Sport - Subventions sportives : l'Isère lance l'écoconditionnalité
Et si le respect de l'environnement lors de l'organisation d'un événement sportif devenait une condition sine qua non pour l'obtention de subventions de la part des collectivités territoriales ? C'est la direction que prend le conseil général de l'Isère à travers son tout nouveau label "éco-événement" récompensant les manifestations sportives et remis pour la première fois samedi 22 janvier aux organisateurs de la Foulée blanche, une course de ski de fond réunissant quelque sept mille participants. "Cette action s'inscrit dans le cadre de l'Agenda 21 du conseil général. Certaines grandes manifestations en Isère rassemblent des milliers de personnes et produisent des déchets. C'est toujours plus incitatif si au bout il y a une récompense pour les associations, d'autant plus que la mise en place de ces actions peut avoir un coût pour elle", explique Yannick Belle, conseiller général délégué à la jeunesse et au sport. "Après une première phase de sensibilisation, d'information et d'accompagnement, certaines collectivités entrent en 2011 dans une seconde phase, innovante, où les subventions vont être conditionnées au respect de critères de développement durable", note Arnaud Jean, chef de projet à la mission sport et développement durable du ministère des Sports.
Sélectionner et accompagner les associations
En Isère, le principe est désormais simple : les événements qui n'obtiendront pas le label verront leurs subventions baisser. "Les baisses envisagées interviennent dans un contexte budgétaire délicat. Cette année, mon budget est en baisse de 25%. Nous devons être plus sélectifs dans nos aides et le critère environnemental est un moyen de sélectionner et de pousser les associations à aller dans notre sens", détaille Yannick Belle. "Cette démarche traduit bien une volonté politique forte des collectivités, commente Arnaud Jean. On touche à la fibre sensible en donnant moins de subventions ou pas du tout. C'est un processus coercitif. Mais personne n'est pris en défaut car cela arrive après deux ans d 'échanges et de sensibilisation."
Deux ans, c'est effectivement le temps du travail de long terme voulu par le conseil général de l'Isère. Durant cette période, les associations soumettent leur plan d'actions puis des observateurs en contrôlent la mise en oeuvre lors de l'événement. "La manifestation doit être exemplaire sur tous les plans. Ce n'est pas un label qu'on veut banaliser. Après la Foulée blanche, il y aura peut-être deux ou trois manifestations labellisées cette année. Pour les autres, il y a encore beaucoup à faire. Pour l'instant, on nous demande surtout des gobelets, mais il y a toute la démarche de covoiturage à mettre en oeuvre, les poubelles de tri, le recours à des producteurs locaux. Or, il faut s'engager sur l'ensemble des thématiques pour avoir le label", justifie Yannick Belle.
Pour rendre les choses concrètes, le conseil général a décidé de créer trois niveaux d'intervention. Une baisse des subventions pour les associations qui ne font pas d'effort en matière de développement durable. Un maintien des subventions pour celles qui se lancent dans la démarche de labellisation. Une augmentation pour celles qui obtiennent le label. La Foulée blanche a ainsi vu sa subvention croître de 10% cette année. "La diminution des manifestations qui ne jouent pas le jeu va financer l'augmentation de subventions de celles qui jouent le jeu", souligne Yannick Belle. Face à cette position du conseil général, les associations organisatrices d'événements ont bien réagi. D'autant que l'accent était mis sur un accompagnement très concret : dès le départ, outils et guide des actions à mettre en place leur ont été distribués gratuitement.
Un label unique au niveau de territoire
Autre innovation dans la démarche du département rhônalpin : la volonté de faire de son label écoresponsable un label unique pour tous les acteurs du sport sur son territoire, qu'il s'agisse des services déconcentrés de l'Etat (direction départementale de la cohésion sociale, ex-direction départementale de la jeunesse et des sports), du comité départemental olympique, des parcs naturels ou de la communauté d'agglomération de Grenoble. Cette initiative permettra donc d'y voir plus clair dans le foisonnement d'étiquettes actuellement disponibles sur le marché de l'écovalorisation des événements. Si le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a délivré son label-phare "Développement durable, le sport s'engage" à quatorze manifestations en 2009 et à trente et une en 2010, d'autres organisations ont choisi de se faire certifier par des labels fédéraux, privés ou encore issus des collectivités territoriales et des services déconcentrés de l'Etat. "Tous sont assez sérieux et parfois complémentaires, mais cette profusion entraîne une certaine confusion pour les acteurs du sport", remarque Arnaud Jean. "Si chaque collectivité impose ses propres critères, c'est ingérable pour les associations. Le label commun simplifie leur tâche", renchérit Yannick Belle. En Isère, les acteurs concernés décident de manière concertée de l'attribution du label. Et si seul le conseil général s'est fixé des objectifs rigoureux en termes de subventionnement, la direction de la cohésion sociale, via les aides du Centre national de développement du sport (CNDS), prend également en compte le critère environnemental.
Enfin, la démarche iséroise dépasse le cadre du sport. L'ensemble des subventions aux communes obéit en effet au même esprit. "Par contre, précise Yannick Belle, on n'applique pas de malus. Soit les communes respectent nos critères environnementaux, soit c'est zéro subvention. En sport, l'objectif n'est pas de sanctionner les associations mais de les tirer vers le haut. J'espère ne pas avoir à appliquer le malus, mais s'il faut l'appliquer on l'appliquera." Une fois n'est pas coutume, cette innovation portée par un département sera observée de très près au plus haut niveau. "On réfléchit actuellement à la mise en place de cette écoconditionnalité des subventions en matière sportive au niveau de l'Etat pour 2012", conclut Arnaud Jean.
Jean Damien Lesay
Les manifestations sportives bientôt exemptées de la contribution sur les imprimés ?
Afin de protéger l'environnement et de responsabiliser les producteurs d'imprimés papier, l'article L.541-10-1 du Code de l'environnement instaure une contribution financière à la collecte, la valorisation et l'élimination des déchets papiers due par le donneur d'ordre qui émet ou fait émettre ces imprimés. Exception à cette règle : les imprimés émis dans le cadre d'une mission de service public, les livres et les publications de presse (à condition que moins des deux tiers de leur surface soient consacrés à la publicité). Il en découle que les publications d'information culturelle ou sportive, même mises gracieusement à la disposition du public, sont taxées comme des prospectus publicitaires.
Pour que "les publications oeuvrant en faveur de la démocratisation culturelle et du développement de la pratique sportive ne soient pas pénalisées," un groupe de dix-neuf députés a déposé le 20 décembre dernier une proposition de loi visant à exclure les publications de presse dont l'objet principal est d'informer sur des manifestations culturelles, artistiques ou sportives.
J.D.L.
Référence :
proposition de loi 3059 visant à concilier la fiscalité environnementale avec la démocratisation culturelle et le développement de la pratique sportive, déposée le 20 décembre 2010 à l'Assemblée nationale.