Territoires zéro chômeur de longue durée : la baisse du financement de l’État inquiète les associations partenaires

Les associations partenaires du dispositif "Territoires zéro chômeur de longue durée" demandent au ministère du Travail de maintenir un financement équivalent à 102% du montant brut horaire du Smic pour chaque ETP recruté dans le cadre de l’expérimentation. Et, alors que certaines collectivités sont freinées par le coût du projet, ces acteurs font valoir l’engouement pour l’expérimentation en France et en Europe.

Publié au Journal officiel du 2 août 2023, un arrêté a acté une baisse prochaine du financement par l’État de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. La "participation de l'État au financement de la contribution au développement de l'emploi" est, jusqu’au 30 septembre 2023, maintenue à "102% du montant brut horaire du salaire minimum de croissance, appliqué au nombre d'équivalents temps plein recrutés dans le cadre de l'expérimentation". Mais elle baissera à 95% de ce montant "pour la période comprise entre le 1er octobre 2023 et le 30 juin 2024", soit un retour au niveau de financement de 2020 avant la mise en œuvre de la deuxième loi d’expérimentation (voir notre article de février 2020).

"Cette décision suscite l’incompréhension parmi les acteurs de l’expérimentation", ont aussitôt réagi dans un communiqué les présidents de l’association TZCLD, du fonds d’expérimentation contre le chômage de longue durée, ainsi que de huit autres associations et fédérations partenaires du projet. "En réduisant cette année de plusieurs millions d’euros le financement des emplois créés grâce au projet TZCLD, c’est tout le modèle économique des entreprises à but d’emploi qui s’en trouve fragilisé", alertent ces dirigeants associatifs. Ces derniers anticipent même "une baisse, voire un gel, des embauches prévues au détriment des personnes privées durablement d’emploi" dans certains territoires.

L’arrêté s’inscrit dans un contexte de contraction budgétaire au ministère du Travail, avec la suppression de 15.000 contrats aidés annoncée le 28 août par Olivier Dussopt et des inquiétudes exprimées également cet été par le secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE). Pour autant, alors que l’expérimentation TZCLD prend de l’ampleur (voir notre article du 18 avril 2023), cette réduction est "un mauvais signal qui nous inquiète pour le budget 2024", pour Antonin Gregorio, directeur général de l’association TZCLD, interrogé par Localtis. "On s’adresse à des publics que personne ne touche, qui sont au chômage en moyenne depuis cinq ans et qui ont pour 23% d’entre eux une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé", rappelle-t-il, estimant que la part de personnes en situation de handicap s’élève en réalité à 40 ou 50% dans certaines entreprises à but d’emploi (EBE). "Cela a un coût."

58 territoires expérimentateurs

Cet été, plusieurs collectivités ont estimé que ce coût était trop élevé. C’est le cas du département du Calvados, dont le président a même dénoncé une "manœuvre" de l’État, se référant au décret de 2021 prévoyant une participation obligatoire du département à hauteur de 15% de celle de l’État. Avec son territoire de Colombelles, le Calvados fait partie des dix départements qui étaient concernés par l’expérimentation dès la première loi soit avant cette obligation. Un "compromis" financier a néanmoins été trouvé avec les services de l’État, s’est prévalu Jean-Léonce Dupont lors du conseil départemental du 26 juin dernier.

Déjà engagé dans deux expérimentations, le département du Morbihan a quant à lui renoncé à soutenir le territoire candidat de l'Oust à Brocéliande, alors que le soutien du département est désormais un préalable à l’habilitation. Porteuse d’un projet depuis 2019, la ville de Saint-Étienne a également récemment jeté l’éponge.

"Les territoires ne sont pas tous égaux dans les moyens d’ingénierie qu’ils peuvent déployer", commente Antonin Gregorio. L’association se penche justement, dans une étude à paraître d’ici la fin de l’année, sur le coût de l’expérimentation dans la durée et sur ces "disparités d’engagement" des collectivités "supra-territoriales" que sont en particulier les départements et les métropoles.

Mais le directeur général de TZCLD tempère. "37 départements sont déjà engagés et, parmi les départements avec lesquels on échange, seule une petite dizaine choisit de ne pas soutenir le projet qui se développe sur leur territoire ou exprime des réticences", rapporte-t-il. Depuis la deuxième loi d’expérimentation, 48 territoires ont été habilités, ce qui porte à 58 le nombre total de territoires expérimentateurs. Et plus de 100 autres projets candidats sont actuellement accompagnés par l’association nationale, avec l’objectif d’obtenir une habilitation d’ici juin 2024.  

La baisse du financement de l’État va également "à rebours d’une puissante dynamique européenne inspirée par l’expérimentation française", plaident également les partenaires du projet, évoquant des démarches similaires en Belgique, en Allemagne, en Italie et en Autriche. Ils demandent au ministère du Travail de "revenir sur cette baisse de moyens" par la publication d’un nouvel arrêté.

Référence : arrêté du 31 juillet 2023 fixant le montant de la participation de l'État au financement de la contribution au développement de l'emploi du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, publié au Journal officiel du 2 août 2023.