Suite territoriale : comment l'Etat entend sécuriser les messageries de petites communes
Le bouquet de services numériques à destination des petites communes est en cours de tests dans plusieurs territoires. Cette "Suite territoriale", objet d'un webinaire de l'incubateur des territoires le 24 octobre 2024, doit permettre aux petites communes de sécuriser leur messagerie électronique, principale porte d'entrée des cyberattaquants.
Les collectivités territoriales figurent depuis plusieurs années dans le haut du palmarès des victimes de cyberattaques. Et, comme l'ont montré les études de Cybermalveillance (notre article du 18 mai 2022) les petites communes ne sont pas épargnées par ce fléau. Un phénomène que l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) impute largement aux pratiques numériques de ces structures souvent dépourvues de compétences informatiques. "45% des collectivités n'ont pas de nom de domaine officiel (de type mairie-nom.fr) et 21.000 communes utilisent des adresses e-mail grand public comme Wanadoo, Orange ou Gmail", illustre Thibault Chambert-Loir, intrapreneur à Beta.gouv. Or, ces pratiques les exposent à des failles de sécurité, facilitent les arnaques et les tentatives d'usurpation d'identité. En outre, elles nuisent à l'image et à la crédibilité numérique des collectivités.
Un bouquet de 5 services
C'est à partir de ces constats qu'a émergé le projet de "Suite numérique territoriale" annoncé il y a un peu plus d'un an par le gouvernement. Concrètement, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été mandatée par l'Anssi pour déployer une plateforme numérique sécurisée adaptée aux besoins et aux ressources des différents territoires. La convention signée entre les deux structures en décembre 2023 prévoyait la gestion de noms de domaine institutionnels, la mise en place d'une messagerie sécurisée et d'un espace de stockage. Deux services complémentaires sont ensuite rapidement venus se greffer, avec la mise en place d'une interface d'administration et d'un connecteur (AgentConnect, devenu proConnect) pour sécuriser l'accès à la plateforme de services.
La messagerie professionnelle en cours de déploiement
"La Suite territoriale est conçue pour répondre aux besoins de toutes les collectivités mais elle cible particulièrement celles qui n'ont pas de ressources informatiques", explique Claire Laurenziani, chargée de son déploiement. Aujourd'hui c'est le volet messagerie qui est le plus abouti. Basée sur Open-Xchange, cette messagerie professionnelle offre une interface riche et intuitive, similaire à Gmail ou Outlook. Elle propose des fonctionnalités de recherche, de carnet d'adresses, de gestion des contacts et des tâches, ainsi que des agendas partagés. Les travaux sont également bien avancés sur la Régie qui permet aux collectivités de configurer les services et de gérer les accès. Il s'agit notamment d'offrir à l'ensemble des agents et des élus la possibilité de bénéficier d'une adresse mail officielle. La plateforme est hébergée dans un cloud souverain, conforme aux exigences "SecNumCloud" de l'Anssi.
Des premiers retours positifs
Afin de s'assurer que la Suite Territoriale répond aux besoins des collectivités, les représentants des collectivités (associations d'élus, centre de gestion, structures de mutualisation) ont été consultés. Des expérimentations ont été lancées au printemps dernier avec un groupe pilote d'une vingtaine d'opérateurs de services numériques (OPSN) et 50 EPCI ou communes de moins de 15.000 habitants. La commune de Varzy (Nièvre,1250 habitants), a ainsi participé à l'expérimentation de la messagerie collaborative. La mairie utilisait auparavant une messagerie Orange, ce qui limitait le travail collaboratif et l'identification de la mairie auprès des citoyens. La solution a été jugée "intuitive" et les fonctionnalités "adaptées" aux besoins de la mairie a témoigné l'agent qui pilote le projet à Varzy. L'enjeu principal apparait celui de la migration d'un système à l'autre, les agents ayant peur de perdre leur historique mail et contacts. Un sujet sur lequel l'ANCT a promis la mise à disposition de tutoriels pour rendre les communes autonomes dans le déploiement de la suite. Très attendue, la partie stockage, qui éviterait le recours aux solutions des grands acteurs américains, n'est pour sa part pas encore opérationnelle.
Les communes et EPCI intéressés à tester ces outils sont invités à se rapprocher soit de leur OPSN soit de l'ANCT, si leur département n'est pas couvert par une structure de mutualisation.