Surélévation des copropriétés : un guide de l’Anil fournit les clefs aux collectivités
Dans un contexte de lutte contre l’artificialisation des sols, la surélévation des bâtiments est une solution séduisante permettant à la fois de densifier les villes et d’améliorer l’efficacité énergétique des logements. Un guide publié par l’Anil en couvre tous les aspects, souvent techniques et complexes, pour les opérations réalisées en copropriétés. Ce document, qui s’adresse aux collectivités territoriales, est à jour des dernières évolutions introduites à ce sujet par la loi Climat et Résilience.
L’Anil (Agence nationale pour l’information et le logement) vient de mettre en ligne un guide à destination des collectivités territoriales, véritable mode d’emploi de la surélévation des copropriétés. Rédigé avec l’Anah (Agence nationale de l’habitat), le Conseil national de l'Ordre des architectes, l'Ordre des géomètres-experts, la Fnaim et UPFACTOR, ce fascicule d’une dizaine de pages répond à toutes les questions d’ordre juridique, financier ou technique sur cet outil consistant à élever d’un ou de plusieurs niveaux un bâti déjà existant sans en modifier l’emprise au sol. A travers le prisme des politiques publiques actuelles de lutte contre l’artificialisation des sols et de rénovation énergétique des bâtiments, la surélévation présente toutes les vertus : limiter l’étalement urbain et préserver du foncier pour des espaces verts et des équipements publics, créer des logements supplémentaires, être une source de financement pour la rénovation globale de l’immeuble, notamment grâce à la cession du droit de surélever à un promoteur ou à un bailleur social, etc.
Une opération "gagnant-gagnant"
Si la surélévation permet aux copropriétaires de baisser leurs charges ou génère certains avantages fiscaux, comme l'exonération temporaire de la taxe foncière durant les deux années suivant l’achèvement ou l’exonération sur la plus-value immobilière, elle est aussi l’occasion d’améliorer la performance énergétique de l’ensemble de l’immeuble. Il n’y a pas à proprement parler d’aide financière dédiée à la surélévation, les aides de l’Anah étant destinées à financer la réhabilitation des immeubles existants, rappelle l’Anil. Pour bénéficier d’une aide de l’Etat, la surélévation doit donc "s’inscrire dans un projet de rénovation globale", insiste-t-elle. Ainsi, le gain énergétique consécutif à cette opération, s’il atteint 35%, peut être pris en compte pour bénéficier de MaPrimeRénov’ Copropriété. Outre le bénéfice d’une TVA à taux réduit de 5,5% pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation, d’autres aides peuvent également être mobilisées, telles que l’éco-PTZ, mais aussi les certificats d’économies d’énergie (CEE).
Une myriade de questions
Sur le plan technique, les questions sont légion. Le guide en énumère quelques-unes : le projet de surélévation pourra-t-il être supporté par la construction existante ? Quels choix de dispositifs constructifs, notamment au regard des politiques publiques locales (favoriser les matériaux biosourcés, les écosystèmes locaux…)? Comment gérer la présence d’un ascenseur, des fluides, des réseaux, la présence d’amiante…C’est pourquoi le projet de surélévation exige un diagnostic préalable et une étude de faisabilité technique en amont. Le guide encourage par ailleurs l’accompagnement par une équipe de maîtrise d’œuvre pour s’assurer de la faisabilité technique du projet, mais aussi du respect des réglementations applicables (très nombreuses), ainsi que de l’anticipation des coûts prévisibles, et notamment de ceux des études en amont. Il s’agit de s’entourer de conseils de professionnels pour la partie technique (CAUE - conseils d’architecture d’urbanisme et de l’environnement-, architectes, géomètres-experts, bureaux d’études etc.) et juridique (Adil - agences départementales d’information sur le logement -, avocats, géomètres-experts et notaires). Les questions juridiques sont en effet tout aussi complexes, la surélévation pouvant en particulier impliquer une mise aux normes du bâti existant (locaux dédiés aux poubelles, poussettes, vélos).
L’autorisation d’urbanisme : un passage obligé
"L’autorisation requise dépend de la surface de plancher créée, ainsi que de la surface existante et, dans certains cas, du document d’urbanisme qui couvre la commune concernée", précise le guide. Concrètement - hors cas particuliers des immeubles inscrits ou classés -, une déclaration préalable est en principe suffisante si la surface de plancher créée est inférieure ou égale à 20 m2 (ou 40 m2 en zone urbaine). Dans le cas contraire, un permis de construire est nécessaire. Selon l’envergure du projet (plus de 150 m2), le recours à un architecte est en outre obligatoire. "L’autorisation est accordée si les travaux projetés sont conformes aux règles d’utilisation des sols, d’implantation, de destination, de nature, d’architecture, de dimensions, d’assainissement des constructions et d’aménagement de leurs abords", souligne également le guide. Conclusion : se référer au plan local d’urbanisme (PLU) est bien la première étape à suivre. Des dérogations au PLU sont néanmoins possibles en zones dites "tendues" (à savoir les zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants et les communes de plus de 15.000 habitants en forte croissance démographique), dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme (GOU) et dans les secteurs d’intervention comprenant en centre-ville des opérations de revitalisation de territoire (ORT). Le cas échéant, les dérogations accordées par l'autorité compétente peuvent porter sur les règles de hauteur et de gabarit dans le cas d'un adossement à une construction existante contiguë, ainsi que sur les obligations en matière de création d'aires de stationnement. Et un bonus de constructibilité supplémentaire (dans la limite de 5%) peut être accordé pour des projets présentant un intérêt public du point de vue de la qualité ainsi que de l'innovation ou de la création architecturales. Le guide rappelle aussi l’existence d’un droit de surplomb du fonds voisin, d’au plus 35 cm d’épaisseur, pour l'isolation thermique par l'extérieur d'un bâtiment (introduit par la loi Climat et Résilience et son décret n° 2022-926 du 23 juin 2022).
Enfin, il est possible de solliciter des dérogations à certaines règles de construction. Ces dérogations ne peuvent qu’être délivrées par le préfet.
Un plan pluriannuel de travaux pour passer à l’action
Concrétiser une surélévation en copropriété exige aussi d’obtenir en assemblée générale le feu vert des copropriétaires. Le guide fait notamment un focus sur le caractère désormais obligatoire du plan pluriannuel de travaux (PPT) - en vertu de la loi Climat et Résilience - dans toutes les copropriétés de plus de 15 ans comprenant des immeubles à destination partielle ou totale d’habitation. Il peut s’appuyer sur l’éventuel diagnostic de performance énergétique (DPE) ou diagnostic technique global (DTG) déjà réalisé. Ce dispositif, qui comporte entre autres, une proposition d'échéancier pour les travaux dont la réalisation apparaît nécessaire dans les 10 prochaines années, permet d’inciter les copropriétaires à réaliser des travaux de rénovation.
Des développements du guide sont également consacrés au référé préventif, procédure non obligatoire, toutefois "hautement recommandée" avant de réaliser des travaux, particulièrement en milieu urbain, pour prévenir de nombreux litiges. Il consiste en un constat, par un expert judiciaire désigné par le juge des référés, de l’état des immeubles voisins et de celui surélevé.