Transports - Taxer davantage les carburants pour financer les transports collectifs
Il fallait huit minutes à un salarié moyen pour acheter un litre de carburant en 1970 alors qu'il ne lui en faut plus que quatre en 2005 : l'étude que vient de réaliser la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), avec le soutien du ministère de l'Ecologie et de l'Agence de développement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), va à l'encontre de bien des idées reçues. Pour un salarié payé au Smic, la baisse a encore été plus spectaculaire : le temps de travail nécessaire pour payer un litre de carburant est passé en 35 ans de vingt minutes à huit minutes. Les causes de cette diminution du prix réel des carburants sont bien sûr multiples.
La principale raison tient à l'augmentation du salaire net moyen et, dans des proportions encore plus importantes, à celle du Smic, passé de 0,52 euro par heure en 1970 à 8,03 euros par heure en 2005. Depuis le contre-choc pétrolier de 1986 qui a vu le prix du baril chuter en six mois de 30 dollars à 8 dollars, les prix à la pompe ont connu de nombreuses baisses qui ont profité aux automobilistes. En outre, le poids du gazole, moins cher que les autres carburants, est devenu prépondérant : il représente 54% des volumes consommés par les voitures en 2005 contre 6% en 1970.
Au cours de la même période, le prix du voyageur/kilomètre dans les transports collectifs urbains est passé, en monnaie constante, de 6,4 centimes d'euro en 1970 à 9,9 centimes en 2005 tandis que le prix du carburant consommé en ville, ramené au nombre de voyageurs/kilomètre connaissait une légère diminution (de 7 centimes en 1970 à 6,2 centimes en 2005), en raison de la baisse des consommations moyennes.
Des transports collectifs désavantagés
Pour Jean-Marie Beauvais, consultant en économie des transports et auteur de l'étude de la Fnaut, ces évolutions font que les transports collectifs urbains, dont la part de marché est passée de 20% en 1970 à 13% en 2005, sont devenus 60% plus chers que la voiture particulière. Ils ont eu à subir une forte augmentation de leurs coûts d'exploitation, surtout à cause de la diminution de la productivité liée à l'extension des réseaux dans des zones peu denses. Cette hausse s'est accompagnée d'une diminution du taux de couverture des coûts d'exploitation par les recettes venant des usagers (34% en 2004).
"La hausse du prix du transport collectif est un mauvais signal donné aux consommateurs, estime Jean Sivardière, président de la Fnaut. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et se dégager de la dépendance pétrolière, il faut sortir du bricolage du type TIPP flottante ou chèque transport et enclencher un véritable cercle vertueux en faveur des transports collectifs."
Compte tenu des résultats mis en évidence dans son étude, la Fnaut estime que l'automobiliste peut supporter un prix des carburants plus élevé que le prix actuel. Elle préconise ainsi une hausse progressive et programmée de la TIPP, supérieure de 1% à 2% par an à l'augmentation du pouvoir d'achat du salarié moyen. "Si on adopte cette mesure jusqu'en 2020, il faudra à cette date travailler 5,8 minutes pour acheter un litre de carburant, indique Jean-Marie Beauvais. C'est une augmentation modeste, qui permet à tous les agents économiques de s'adapter."
Encourager de nouveaux comportements
L'idée force de la Fnaut est de disposer d'une ressource nouvelle pour assurer le développement des transports collectifs et le maintien de tarifs accessibles à tous. "La hausse du prix du pétrole est inéluctable à l'avenir, du fait de sa raréfaction. Il faut dès aujourd'hui encourager un changement progressif des comportements, qu'il s'agisse de la localisation de l'habitat, en luttant contre l'étalement urbain, et des modes de déplacement, en incitant à une conduite plus douce, à des voitures plus légères et bien entendu à un report sur le transport collectif", insiste Jean Sivardière.
Consciente qu'une proposition de hausse de la taxation est toujours délicate à faire accepter, la Fnaut mise beaucoup sur la pédagogie. "Il faut mieux faire connaître à l'automobiliste à quel point il peut réaliser des économies en se reportant sur le transport collectif", explique Jean Sivardière. Aujourd'hui, si l'on intègre la totalité des coûts, le kilomètre parcouru en ville coûte environ 30 centimes d'euros en voiture contre 10 centimes en transport collectif. A l'année, la comparaison est édifiante : un automobiliste dépense en moyenne 1.400 euros pour ses déplacements urbains alors que l'abonnement annuel à un réseau de transport urbain en 2007 s'élève à 410 euros à Grenoble, 493 euros à Lyon et 551 euros à Paris pour une carte Orange deux zones.
Anne Lenormand