Télétravail : un moyen d’améliorer le service rendu à l’usager ?
Dans un rapport sur le télétravail dans la fonction publique, qu'elle vient de rendre public, la Cour des comptes appelle à faire de cette nouvelle modalité de travail "un levier pour améliorer la qualité du service public". Par ailleurs, elle encourage les employeurs publics à une prise en compte du télétravail dans leur stratégie immobilière.
"Le télétravail demeure, à ce jour, essentiellement mis en œuvre pour améliorer la qualité de vie au travail des agents", constatent les magistrats financiers dans ce rapport qui s'appuie notamment sur une enquête interne réalisée auprès des employeurs des trois versants publics. "Aucun" accord local passé entre un employeur public et des représentants syndicaux sur le télétravail "n’évoque le service rendu à l’usager", déplorent-ils. Le télétravail peut pourtant, selon eux, apporter une contribution à cette dimension.
En premier lieu, l'accueil des usagers pourrait être amélioré par ce moyen. Le développement de la visioconférence "peut capter une partie des flux physiques au guichet" et ainsi libérer "une part des créneaux horaires" au profit des usagers qui préfèrent un contact physique avec l'administration, explique la Cour. En outre, "dans le cadre du dialogue social", le télétravail effectué par un certain nombre d'agents "pourrait être mis à profit pour augmenter l’amplitude horaire des plages de réponse proposées au public par téléphone ou en visioconférence".
Un outil pour accompagner les réorganisations
La Rue Cambon met aussi en avant l'utilité du télétravail pour réduire l'absentéisme des agents. Cette modalité de travail peut ainsi par exemple offrir aux agents malades, ou en situation de handicap, une alternative à une absence pour raisons médicales. Le télétravail peut encore permettre d'"accompagner des réorganisations". La Cour fournit l'exemple réussi, selon elle, de la fusion en 2016 des régions Bourgogne et Franche-Comté : le recours généralisé à la visioconférence a permis à nombre d'agents de la nouvelle collectivité de ne pas subir de mobilité géographique forcée. "Sur des périodes de très courte durée, le télétravail peut "faciliter des évolutions de situations personnelles comme la mutation du conjoint ou encore la continuité des services dans le cas de travaux immobiliers portant sur les bureaux", ajoute l'institution.
Pour celle-ci, les accords collectifs signés par les différentes administrations avec les syndicats sur le télétravail et sa mise en œuvre devraient comporter des clauses évoquant ces différentes possibilités inhérentes au télétravail et envisager leur développement.
Reconfigurer les locaux des administrations
Au-delà de cette idée force, la Cour des comptes pointe plusieurs recommandations à l'attention des employeurs publics, dans la perspective d'une mise en œuvre pérenne du télétravail. Elle insiste par exemple sur la nécessité de prévenir les risques psychosociaux par une mise en œuvre effective du droit à la déconnexion. La Cour insiste aussi sur la vigilance dont les managers et les services en charge des ressources humaines doivent faire preuve, afin que le "collectif de travail" ne s'affaiblisse pas avec le développement du télétravail. Elle évoque aussi l'importance de la formation des agents et des managers aux outils du télétravail et à ce nouveau mode de travail. En la matière, la satisfaction domine : "les employeurs paraissent s’être saisis du levier de la formation professionnelle, la considérant comme une des conditions de réussite de la mise en œuvre du télétravail".
Le développement du télétravail rend "incontournable", selon la Cour, une adaptation de la stratégie immobilière des employeurs, par la voie du dialogue social. L’approche des employeurs territoriaux serait "globalement prudente en la matière". La Cour n'a eu connaissance que d'un exemple de "rationalisation de l'occupation immobilière" liée au déploiement du télétravail, celui de la région Ile-de-France. Elle considère que "la question du maintien d’un poste de travail fixe devrait être posée pour les agents qui passent plus de 50% de leur temps de travail hebdomadaire en télétravail ou dont la quotité de télétravail retenue pour le service est de trois jours."
À terme, 30 % des agents territoriaux seront en télétravail
S'agissant de la question du développement par les collectivités de tiers-lieux pour permettre le télétravail de leurs propres agents, la Cour constate qu'elle est relativement limitée et qu'une faible proportion d'agents territoriaux ont recours à cette solution.
L'acquisition massive durant la crise sanitaire de matériels informatique pour permettre aux agents de télétravailler "va générer à l’horizon de quatre à cinq ans un besoin budgétaire important pour en assurer le renouvellement", préviennent par ailleurs les magistrats. Les collectivités devront donc provisionner les crédits nécessaires au remplacement des matériels.
"À terme", le télétravail devrait demeurer "minoritaire" dans la fonction publique territoriale, estime la Cour. Environ 30% des agents territoriaux pourraient ainsi être en situation de télétravail (contre 40% dans la fonction publique d'État et 10% dans l'hospitalière). De nombreux métiers territoriaux sont en effet "incompatibles ou peu compatibles" avec le télétravail. Seule la filière administrative "pourrait être largement concernée". En retenant une quotité de télétravail comprise entre 1,5 et deux jours par semaine, les magistrats estiment que le nombre de jours télétravaillés dans les administrations publiques représenterait, à terme, environ 10% du total des jours travaillés.
Le montant de l'indemnité que les collectivités peuvent verser à leurs agents en télétravail, qui est fixé aujourd'hui à 2,50 euros par journée de télétravail effectuée, passera à 2,88 euros au 1er janvier prochain. Un arrêté, paru ce 27 novembre au Journal officiel, entérine la décision gouvernementale, qui relève le montant du "forfait télétravail" de 15%. Le plafond annuel de cette indemnisation augmentera dans les mêmes proportions, puisqu'il s'établira à 253,44 euros (au lieu de 220 euros actuellement). Le forfait télétravail est versé "sur la base du nombre de jours de télétravail demandé par l'agent et autorisé par l'autorité compétente". Le cas échéant, il fait l'objet d'une régularisation "au regard des jours de télétravail réellement effectués au cours de l'année civile". Cette indemnisation est facultative dans la fonction publique territoriale, en application du principe de libre administration des collectivités. Parmi les collectivités ayant mis en place le télétravail et interrogées dans le cadre de l’enquête de la Cour des comptes, un tiers d’entre elles versent une indemnité. |