Normes - Sur-transposition des directives : le Sénat regrette la manque d'ambition du projet de loi
Avec le double objectif de réduire la production normative et de simplifier la vie administrative dans des domaines aussi divers que l’économie, l’environnement ou les transports, le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes laisse un goût d’inachevé pour les sénateurs convaincus que la démarche doit aller beaucoup plus loin.
Le Sénat a adopté, dans l’après-midi du 7 novembre, le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, dont il avait commencé l'examen en première lecture la veille, sans manquer d’exprimer une certaine frustration au vu du peu d’ambition du texte. Regroupés en quatre chapitres, les 27 articles composant ce projet de loi reprennent certaines sur-transpositions législatives identifiées l’année dernière par un rapport inter-inspections - sur un total de 132 - dans des domaines très variés de l’action publique : du droit des sociétés aux archives publiques en passant par le développement durable et les normes radioélectriques (lire notre article du 5 octobre).
Mais l’exercice demeure limité dans sa portée, laissant de côté des secteurs entiers, pourtant recensés comme des écarts pénalisants pour la compétitivité des entreprises ou l’efficacité des services publics. Il en est ainsi par exemple en matière de fiscalité énergétique. La commission spéciale qui a examiné le texte le 30 octobre dernier - sous la présidence de René Danesi (LR-Haut-Rhin) auteur d’un rapport sur le sujet présenté en juin dernier - invite à "aller plus loin" dans cette entreprise de simplification jugée "encore trop timide". Le rapporteur, Olivier Cadic (UC-Français établis hors de France), encourage à poursuivre activement ce travail - y compris au niveau réglementaire - pour diminuer le stock de sur-transpositions et "si nous ne voulons pas continuer à vider la mer avec une cuillère, empêcher des sur-transpositions dans les textes à venir".
Garde-fous sanitaires
S’il ne concerne pas spécifiquement les collectivités ou leurs établissements publics, le texte comporte néanmoins certaines mesures à relever en particulier au sein du chapitre II dédié au développement durable, lui-même subdivisé en sections relatives à l’environnement (art. 14 à 16), à l'eau (art. 17 et 18) et au transport ferroviaire de proximité (art. 19 à 23).
Le choix a été fait de retenir une acception large de la notion de sur-transposition, incluant la non-exploitation des possibilités de dérogation ouvertes par la directive. C’est le cas de l’adjonction, à l'article 16, de motifs de dérogation pour permettre la chasse de certains oiseaux migrateurs causant des dégâts agricoles, au sujet duquel la rapporteure, Marta de Cidrac (LR-Yvelines), n'a pas caché sa perplexité.
La commission a également considéré que la suppression opérée par l'article 15 de la condition de traitement au sein d'une installation classée pour la sortie du statut de déchet ne permettait pas de se prémunir contre d'éventuels impacts sanitaires et environnementaux "d'ailleurs pas du tout abordés par l'étude d’impact". Le texte conserve donc le principe d’un traitement dans une installation IOTA ou ICPE, tout en permettant à des établissements de l'économie sociale et solidaire spécialisés dans le recyclage d'y procéder pour certains types de déchets non dangereux, dans des conditions fixées par décret.
Portée limitée
L’article 17 qui permet un nouveau report d’échéance au delà de 2027 pour l'atteinte du bon état écologique des masses d’eau a en revanche été adopté sans réserve. Techniquement, ce report - prévu par la directive cadre - ne concerne qu'un petit nombre de masses d'eau qui en raison de conditions naturelles particulières, présentent une forte inertie et ne peuvent évoluer que très lentement, en dépit des actions menées. La rapporteure redoute malgré tout un "effet d'affichage négatif" sur l'atteinte de l'objectif du bon état écologique des masses d'eau en 2027, qui risque de démobiliser un certain nombre d’acteurs.
Sur le volet transport, les acteurs concernés sont peu nombreux et les répercussions seront là encore assez limitées. L'objectif affiché est de renforcer la compétitivité des opérateurs ferroviaires de proximité, en particulier dans le secteur du fret, en les dispensant de démarches administratives injustifiées. Sachant que les options ouvertes par la directive dite "refonte" de 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen n’ont pas entièrement été exploitées. Il en est ainsi par exemple pour certains cas d'exemption de la licence d'entreprise ferroviaire et notamment pour les trains touristiques sur des lignes locales ou régionales (art. 21). Ces dispositions ont fait l'objet de simples modifications rédactionnelles, à l'exception de l'article 23 - qui prévoyait de supprimer l'obligation pour certains conducteurs de train d'être titulaires d'une licence - que le Sénat a retranché du texte, opposant à la réduction des coûts, l’obligation de sécurité pour les opérateurs ferroviaires et les usagers de ces transports.