A Strasbourg, les régions renouent le fil du dialogue avec l'Etat

Quatre ministres ont fait le déplacement à Strasbourg pour le 20e congrès des régions, ces 25 et 26 septembre. Parmi eux, la nouvelle ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, Catherine Vautrin, qui a promis une nouvelle méthode de travail axée sur "l'écoute et le suivi". Elle a aussi cherché à éteindre l'incendie provoqué par les récentes déclarations de Bruno Le Maire sur la responsabilité des collectivités dans les déficits publics. Et a assuré que le rapport Ravignon sur le coût du millefeuille administratif ne resterait pas lettre morte.

Interrompu par la longue période de tractations post-électorales, et plus encore par la récente sortie de l'ancien ministre de l'Economie Bruno Le Maire accusant les collectivités d'avoir creusé les déficits publics de 16 milliards d'euros, le dialogue entre régions et Etat reprend sur de nouvelles bases. Alors que le Premier ministre Michel Barnier était retenu à Paris pour les consultations en vue de sa déclaration de politique générale prévue pour le 1er octobre et du futur projet de loi de finances pour 2025, pas moins de quatre ministres, dont la numéro 2 du gouvernement, Catherine Vautrin (ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation), se sont rendus au 20e congrès des régions, ces 25 et 26 septembre, à Strasbourg. La première d'une série de rencontres d'élus qui vont se succéder dans les jours et semaines à venir.

Carole Delga la présidente de Régions de France et présidente de la région Occitanie, a d'emblée voulu voir un "signal positif" dans le grand ministère confié à Catherine Vautrin, assurant que les exécutifs régionaux étaient dans un "esprit constructif" et avant tout "attachés à la République". Les élus ont donc proposé à l'Etat une "feuille de route et une nouvelle méthode de partenariat". 

"Des chiffons rouges non constructifs"

"L'heure n'est pas encore aux annonces" qui pourraient ne pas être tenues, a répondu Catherine Vautrin, promettant toutefois une nouvelle méthode, "celle de l'écoute et du suivi". Et l'ancienne présidente de la communauté urbaine du Grand Reims de clamer sa "passion des territoires". "Prochainement, je vais rencontrer chacun de vous en bilatéral, et je me rendrai dans chaque région avant la fin de l'année", a-t-elle indiqué. 

Si l'idée d'un projet de loi de décentralisation semble illusoire au vu de la situation politique, la ministre entend échanger avec les collectivités sur cinq thèmes principaux : la stratégie à mener au niveau européen, le développement des mobilités, le développement économique et France 2030, le budget des régions et les spécificités de l'Outre-mer en proie à de nombreuses difficultés.

Catherine Vautrin a aussi tenu à éteindre l'incendie provoqué par les déclarations de l'ancien ministre Bruno Le Maire. "Ce sont des chiffons rouges non constructifs", a-t-elle taclé, saluant au contraire le "souci de bonne gestion des deniers publics" des collectivités qui, a-t-elle reconnu, ont dû faire face à des décisions qui leur ont été imposées comme la hausse du point d'indice pour les fonctionnaires au "coût extrêmement important" pour elles. Toutefois, les 3.000 milliards d'euros de dette constituent un "enjeu de notre souveraineté" qui nécessitera un "effort important", "nous devons tous y prendre notre juste part" et en "discuter sereinement". Des propos à peu près raccords avec ceux tenus la veille par ses collègues de l'Economie et des Comptes publics, lesquels avaient indiqué que chacun "devra prendre sa part" à "l'effort", y compris les collectivités (voir notre article de ce jour).

"Malhonnêteté intellectuelle"

Les présidents de région contestent vivement les conclusions émises début septembre par Bercy. Carole Delga y a même vu de la "malhonnêteté intellectuelle". "Nous avons réorganisé nos régions pour beaucoup plus d'efficacité. En trente ans, la part des collectivités dans la dette est passée d'un peu plus de 9% à 8%", a-t-elle déclaré en conférence de presse. Ce qui signifie que 92% de la dette relève de l'Etat. Et dans le cadre d'un partenariat passé avec Jean Castex et poursuivi avec Elisabeth Borne et Gabriel Attal, les régions ont accru leurs investissements de 26% en quatre ans pour répondre aux enjeux de réindustrialisation et transition écologique, a fait valoir l'élue. "Ca, c'est le réel et pas des fantasmes. Nous travaillons à chercher des solutions, surtout pas des coupables", a-t-elle dit, ajoutant que les régions sont les seules collectivités qui ne reçoivent pas de compensation pour les dépenses de fonctionnement sur l'énergie et la décarbonation. Soit un différentiel de 1 milliard d'euros à la charge des régions. "Nous avons besoin d'un dynamisme fiscal", a-t-elle encore plaidé. 

"Les collectivités ne sont pas responsables du déficit en tant que tel", est venu abonder Christophe Jerretie, président du conseil d'orientation des finances locales de la Banque postale, qui avait présenté la veille à Paris sa note de conjoncture des finances locales 2024 (voir notre article).

"On se retrouve à sept derrière le ruban"

Pour les régions, s'il y a des économies à trouver, c'est bien dans les doublons. Et l'Etat n'est pas en reste. Le président de la Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, n'a pas retenu ses coups contre "cette espèce de centralisme qui surproduit des normes pour garder le pouvoir". Pour financer une maison de santé, "on se retrouve à sept derrière le ruban", a-t-il fustigé. "Quand on ne sait pas qui fait quoi, on ne sait pas pour qui voter."  "Ce jeu des sept qui coupent le ruban, cela coûte 970 millions d'euros tous les ans", a rebondi Boris Ravignon, auteur d'un rapport sur le "coût du millefeuille administratif" publié en mai dernier (voir notre article). Plus globalement, le maire de Charleville-Mézières évalue à au moins 7,4 milliards d'euros le coût de ces doublons en tous genres. "L'image du millefeuille n'est plus tout à fait adaptée, il faudrait plutôt parler de pudding", a-t-il dit, appelant à conforter chacun des échelons dans son rôle.

Les régions, elles, savent déjà ce qu'il faut approfondir. Comme elles l'avaient fait lors de cette rentrée (voir notre article du 30 août), elles ont à nouveau appelé à aller au bout du transfert de l'orientation, pour aller vers un continuum éducation-orientation-formation et faire le lien avec le monde de l'entreprise. Elles ont demandé de faire aboutir le "New Deal des mobilités", de travailler sur le financement des infrastructures ferroviaires, les petites concessions autoroutières, le versement mobilité… En matière de développement économique, Carole Delga a fustigé les appels à projets centralisés…"Il faut être dans la conviction et dans l'affirmation" et "proposer des solutions innovantes", a-t-elle insisté. Pour son entrée dans l'arène, Catherine Vautrin n'a pas déçu. "Le rapport Ravignon ne servira pas à maintenir l'équilibre de nos étagères, mais il a vocation à devenir réalité." Il faut dire que ce rapport était le fruit d'une mission qui initialement avait été confiée, fin 2023, à Boris Ravignon... et à Catherine Vautrin, jusqu'à ce que celle-ci soit nommée ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités dans le gouvernement Attal.

Devant les présidents de région, Catherine Vautrin n'a en revanche pas mentionné un autre rapport également dévoilé en mai dernier, au lendemain du rapport Ravignon, à savoir le fameux rapport Woerth sur la décentralisation. Probablement le signe qu'effectivement, malgré l'intitulé de son ministère, une vaste réforme de la décentralisation nécessitant un texte législatif n'est pour l'heure pas à l'ordre du jour.

 

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