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Territorialisation du plan de relance : deux députées émettent des "points de vigilance"

Un calendrier, un mode d'emploi mais aussi une meilleure répartition des crédits pour assurer l'équité territoriale et l'intégration des intercommunalités dans les instances de décision. Ce sont les préconisations des députées Catherine Kamowski (LREM, Isère) et Véronique Louwagie (LR, Orne) dans un rapport présenté le 30 novembre 2020 au nom de la délégation aux collectivités.

Si la ministre de la Cohésion des territoires a affirmé la semaine dernière que 16 milliards d'euros sur les 100 du plan de relance étaient prêts à "descendre" dans les territoires, les députées Catherine Kamowski (LREM, Isère) et Véronique Louwagie (LR, Orne) émettent quelques craintes. Après deux mois et demi d'auditions auprès de ministères, préfets, et d'associations d'élus, les deux membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (DCTD) ont présenté, le 30 novembre 2020, vingt propositions ou "points de vigilance" pour réussir cette territorialisation. "Nous avons voulu anticiper les questions ou demandes de précisions qui se poseraient à la lecture du plan de relance", a ainsi expliqué Catherine Kamowski (LREM, Isère), lundi, lors d'une visioconférence de presse.

Pour s'assurer d'une bonne compréhension et lisibilité des enjeux du plan France relance, le groupe de travail estime en premier lieu qu'il faut mettre en place un calendrier et un mode d'emploi sur l'accès aux dispositifs financiers et de soutien à l'ingénierie, le tout pouvant être complété par des fiches types. Il insiste aussi sur la nécessité de bien articuler le plan de relance avec les autres plans et dispositifs européens, nationaux, régionaux, départementaux et intercommunaux. "Il est nécessaire de réfléchir à une bonne articulation des plans de relance avec la contractualisation existante, tout comme il convient de faire le lien entre les mesures du plan de relance et les contrats de territoire élaborés par chaque intercommunalité en début de mandat", insistent les deux députées. Le rapport demande ainsi que les intercommunalités et les PETR soient représentés au sein des comités régionaux de suivi.

 

Garantir l'équité territoriale

La mise en oeuvre du plan de relance doit aussi assurer "une certaine forme d'équité territoriale", soulignent les députées. "Il ne faudrait surtout pas qu'à travers le plan nous participions à accroître les inégalités territoriales, a insisté Véronique Louwagie, le risque existe toujours, il faut en avoir conscience." Le recours à la contractualisation, plutôt qu'à des appels à projets, va dans le sens d'une équité de traitement. Mais la méthode adoptée du "premier arrivé, premier servi" peut créer des inégalités entre les territoires les plus réactifs, mieux dotés en ingénierie et en ressources, et ceux ayant besoin d'un appui pour finaliser leurs projets. "Il est nécessaire de disposer de capacités en matière d'ingénierie pour faire émerger les projets, or, certaines collectivités n'en disposent pas", souligne ainsi le rapport.

Si les députées ne remettent pas en question cette méthode, qui doit permettre un démarrage rapide du plan de relance dès le dernier trimestre 2020, elles proposent de "veiller à la répartition équitable des crédits" avec une vision globale de la mise en œuvre du plan à partir de 2021. "C'est un point tout à fait crucial. Notre idée est de suivre de manière très précise la manière dont ces fonds seront utilisés sur chacun des territoires, c'est une exigence que nous demandons au gouvernement", a détaillé Jean-René Cazeneuve (LREM du Gers) président de la délégation ; tandis que Catherine Kamowski a insisté sur les solutions qui existent (appui de l'Agence nationale de cohésion des territoires notamment) pour les collectivités qui auraient des capacités d'ingénierie moindres. "Il faut alerter les collectivités qui se diraient que ces fonds ne sont pas pour elles, a-t-elle précisé, il y a des possibilités, elles sont ouvertes à tous, il faut leur dire de s'en saisir, car nous n'irons pas les chercher, et que les solutions sont là." Le rapport mentionne aussi le rôle des sous-préfets à la relance qui "devront à la fois être à l’écoute des petites communes mais aussi en lien avec les présidents d’intercommunalité pour recenser les besoins d’accompagnement techniques".

 

Risque de recentralisation

Le rapport pointe également "le risque d'une recentralisation". "Pour la première fois, l'Etat a plus d'argent pour investir que les collectivités elles-mêmes, a détaillé Véronique Louwagie, il pourrait y avoir une tentation des ministères de réapparaître sur le terrain. Le danger existe. Il faut que les territoires prennent la mesure de ce plan de relance." Pour éviter que ce dernier ne se transforme en un saupoudrage peu efficace, le rapport propose de s'appuyer sur les outils existants dans les territoires, comme les territoires de projet et sur les structures opérationnelles, dont les PETR.

Enfin, au-delà de mesures de simplification, sur les groupements de commandes notamment, et de règles particulières et dérogatoires pour alléger les procédures, le groupe de travail estime qu'il faut encourager, pour les collectivités qui le peuvent, le recours maîtrisé à l'emprunt pour cofinancer les investissements. "On ne peut réussir ce plan de relance qu'avec les collectivités, a affirmé Jean-René Cazeneuve, si elles ne jouent pas le jeu des investissements, on ne le réussira pas. Et pour qu'elles aient envie d'investir, il faut qu'elles soient à la fois rassurées sur leur capacité d'autofinancement dans le futur et qu'elles aient accès à l'emprunt."