Loi Notr - Suppression de la clause de compétence générale : la requête de l'ADF franchit une première étape
Le Conseil d'Etat a décidé, le 20 juin, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par l'Assemblée des départements de France (ADF), considérant que la requête présentait "un caractère sérieux". En jeu : la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions par l'article 2 de la loi Notr (nouvelle organisation territoriale de la République).
L'ADF avait en effet plaidé que cette suppression est contraire au principe de libre administration des collectivités tel qu'inscrit à l'article 72 de la Constitution ("dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leur compétence").
Pour l'ADF en effet, le nouvel article L. 3211-1 du CGCT tel qu'issu de la loi Notr (voir encadré ci-dessous) prive désormais les conseils départementaux de la possibilité d'intervenir "dans les matières qui n'avaient pas été attribuées par la loi à d'autres personnes ou collectivités publiques, afin de prendre des décisions ou de créer des services publics répondant à un intérêt public et aux besoins de la population", tel que l'indique le Conseil d'Etat.
Le Conseil d'Etat rappelle que le Conseil constitutionnel n'a jusqu'ici pas eu l'occasion de se prononcer sur la conformité de l'article 2 de la loi Notr à la Constitution. On se souvient en effet que le Conseil constitutionnel n'avait été saisi, en fin de parcours parlementaire du projet de loi Notr, que sur un petit aspect de la Métropole du Grand Paris, lequel avait d'ailleurs été censuré.
La question de la "conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution" de cet article article L. 3211-1 du CGCT devra donc bien être tranchée par le Conseil constitutionnel.
La loi Notr... et les deux instructions
Interrogé ce 22 juin par Localtis, Dominique Bussereau, le président de l'ADF, s'est félicité de cette "étape positive" et attend maintenant le verdict du Conseil constitutionnel. En tout cas, le fait que le Conseil d'Etat ait ainsi "validé le raisonnement juridique" de l'ADF est déjà une satisfaction.
On sait que l'ADF a déposé une autre QPC, sur le pouvoir d'approbation par le préfet du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). Et que l'association a également saisi le Conseil d'Etat sur deux instructions relatives à la mise en oeuvre de la loi Notr, publiées le 1er janvier, dont l'une porte justement sur les incidences de la suppression de la clause de compétence générale des départements et des régions. L'autre instruction concerne plus précisément la nouvelle répartition des compétences entre collectivités dans le domaine économique. En avril, le juge des référés du Conseil d'Etat avait rejeté les deux référés suspension déposés par l'ADF (voir notre article ci-contre). Ce qui ne préjuge pas de ce qui sera décidé sur le fond.
Dominique Bussereau continue de dénoncer "le désordre" généré par la loi Notr, par exemple dans le champ des transports. Et de faire valoir que les instructions apportent de surcroît une vision "plus restrictive" que la loi elle-même, générant notamment certaines "situations dramatiques" en matière d'aides aux entreprises.
Le président de Charente-Maritime indique à ce titre que le président PS de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charente, Alain Rousset, et les douze présidents des départements de ce vaste territoire régional ont cosigné à la mi-juin un courrier à l'attention de Manuel Valls pour lui faire part des difficultés rencontrées depuis que les départements sont censés renoncer à leurs interventions économiques, la région n'étant pas en mesure de tout reprendre à sa charge.
Claire Mallet
Compétences du département : ce que dit l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) modifié par la loi Notr
"Le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue.
Il est compétent pour mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes enfants et à l'autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l'accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge.
Il a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes."