"Toutes les associations ne meurent pas mais toutes sont touchées", alerte l’Uniopss

Dans le champ social, médicosocial et sanitaire, les associations sont de plus en plus fragilisées économiquement, en lien avec l’inflation de 2022-2023 et la crise du recrutement. Le 18 septembre, lors de sa conférence de presse de rentrée sociale, l’Uniopss a insisté sur la nécessité de renouer avec la "fiabilité de la parole publique", dénonçant des annonces non suivies d’actes mais aux effets catastrophiques pour les associations et les publics accompagnés. 

L’association APF France handicap, gestionnaire de 450 établissements et services, a enregistré pour la première fois, en 2023, un "déficit structurel". L’inflation, le coût de l’intérim auquel l’association – comme tant d’autres - est obligée de recourir, les revalorisations salariales décidées au niveau national et parfois non-compensées au niveau local… "L’équation économique ne tient plus", a expliqué Séverine Ragon, directrice du développement et de l’offre de services de APF France handicap, le 18 septembre 2024 lors d’une conférence de presse organisée par l’Uniopss. La responsable associative a exposé quelques situations concrètes qui se présentent aujourd’hui : plus aucun infirmier dans tel établissement effectuant des prises en charge médicales, plus de personnel pour assurer les douches dans tel autre… "Que fait-on ? Est-ce qu’on dégrade la qualité ou est-ce qu’on fait du déficit ?", interpelle-t-elle. 

Daniel Goldberg, président de l’Uniopss, évoque aussi l’association Don Bosco, en Bretagne, qui a récemment été "contrainte de fermer sept dispositifs d’insertion". "À l’heure où de nombreuses associations qui agissent au quotidien se débattent dans des situations économiques insolubles, il faut retrouver les moyens d’une décision publique solide et durable", implore-t-il. Daniel Goldberg déplore la situation d’"apesanteur politique" dans laquelle se trouve la France depuis plusieurs mois et la dégradation des finances publiques. Estimant que "tous les discours sur la maîtrise des finances publiques seront entendables s’ils sont assortis des moyens d’éviter une nouvelle dislocation sociale", le président de l’Uniopss exhorte le prochain gouvernement à éviter à tout prix l’"austérité dans le champ des solidarités et de la santé". 

Surtout, il insiste sur la nécessité de renouer avec la "fiabilité de la parole publique", s’appuyant en particulier sur l’exemple de la mise en œuvre de l’accord de revalorisation salariale des "oubliés du Ségur" (voir nos articles de juinjuillet et septembre 2024 ci-dessous). "Quand nous assistons, dès la première marche d’une future CCUE [Convention collective unique étendue], à une forme de défaussement – et je dis cela tout en sachant les réalités financières de nombreux départements –, on ne peut être qu’inquiets pour l’avenir", tacle le président de l’Uniopss. "Je les comprends mais ce n’est pas notre problème", ajoute-t-il, dénonçant les contradictions et le renvoi des responsabilités entre État et départements – des atermoiements qui retomberaient selon lui sur les associations et, in fine, sur les personnes vulnérables. 

Daniel Goldberg demande que soit enfin mis en place le comité des métiers socio-éducatifs, qui avait été pensé en 2022 par l’ancien Premier ministre Jean Castex pour être "un lieu de concertation continu entre tous les acteurs" et le "garant des ambitions portées pour cette filière". Alors que des propositions concrètes ont été adressées au gouvernement en décembre dernier dans le livre blanc du travail social (voir notre article), "rien" ne s’est produit depuis sur l’amélioration des conditions de travail, la formation ou encore le taux d’encadrement dans les structures, pointe-t-il encore. 

Tant que ces questions n’avanceront pas, les modèles économiques des associations continueront à se dégrader, alerte l’Uniopss. "Toutes les associations ne meurent pas mais toutes sont touchées", affirme Jérôme Voiturier, directeur général de l’Uniopss. La veille, le réseau avait publié son bilan de l’emploi non lucratif sanitaire et social (voir notre encadré ci-dessous). Dans la perspective des projets de loi de finances pour 2025, l’Uniopss diffuse également une synthèse des enjeux et priorités par secteur, compilant notamment toutes les mesures en attente de financement dans le secteur de l’autonomie. L’Uniopss participera à deux mobilisations inter-associatives la semaine prochaine : l’une intitulée "Les Vieux méritent mieux !" le 24 septembre et l’autre en faveur de la protection de l’enfance, coordonnée par la Cnape, le 25 septembre. 

› Emploi non-lucratif sanitaire et social : des évolutions très contrastées depuis cinq ans 

Selon le dernier bilan réalisé par l’association Recherches & Solidarités et l’Uniopss, via son centre de ressources sur le dispositif local d’accompagnement (DLA), 1,18 million de salariés travaillaient dans le secteur non lucratif sanitaire et social en 2023, soit 58% de l’ensemble de l’emploi privé non lucratif (associations et fondations). 

Entre 2018 et 2023, le nombre d’emplois dans ce secteur a augmenté de 6,4%, ce qui est moins que "pour l’ensemble du secteur privé non lucratif (7,8%) et pour l’ensemble de l’emploi privé en France (8,7%)". Cette hausse de 6% masque des évolutions très contrastées d’un domaine à l’autre. L’aide à domicile (147.450 salariés pour 4.150 structures employeuses en 2023) perd ainsi des emplois de façon continue depuis une dizaine d’années, une diminution "évaluée à 10% sur la période 2018-2023". 

Les autres domaines ont gagné des emplois sur la même période, mais pas dans les mêmes proportions. Plus gros pourvoyeur d’emplois du secteur (357.600 emplois et 7.570 structures en 2023), le handicap a connu une croissance moyenne de 2,3% de son emploi sur ces cinq dernières années, avec une année 2023 "plus favorable, après une période atone entre 2018 et 2022". Concernant le secteur des personnes âgées (hors aide à domicile), la hausse de l’emploi a été de 4,4% entre 2018 et 2023 (130.600 salariés et 3.570 structures en 2023). 

Une hausse de l’emploi proportionnellement plus marquée est enregistrée dans le domaine de la petite enfance ("accueil sans hébergement de jeunes enfants" : 47.500 salariés et 3.700 structures), de 8,7% en cinq ans. En matière de santé (188.400 salariés et 5.160 établissements), l’emploi augmente fortement : + 13,6% entre 2018 et 2023. 

La hausse est de 17% en ce qui concerne le domaine "Protection de l’enfance – jeunesse" (75.700 salariés et 2.580 structures). C’est enfin l’hébergement pour adultes en difficultés (49.200 salariés, 2.400 établissements) qui a connu "la plus forte hausse", de 28,8% en cinq ans. 

Des données par région, ainsi que des indications sur le genre, l’âge et les contrats des salariés sont fournies dans ce bilan. Fin 2023, 75% des salariés du secteur non-lucratif sanitaire et social étaient des femmes, ce qui est nettement supérieur au reste de l’emploi des associations et des fondations.