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Réforme territoriale - Sur les routes estivales... avec une nouvelle carte de France

Localtis interrompt ses éditions quotidiennes jusqu'au 25 août. Dans l'intervalle, cette "édition spéciale" vous propose une série d'arrêts sur images autour des principaux dossiers du moment. Parmi eux, la réforme territoriale aura indéniablement été la grande invitée surprise de cette première moitié de l'année. Avec, pour commencer, la nouvelle carte des régions.

"Tiens, une carte postale de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ! Et toi tu pars où ? - Oh ça va être repos en famille en Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne. Mais on ira aussi faire un petit tour en Bourgogne-Franche-Comté…" Difficile pour le moment d'imaginer ce type de dialogue… Politique-fiction ? C'est pourtant théoriquement ce que l'on pourra entendre dès l'arrivée des beaux jours dans les années à venir !
Qui, il y a moins d'un an, aurait imaginé qu'en cet été 2014, le dessein d'une France à treize "grandes régions" venant chambouler nos repères géographiques hérités des années cinquante aurait effectivement pris forme ? Et que ce dessein a priori improbable aurait été imposé en quelques mois, jusqu'à avoir été déjà adopté en première lecture au Parlement ?
Certes, les jeux ne sont pas faits - on ne sait pas encore à quoi ressemblera la carte de France qui aura été dessinée in fine, lorsque ce projet de réforme aura été promulgué. D'autant plus que d'ici le retour du texte au Sénat en octobre, les élus jusqu'ici un peu pris de court auront eu le temps d'affûter leurs crayons et ciseaux. Les élections sénatoriales seront en outre passées par là. Et surtout, après avoir été invités à se pencher sur le "contenant" - la carte -, les parlementaires devront examiner le "contenu", à savoir le projet de loi sur les compétences. Ce même projet de loi qui porte en germe la fin des départements. Le débat, donc, ne fait que commencer.
Quoi qu'il en soit, à l'heure de cette traditionnelle édition estivale prenant la forme d'une photographie des principaux dossiers du moment pour les collectivités, la "nouvelle" réforme territoriale aura indéniablement été la grande invitée surprise de cette première moitié de l'année. Reprenons le film des événements.

Tout commence en janvier, lorsque François Hollande, lors de sa fameuse grande conférence de presse,  annonce que "notre organisation territoriale devra être revue" et, entre autres, que le nombre des régions "peut évoluer". Thierry Mandon, qui n'est pas encore secrétaire d'Etat chargé de la simplification, commente les choses en déclarant : "Dans l'idée, c'est une quinzaine" de régions. Tout de suite, les commentaires s'emballent et font notamment les gros titres de la presse régionale. Pourtant, l'idée, à ce moment-là semble plutôt être l'incitation. Marylise Lebranchu reste bien sur cette ligne : "J'en ai discuté à la fois avec le président de la République et le Premier ministre. On ne peut pas y aller à la hache. Si vous y allez à la hache, vous risquez de perdre une efficacité pendant un ou deux ans. Ce qu'on va proposer, c'est d'avoir une sorte de bonus-malus pour les collectivités territoriales en leur disant : si vous fusionnez, on vous encouragera y compris financièrement."

Deux jours après la conférence de presse présidentielle, le Premier ministre d'alors, Jean-Marc Ayrault, lance de son côté une petite phrase qui allait faire que le sujet du jour ne serait plus les régions mais les départements – et, plus précisément, les départements franciliens : "Je suis favorable à ce que l'on aille vers la suppression des départements de la première couronne (...) On a besoin de métropoles et autour des métropoles, il faut simplifier." Les élus franciliens concernés prennent la menace au sérieux.

Le 18 janvier vient le discours de Tulle : François Hollande profite de ses vœux aux Corréziens pour préciser qu'il a "demandé au gouvernement de préparer une nouvelle loi de décentralisation". Mais on ne sait pas encore s'il s'agira simplement d'une version retouchée du projet de loi initialement attendu ou bien d'un nouveau texte. On saisit mal, en outre, l'ampleur du changement de posture concernant l'avenir des départements. Un virage, en tout cas, a eu lieu. Surtout si l'on se souvient des propos du chef de l'Etat en octobre 2012 : "Aujourd'hui, c'est le département qui est sur la sellette (…). Des arguments en termes d'économie sont souvent avancés pour supprimer un échelon. Il ne résiste pas à l'examen dès lors qu'il n'est pas question d'abolir les compétences que cette collectivité exerce. A part diminuer quelques dizaines d'élus, où est l'économie ? Quant à la simplification espérée, elle aboutirait à l'éloignement le plus souvent de nos concitoyens par rapport aux décisions prises sans effet sur l'efficacité même du service rendu." Presque mot pour mot ce que disent aujourd'hui les opposants à la réforme Hollande.

Très peu de temps après est publiée au JO la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi Maptam.  Promulguée le 27 janvier 2014, elle est l'aboutissement de près de neuf mois de discussions. Mais depuis les récentes déclarations de l'exécutif, on sent que les regards sont déjà ailleurs. Car on sait désormais, donc, que les deux autres projets de loi qui avaient été préparés en même temps que la loi Maptam (et avaient bel et bien été déposés au Parlement) resteront finalement lettres mortes et seront remplacés par un nouveau texte. On pressent aussi que certaines des dispositions de la toute nouvelle loi Maptam pourraient être remises en cause, comme son article 1er rétablissant la clause générale de compétences.

A la mi-février, le Premier ministre reçoit les présidents de région. Il leur fait savoir que l'Etat compte leur transférer "le maximum de compétences" dans les domaines de l'économie et de l'emploi. Deux jours plus tard, ce sont les présidents de département qui sont invités à Matignon. Si le gouvernement ne nie pas qu'il mise sur la régionalisation, il tient à rassurer les élus départementaux : le rôle de leurs collectivités pourrait être conforté dans plusieurs domaines, dont ceux "du social, des routes, des transports, des collèges et de la sécurité civile", leur a-t-il été dit. C'est en tout cas ce qu'on entendu les élus.

En mars, pas de nouvel épisode… à part les élections municipales. Et le remaniement qui s'en suivra. Manuel Valls entre en scène le 31 mars en tant que Premier ministre. La composition de son équipe est annoncée le 2 avril. Marylise Lebranchu continuera à s'occuper de décentralisation et de fonction publique. Le 9 avril, on apprend qu'elle devra travailler avec André Vallini, nommé secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale.

Mais surtout, le 8 avril, Manuel Valls prononce sa déclaration de politique générale. La tonalité a changé. L'heure n'est apparemment plus à la réflexion, à l'incitation… Les nouveaux mots d'ordre sont clairs : "Réduire de moitié le nombre de régions" en 2017, par la loi s'il le faut. Instaurer "une nouvelle carte intercommunale" avant 2018. Supprimer la clause générale de compétence des régions et des départements. Et supprimer le département d'ici 2021. S'en suit évidemment une pluie de réactions, parfois vives. Le président de l'Assemblée des départements de France, par exemple, se dit "abasourdi". Au Sénat, le dialogue vire à la confrontation.

Très vite, un nouveau projet de loi est soumis au Conseil d'Etat. Une version de ce texte circule. S'agissant de la réduction du nombre des régions, l'avant-projet prévoit simplement une taille minimum de deux millions d'habitants et laisse aux régions elles-mêmes le soin de faire des propositions d'ici juin 2015.

Le 29 avril, devant l'Assemblée, le Premier ministre continue d'afficher sa fermeté sur le sujet et se dit même prêt à "aller plus vite" encore.

Le 6 mai lors d'une interview télévisée, le chef de l'Etat préconise le report d'un an des élections régionales et départementales afin que l'on vote une fois qu'aura été actée la nouvelle carte de France faite de "onze ou douze" régions. Le projet de loi attendu à la mi-mai en Conseil des ministres pourrait être modifié en ce sens, annonce-t-il. Lui aussi fait part de sa volonté d'"accélérer" la réforme. Et considère comme Manuel Valls que "les conseils généraux ont vécu". Tout cela suscite une certaine confusion. Beaucoup attendent une explication de texte. Tant de questions se posent. Faudra-t-il, pour supprimer les départements, réviser la Constitution ? Que deviendront les compétences actuelles des départements ? Il apparaît en tout cas que le département pourra difficilement être rayé d'un trait. Et qu'il faudra sans doute le remplacer par autre chose. Mais quoi ? Quelles économies attendre de la réforme ? Aucune, clament de nombreux élus.

Le 3 juin, François Hollande ne dit pas un mot... mais sait qu'il va malgré tout faire du bruit. Il diffuse simplement sa "nouvelle carte des régions". Celle d'une France métropolitaine à 14 grandes régions. A la clef, quelques mariages arrangés et même un ménage à trois. Pour les départements en revanche, le chef de l'Etat a dû lâcher du lest : leur suppression est vue à l'horizon 2020... une fois qu'ils auront été "dévitalisés", autrement dit vidés de leurs compétences.

On sait maintenant qu'il y aura deux projets de loi distincts. Une nouvelle version du projet de loi sur les compétences qui doit être présenté en Conseil des ministres en même temps que le projet de loi sur la carte des régions a commencé à circuler. Elle entérine entre autres le fait que les départements se verront dessaisis de leurs compétences en matière de routes le 1er janvier 2017 et en matière de collèges le 1er septembre 2017.

André Vallini effectue quelques déplacements. A Nevers le 5 juin par exemple, où le discours passe mal. "Les routes départementales sont presque trop belles […] On peut restreindre le budget des routes", soutient ainsi le secrétaire d’Etat. "Qui dit que les régions ne sauront pas bien s’en occuper ?", argumente-t-il, précisant au passage que "les régions pourront déléguer par convention".

C'est le 18 juin que les deux projets de loi sont présentés en Conseil des ministres. Quatorze régions au lieu de vingt-deux d'ici à peine dix-huit mois, un report des élections régionales et départementales à décembre 2015, un transfert massif de compétences des départements aux régions et aux métropoles, un nouveau seuil de 20.000 habitants pour les EPCI... les annonces du chef de l'Etat ont bel et bien pris corps dans ces deux textes (détaillés le jour même par Localtis).

Le texte sur les fusions de régions arrive peu après au Sénat. Il est d'abord examiné par une commission spéciale, qui le détricote, le désapprouve et demande une saisine du Conseil constitutionnel. Pendant ce temps, de Nantes à Strasbourg, le sujet est descendu dans la rue - on en parle beaucoup, certains manifestent… Et on voit que les positions des uns et des autres seront difficilement conciliables. Le puzzle vire au casse-tête.

Après le feu vert du Conseil constitutionnel, le Sénat tente à nouveau de bloquer les choses en adoptant une motion pour réclamer un référendum. Mais l'Assemblée nationale rejette cette demande. Finalement, au terme de sa première lecture, le 4 juillet, le Sénat adopte le projet de loi... mais après l'avoir vidé de l'essentiel de ses dispositions. Il laisse ainsi de facto carte blanche aux députés.

Une fois le texte à l'Assemblée, les choses sont moins spectaculaires. En commission des lois, les députés se contentent de proposer une fusion Aquitaine-Limousin, le rétablissement des élections départementales et régionales en décembre 2015 et un exercice facilité du droit d'option pour les départements. Le tout avec, semble-t-il, l'aval du gouvernement.

En séance - et après des discussions au sein du groupe PS - les retouches sont plus franches. Avec plusieurs nouveautés sur la carte : Champagne-Ardenne rejoindrait l'Alsace et la Lorraine dans une grande région à trois (au lieu de se rapprocher de la Picardie) ; la Picardie est mariée au Nord-Pas-de-Calais (région qui devait initialement rester seule) ; le Limousin et Poitou-Charentes fusionnent avec l'Aquitaine (et non plus avec la région Centre). L'ensemble du texte est adopté le 23 juillet.

On en est là. Rendez-vous à la rentrée pour la suite des événements. D'ici là, nous vous souhaitons un bel été... Et n'oubliez pas d'envoyer quelques cartes postales !

 

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