Dérapage du déficit : la directrice générale des collectivités locales livre ses analyses

Après Bruno Le Maire il y a quelques jours, la directrice générale des collectivités locales était à son tour auditionnée par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les "causes des variations et écarts des prévisions fiscales et budgétaires". Cuisinée par les députés, Cécile Raquin a fait montre de prudence dans ses propos, reconnaissant toutefois qu'à certains égards, les collectivités n'avaient pas à porter le chapeau des déficits plus élevés que prévu.

Les collectivités ont-elles une part de responsabilité dans le dérapage du déficit public en 2024, comme l'ont soutenu début septembre Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, les ministres en charge de l'économie et des comptes publics dans le gouvernement Attal ? Et comment est-on arrivé à ce que ces derniers évoquent la perspective en fin d'année d'un écart de l'ordre de 15,5 milliards d'euros des dépenses publiques locales par rapport à ce qui était prévu ? C'est à ces questions que la directrice générale des collectivités locales (DGCL), Cécile Raquin, était sommée de répondre ce 17 décembre, lors d'une audition par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale chargée de faire la lumière sur les ratés des prévisions fiscales et budgétaires de l'État.

À ces questions politiques d'une grande sensibilité - les propos des ministres sur la responsabilité des collectivités dans les mauvais comptes de 2024 avaient soulevé un tollé chez les élus locaux, ceux-ci dénonçant "un mauvais procès" ou "une tentative de diversion" (voir notre article) - la fonctionnaire de la place des Saussaies a répondu tout en nuances et en usant de précautions, quitte à décevoir certains députés qui auraient aimé probablement des réponses plus tranchées.

Tendances confirmées

Les projections exposées par les ministres sur le déficit des collectivités locales à la fin de l'année 2024 étaient-elles exagérées ? Non, d'après la directrice, laquelle a indiqué qu'en septembre, en se fondant sur les données concernant l'exécution des comptes locaux "à la mi-année" et "en poursuivant la tendance", la DGCL "retrouvait" l'écart d'environ 15,5 milliards d'euros par rapport à la prévision inscrite dans "la loi de programmation des finances publiques" 2023-2027. Toutefois, elle appelait à ce moment-là l'attention sur "les importantes précautions méthodologiques" à avoir. "Une exécution à mi-année n'est pas l'exécution finale, (…) il s'agissait d'une tendance", a indiqué notamment Cécile Raquin.

Depuis, le constat d'une dérive des comptes des collectivités en 2024 (par rapport aux prévisions) s'est confirmé. S'agissant des seules dépenses de fonctionnement, les dernières tendances dégagées par la DGCL font état d'une augmentation de 5,9 % sur un an, ce qui est "bien supérieur à ce qui était prévu par la loi de programmation des finances publiques".

Certes "les collectivités locales gèrent leurs budgets à l'équilibre", mais "quand on regarde les choses en comptabilité nationale, il y a bien un déficit des collectivités (…) qui vient accroître le déficit de la Nation", a estimé la fonctionnaire. Et parce que, notamment, "elles représentent 20% de la dépense publique totale", les collectivités locales ne peuvent pas, selon elle, "se désintéresser du débat" sur la limitation du déficit et de la dette publics.

"Jugement de valeur"

Les collectivités locales "ne sont pas responsables" des "mouvements imprévisibles" à la baisse des recettes en 2024, a jugé par ailleurs Cécile Raquin, évoquant en particulier la chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et le ralentissement de la TVA. En revanche, il en va différemment sur les dépenses. "Les collectivités n'ont pas maîtrisé les dépenses d'investissement et de fonctionnement tel qu'il était attendu".

"La Cécile Raquin du 24 septembre était plus cash que celle qui aujourd'hui nous parle", a lancé d'un ton sec Éric Coquerel, président de la commission des finances, après une demi-heure d'audition. Le député LFI faisait allusion à un courrier dans laquelle la fonctionnaire détaillait longuement sa position. Elle y affirmait qu'"on ne peut pas tenir les collectivités locales responsables d'une dégradation générale du solde public au regard de la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques, qui n'intègre de surcroît pas de contrainte sur les dépenses d'investissement". "Je ne sais pas si vous avez révisé votre jugement dessus", a déclaré l'élu. "Tenir responsable : il y a un jugement de valeur. Moi en tant qu'administration, je ne porte aucun jugement de valeur et je l'espère, ni de jugement politique", a alors objecté Cécile Raquin. Avant d'accepter de préciser sa position : "À partir du moment où l'investissement n'était pas inclus dans l'objectif de dépenses qui leur était donné", on ne doit pas avoir "un jugement sur la responsabilité des acteurs".

Direction générale du Trésor en première ligne

Les services de la DGCL n'ont été "ni associés, ni sollicités lors de la détermination de la trajectoire financière des administrations publiques locales", un travail reposant "sur les analyses de la Direction générale du Trésor" (à Bercy), a mis en avant la directrice. "La prévision macro-économique qui régit les lois de programmation des finances publiques et les lois de finances de l'année requiert des outils et une expertise qui ne relèvent pas du champ de compétences de la DGCL, et aux résultats desquels elle n'a d'ailleurs pas accès", a-t-elle précisée.

Le rapporteur général du budget, Charles de Courson, a jugé "assez curieux" le fait que la DGCL ne soit pas associée aux prévisions dans le champ des finances locales. "Vous trouvez [cela] normal ?", a-t-il demandé. La DGCL ne contribue pas à l'élaboration des prévisions budgétaires et cela ne doit pas changer, mais elle est bien associée aux prévisions sur les finances locales "en général", a répondu en substance Cécile Raquin. En insistant sur la nécessité de renforcer à l'avenir la capacité de la DGCL à œuvrer à "la bonne gouvernance des finances locales" et à "expliquer" les mesures de la loi de programmation des finances publiques, tout cela dans le but de "générer de l'adhésion chez les collectivités locales".

Créée le 16 octobre, la commission d'enquête a pour rapporteurs les députés Eric Ciotti (Union des droites pour la républiques) et Mathieu Lefevre (Ensemble pour la République).

 

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