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Taxation des Gafa : la Commission présentera sa directive mercredi

C’est une inversion de l’adage "à enjeux globaux, réponses locales". Ce mercredi la Commission européenne présentera une proposition de directive visant à taxer les géants du numérique. Même s’ils ne sont pas nommément désignés, ce sont bien les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple) qui sont visés, alors qu’ils tirent de juteux profits sur le sol européen sans pour autant être taxés. Une anomalie que l’Europe, à l'initiative de la France, cherche à corriger, dans des proportions somme toute modestes. Jeudi, le quotidien en ligne Contexte indiquait que le taux envisagé par Bruxelles est de 3% du chiffre d’affaires, de quoi lever environ 5 milliards d’euros. Un seuil de 750 millions d’euros de chiffres d’affaires devrait être retenu, afin de ne pas entraver la progression de futurs champions européens. Ces mesures sont dites "intérimaires", le temps d’une hypothétique régulation internationale. La Commission espère une adoption avant les élections européennes de 2019 pour une entrée en vigueur en 2020.
Emmanuel Macron avait lancé le débat lors de son discours sur l’Europe à la Sorbonne le 26 septembre, parlant d’un "continent numérique" régi par la "loi du plus fort". "Nous ne pouvons pas accepter d’avoir des acteurs européens qui sont taxés et des acteurs internationaux qui ne le sont pas, des acteurs du numérique qui n’ont aucune taxe et qui viennent concurrencer des acteurs de l’économie traditionnelle qui eux la paient", avait déclaré le président français, appuyé aujourd’hui par de nombreux Etats membres, dont l’Allemagne, l’Espagne ou Italie, sachant que toute nouvelle législation fiscale européenne requiert l’unanimité.

"Vider les centres-villes de leur substance"

Or ce débat vient télescoper celui qui se pose en ce moment en France avec le programme de revitalisation des centres de villes moyennes. Dans ce cadre, l’Inspection générale des finances a en effet été chargée par le gouvernement d’étudier les moyens de corriger les distorsions de concurrence que le commerce en ligne cause aux commerces physiques, dans un contexte de guerre commerciale de plus en plus agressive. Dernier exemple en date : le Syndicat de la librairie française (SLF) vient de publier sur son site la traduction d’un rapport de l'institut américain de recherche ILSR, publié aux Etats-Unis en novembre 2016, décryptant la stratégie d’Amazon. Dans ce document de 80 pages, les chercheurs américains dénoncent "la stratégie de monopole d'Amazon" qu’ils accusent de "vider les centres-villes de leur substance". Le rapport note aussi qu'Amazon détruit plus d'emplois qu'il n'en crée. Vaste sujet au moment où le géant américain déploie ses entrepôts de logistiques dans l’Hexagone, avec l’appui des élus locaux qui voient surtout les retombées immédiates…

L'OCDE réservée sur l'initiative européenne

L’initiative européenne intervient dans le contexte de tensions commerciales entre l’Europe et les Etats-Unis sur l’acier et l’aluminium. La taxation des géants du web est d’ailleurs au menu du sommet des dirigeants du G20 à Buenos Aires lundi et mardi. En amont de cette rencontre, l’OCDE a publié vendredi un rapport intermédiaire plaidant pour une régulation à l’échelle internationale. Mais ce volumineux rapport se montre critique vis-à-vis des initiatives unilatérales, qu’elles proviennent d’Etats ou de l’Union européenne dont la proposition de directive risquerait "de générer des distorsion économiques, une double taxation, une incertitude et une complexité accrue » et serait susceptible d’entrer en conflit avec des traités fiscaux bilatéraux". Le rapport définitif de l’OCDE est attendu pour 2020. Pour le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, ce rapport permet en tout cas "d’objectiver l’approche" entreprise par l’Union européenne. "Nous attendons donc la publication par la Commission de ses propositions de directives sur le sujet, a-t-il déclaré, par voie de communiqué, vendredi. Nous souhaitons que les discussions au Conseil puissent débuter dès le mois d’avril pour une adoption rapide, d’ici la fin de l’année, de cette solution intérimaire de taxation du chiffre d’affaires. C’est une question de justice, d’efficacité et de solidarité."

 

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