. Au niveau national, on estime ainsi que sur 700 personnels d'encadrement des TOS, seuls 400 auraient été transférés. "Où sont passés les 300 autres ?", s'interroge le sénateur.

Bombes à retardement

Le problème est d'ailleurs à peu près le même au niveau des DDE, où se pose entre autres toujours la question des agents des centres d'études techniques liés aux DDE ou encore celui des ouvriers du parc de l'Equipement. "Ils doivent être transférés, mais on ne sait pas encore comment... Ce sont des discussions sans fin."
En termes financiers, les points de friction sont là aussi bien connus : la question du niveau de rémunération choisi pour la compensation des emplois vacants à pourvoir par les collectivités, le différentiel existant entre les indemnités des deux fonctions publiques, les surcoûts liés à l'âge et à l'état de santé moyens des personnels TOS, l'acquisition et la rénovation des locaux des DDE... Eric Doligé parle ainsi de multiples "bombes à retardement". La plus importante, sans doute, concerne le paiement des retraites d'agents pour lesquels la CNRACL n'a jamais touché de cotisations. "Et nous n'avons sans doute pas encore découvert tous les coûts cachés. D'autres vont apparaître petit à petit. Le bilan final pourra se faire dans deux ans", prévoit le rapporteur.
Sur la base de ce rapport, l'Observatoire de la décentralisation propose aujourd'hui de mettre en place un "vade-mecum" destiné à améliorer la poursuite de ces transferts. Par ailleurs, dans l'hypothèse où d'autres transferts de compétences et de personnels devraient avoir lieu, il demande entre autres "l'établissement, par une autorité indépendante, d'un inventaire préalable et contradictoire des emplois à transférer". Pour éviter la zizanie des deux années passées... qu'Eric Doligé qualifie en souriant de "vrai roman policier".

Claire Mallet

 

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