Commerces - Strasbourg, Nantes, Toulouse ou Colmar : le palmarès des centres les plus dynamiques
Quelles que soient les strates de communes visées, des centres-ville affichent une vitalité étonnante dans un contexte pourtant déprimé. Strabourg, Colmar, Annecy, mais aussi de plus petites villes comme Saint-Lô, Lons-le-Saunier ou Bastia se hissent en tête du premier palmarès des centres-ville commerçants de Procos. La fédération du commerce spécialisé analyse les raisons de ces succès : une forte présence des métiers de bouche, une place équilibrée entre voitures et piétons, une offre culturelle importante... Dans toutes ces villes, c'est une politique "globale" qui a été mise en place, bien au-delà de la dimension commerciale.
Si le commerce en centre-ville est en difficulté - avec un taux de vacance passé de 7,2% à 9,5% entre 2012 en 2015 -, ce n'est pas une fatalité. C'est le message que souhaite véhiculer Procos, la fédération du commerce spécialisé, à travers son premier palmarès des centres-ville commerçants, publié le 24 janvier 2017.
Ce nouvel outil d'évaluation des politiques commerciales consiste à établir un classement des centres-ville marchands les plus dynamiques, hors Paris et la région parisienne, en fonction de leur taille : les grandes agglomérations (unité urbaine supérieure à 240.000 habitants), les grandes villes moyennes (entre 70.000 et 240.000 habitants), les petites villes moyennes (entre 35.000 et 70.000 habitants) et les villes touristiques (20.000 à 90.000 habitants). Il porte sur 200 villes, qui sont analysées à travers plusieurs critères : le dynamisme du marché de consommation, les apports de population extérieurs, les performances économiques des enseignes et les éléments composant l'agrément d'un centre-ville (métiers de bouche, culture et loisirs, cafés…). Strasbourg, Nantes, Toulouse, mais aussi Colmar, Annecy, Chartres, Saint-Lô et Saint-Malo ressortent aux premières places du palmarès.
Une politique volontariste indispensable
Il n'y a pas de recette miracle à la réussite de ces centres-ville marchands ; Procos identifie cependant quelques facteurs clés de succès. La mise en place d'une politique globale de la part de la collectivité est ainsi jugée comme incontournable : une politique concertée entre les acteurs, équilibrée sur le plan de l'urbanisme, et multi-dimensionnelle, intégrant logements, transports, vie économique et sociale, activités culturelles et touristiques. D'après Procos, "le commerce ne peut être considéré comme l'unique levier sur lequel appuyer une politique de dynamisation d'un cœur de ville". Sont également à prendre en compte la politique du logement, la présence d'activités tertiaires, le maintien des services publics et administratifs, la politique culturelle, le patrimoine matériel et immatériel, l'accessibilité multimodale, les aménagements publics… L'Association des petites villes de France (APVF) partage ce constat. "Il faut jouer sur tous les leviers d'attractivité, logement, services non marchands, explique ainsi à Localtis François Panouillé, chargé de mission à l'APVF, on s'aperçoit ainsi que la présence de maisons de santé installées en périphérie n'aide pas à la revitalisation des centres-ville. Il faut construire une stratégie pour le cœur de ville et mettre tous les acteurs autour de la table, les commerçants, les professions médicales, les offices de tourisme, les chambres de commerce et d'industrie…"
Colmar, première dans la catégorie des "grandes villes moyennes"
Procos analyse dans le détail les atouts des centres-ville marchands les mieux classés dans le palmarès. Pour les grandes agglomérations, qui ont un taux de vacance moyen de 7% (contre 9,5% au niveau national), les lauréats sont Strasbourg, Nantes, Toulouse, Grenoble et Rennes. Pour ces villes, la différence se fait sur la mise en œuvre, dans la durée, d'une politique globale de la ville visant à renforcer les transports collectifs, et à assurer une place équilibrée entre l'automobile et la piétonisation. Ces villes performantes arrivent aussi à maintenir de grandes administrations et à utiliser au mieux l'attractivité historique ou à créer des événements récurrents. A Grenoble, la présence en nombre d'activités culturelles et de métiers de bouche fait ainsi la différence. A Rennes, c'est l'attractivité économique de la ville sur sa zone d'influence qui joue davantage…
Pour les grandes villes moyennes, qui sont plus "fragilisées" que les grandes agglomérations, le dynamisme des centres-ville provient le plus souvent de la présence d'une population à bon revenu, d'un ratio actifs/emplois favorable, d'un attrait touristique important ou encore d'un profil plutôt "shopping". Au premier rang du palmarès pour cette catégorie apparaissent Colmar, Annecy, Chartres, La Rochelle et Caen. Mais "les centres-ville de ces grandes villes moyennes ont des difficultés que ne rencontrent pas les grandes agglomérations", précise toutefois Procos. En résultent des performances et une attractivité moyennes de l'offre marchande.
Le centre-ville de Colmar, grand vainqueur du palmarès des grandes villes moyennes, compte près de 550 commerces soit bien plus que la moyenne qui se situe à 400 points de vente. Un savant équilibre entre commerces de réseau et commerces indépendants qualitatifs, patrimoine, mise en valeur des atouts locaux, diversité marchande et maîtrise de la périphérie expliquent ce succès, d'après Procos. "Il serait impropre de ne parler que de l'action commerciale, détaille à Localtis Gilbert Meyer, maire de Colmar, et président de Colmar agglomération, cela passe aussi par l'action artistique, industrielle, par les services.... Nous avons segmenté tout le périmètre pour pointer là où il fallait accompagner les investisseurs" (voir notre encadré ci-dessous). Ajoutons à cela un facteur déterminant : un patrimoine d'exception très bien préservé.
Une situation très compliquée pour les petites villes
La troisième catégorie du palmarès concerne les "petites villes moyennes," que Procos estime "en danger". Avec plus de 11% en moyenne, ces villes sont ainsi les plus touchées par le développement de la vacance commerciale. Des résultats qui s'expliquent par la désurbanisation, la désindustrialisation, le recul des services publics ou encore le départ des garnisons… Pour l'APVF, c'est un sujet majeur des maires. "Pour les villes entre 10 à 15.000 habitants, cela devient presque dramatique ; c'est bien de montrer ce qui fonctionne, mais la situation est là", insiste François Panouillé, en écho au rapport sur la revitalisation commerciale des centres-ville de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), publié en octobre 2016. Un rapport qui met en avant le déclin commercial des centres-ville particulièrement dans les villes de moins de 100.000 habitants.
Pourtant, là encore, certaines s'en sortient bien : Saint-Lô, Lons-le-Saunier, Bastia, Gap et Bayeux. Ces villes arrivent à maintenir un commerce dynamique car elles sont éloignées des grands centres urbains (plus d'une heure trente en voiture sauf Bayeux par rapport à Caen). Leur composante d'activités industrielles, qui permet de maintenir l'emploi local, l'accent fort sur le tourisme, et la faible structuration commerciale de la périphérie (pas de galerie marchande de grande ampleur) leur permettent aussi de tenir bon. A noter : les cinq premiers centres-ville du palmarès dans cette catégorie sont des préfectures…
De son côté, l'APVF met en avant des expériences originales, comme celle engagée par la ville de Montereau-Fault-Yonne, qui propose des prêts à taux zéro jusqu'à 10.000 euros pour aider les commerçants à s'installer et met en place des opérations de boutiques éphémères pour montrer que le centre-ville peut marcher.
Enfin, dernière catégorie analysée par Procos : les villes touristiques, qui sont plutôt préservées. Parmi elles, Saint-Malo, grâce à la diversité de l'offre, l'animation du cœur intra-muros et la présence de métiers de bouche et d'une offre culturelle, Menton, Deauville, Beaune et La Baule arrivent en tête du palmarès. Outre la population touristique, ces villes bénéficient d'une forte présence des métiers de bouche et commerces alimentaires de proximité, notamment autour des spécialités locales ou des activités touristiques. Elles ont aussi développé un marketing territorial efficace.
Colmar, les clés d'une réussite commerciale en centre-ville
Dans le premier palmarès des centres-ville marchands, publié le 24 janvier 2017 par Procos, la fédération du commerce spécialisé, Colmar arrive en tête "des grandes villes moyennes" pour le dynamisme de son centre. Pour Gilbert Meyer, maire de la ville, et président de Colmar agglomération, ce n'est pas une grande surprise, mais surtout le résultat d'une action volontariste menée depuis plus de dix ans. Une politique qui a investi les différents segments du territoire : l'industrie, le logement, le tertiaire, le commerce… "Nous avons récupéré des hectares de l'aérodrome pour installer trois industries lourdes, créant 900 emplois de production, et deux à trois fois plus d'emplois périphériques, précise à Localtis Gilbert Meyer, deux friches militaires rachetées par la ville ont été investies par des services tertiaires, créant plus de 1.000 emplois". Côté commerce, le maire a fait le constat d'une hémorragie provoquée par l'attrait des grandes surfaces en périphérie. Qu'à cela ne tienne : il décide de faire du centre-ville une "grande surface" ! "Nous avons fait en sorte que le centre-ville dispose de tous les commerces pour provoquer le même attrait que les grandes surfaces", explique Gilbert Meyer. La mairie accompagne aussi les investisseurs en cofinançant les travaux d'aménagement intérieurs des locaux (jusqu'à 36.000 euros, associés à une subvention pouvant aller jusqu'à 6.000 euros), en cofinançant les restaurations de vitrines et en subventionnant les travaux de façade. Résultat : en un an, de 2015 à 2016, la base imposable de contribution foncière des entreprises a augmenté de 7,5%, permettant à la mairie de compenser les baisses de dotations de l'Etat. Pour réduire le nombre de locaux commerciaux vacants, le maire va également instaurer, dès 2018, une taxe sur les locaux commerçants vacants (autour de 15%). "Cela va inciter les propriétaires à être plus modérés dans leurs loyers", assure le maire de Colmar.
Enfin, pour suivre l'évolution du commerce de proximité, il installera prochainement un guichet unique, permettant de gérer les demandes. "Il n'y a pas une solution, mais une multitude de solutions", souligne Gilbert Meyer.