Reclassement : des propositions pour accélérer le "changement de modèle"
Des alternatives aux procédures longues et complexes de reclassement des agents inaptes à leurs fonctions se sont développées ces dernières années dans le monde territorial, sans toutefois devenir la norme. Une étude réalisée pour la Mutuelle nationale territoriale (MNT) répertorie certaines de ces bonnes pratiques et émet des propositions pour qu'elles se banalisent.
Développer dans la fonction publique territoriale (FPT) des alternatives au reclassement professionnel, qui reste majoritaire dans les pratiques, alors qu'il intervient tardivement et dans des cas de plus en plus nombreux de problèmes de santé au travail. C'est l'objectif que s'est fixé l'observatoire social et territorial de la Mutuelle nationale territoriale (MNT) avec la publication d'une étude consacrée spécifiquement à la question.
Environ 55.000 agents territoriaux, soit 3% des effectifs sont concernés par l'inaptitude et le reclassement, selon cet ouvrage qui s'appuie sur une trentaine d'entretiens avec des agents reclassés et des professionnels qui les ont accompagnés. Et ce nombre devrait grimper avec le recul de l'âge de départ à la retraite et l'alourdissement de la charge de travail des agents.
Or, les dispositifs de reclassement sont complexes et longs à mettre en oeuvre, pâtissant notamment du manque cruel de médecins du travail et de la rareté des postes de reclassement. Dévalorisants pour les agents, ils sont déployés essentiellement dans "une logique curative".
Faire preuve d'une plus grande réactivité
A la suite d'une maladie, d'une épreuve familiale, ou d'une agression au travail, les agents interrogés ont pu envisager un reclassement, ou ont pu éviter cette perspective par un aménagement de poste. Un parcours douloureux qui les a fragilisés et isolés socialement, alors qu'ils ont dû pour certains faire le deuil d'un métier qu'ils aimaient. Mais toutes les tentatives de reclassement n'aboutissent pas. Au terme de la période préparatoire au reclassement (PPR) - le dispositif institué en 2019 au bénéfice des fonctionnaires territoriaux titulaires reconnus inaptes à l’exercice de leurs fonctions - 48% des agents retrouvent un poste dans la fonction publique, dont 34% dans leur collectivité. La majorité des autres (34 %) sont placés en retraite pour inaptitude.
Comme les reclassements "seront toujours nécessaires", l'observatoire de la MNT propose une dizaine de pistes pour en améliorer la mise en œuvre. Parmi elles : faire preuve d'une plus grande réactivité dans le signalement des difficultés des agents et la mise en place des aménagements de postes, assouplir les possibilités de se former pendant les congés de maladie, faciliter l’accès à une prise en charge psychologique, ou encore maintenir le lien avec l’organisation et l’employeur. La PPR doit, elle aussi, connaître des ajustements pour être plus efficace, selon l'étude. Sont proposées : une possibilité d'aménager sa durée (aujourd'hui d'un an maximum), la mise en place d'une bourse de stages à l'échelle du bassin d'emploi, l'intervention d'un "acteur tiers" (le professionnel ayant suivi l'agent durant son parcours) à intervalles réguliers au cours de la prise de poste, mais aussi l'ouverture de la PPR aux "agents particulièrement exposés à un risque d’inaptitude et non quand celle-ci est déclarée".
Droit à la reconversion professionnelle
Au-delà, il s'agit pour les auteurs de l'étude de développer les alternatives au reclassement, en privilégiant "une stratégie de l'anticipation". Ce qui passe par la prévention des troubles musculosquelettiques, très présents dans les métiers de la petite enfance ou techniques. Des métiers "à fort engagement physique", où les signes précoces de ces troubles sont "mis en sourdine", parce que la souffrance est considérée comme "faisant partie de l’activité".
L'étude appelle aussi à la création d'un "droit à la reconversion professionnelle" permettant à tout agent territorial de mener à bien une reconversion professionnelle, avec l'aide d'un conseiller, et ce tout en maintenant une position d’activité. Par pragmatisme, ce droit serait d'abord mis en place pour les dix premiers métiers territoriaux les plus exposés au risque de reclassement (chargé d'accueil, chargé de travaux espaces verts, chargé de propreté des locaux...).
L'observatoire de la MNT prône aussi une mobilisation des associations d'élus "autour d'une grande cause qui vise à prendre soin du travail et de ceux qui l’exercent. Le but est d'"amplifier la sensibilisation et la formation des élus", ce qui facilitera la bascule vers le modèle alternatif appelé de ses vœux.