"Sortie de crise" : couvre-feu et pass sanitaire introduits par amendements du gouvernement
La commission des Lois de l'Assemblée a commencé son examen du projet de loi sur la sortie de la crise sanitaire. Le gouvernement a d'emblée fait adopter deux amendements. L'un vient combler une faille juridique en incluant dans la loi la possibilité du couvre-feu prévu jusqu'à fin juin. L'autre vient officialiser la création d'un pass sanitaire (preuve de vaccination ou de test) pour la participation à des événements réunissant plus de 1.000 personnes.
La commission des Lois de l'Assemblée a commencé à examiner mardi 4 mai au soir le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, qui doit prendre le relais de la loi d'urgence sanitaire à partir du 2 juin et jusqu'au 31 octobre. Parmi les 162 amendements déposés, 27 ont d'ores et déjà été adoptés en commission… dont les sept amendements déposés par le gouvernement lui-même.
Le premier de ces amendements gouvernementaux concerne le couvre-feu et vient répondre à une incohérence que nous relevions lundi : le projet de loi initial ne prévoyait pas de possibilité de couvre-feu national à partir du 2 juin (Jean Castex l'avait lui-même relevé), alors que les annonces d'Emmanuel Macron sur la levée progressive des restrictions incluent bien un couvre-feu jusqu'au 30 juin.
Intervenant en ouverture des travaux de la commission des Lois, Olivier Véran est donc venu rectifier le tir. Si le projet de loi porte désormais l'"impossibilité de prendre des mesures de confinement à compter du 2 juin", le gouvernement estime en revanche "nécessaire de conserver, à titre très temporaire, l'outil qu'est le couvre-feu" a justifié le ministre de la Santé, ajoutant que sans nouvelle mesure législative, "nous aurions été contraints de proroger d'un mois l'état d'urgence sanitaire". D'où cet amendement. Le couvre-feu nouvelle formule, "ce sera au plus entre 21h et 6h du matin" et "en limitant son application sur une durée de quatre semaines, soit du 2 au 30 juin". Conformément aux propos d'Emmanuel Macron la semaine dernière, "l'heure pourra être encore reportée dans la soirée dès lors que la situation sanitaire se sera encore améliorée" (soit, "à compter du 9 juin, et dans les territoires où les conditions sanitaires le permettent, de 21 heures à 23 heures, précise l'exposé sommaire). Il est aussi prévu que "les limites de cette plage horaire pourront être adaptées aux spécificités des collectivités ultramarines, sans pour autant permettre d’en augmenter l’amplitude totale (de 9 heures) ni de pouvoir empiéter sur une période qui ne serait pas de soirée ou de nuit puisque cela excéderait la faculté d’adaptation ainsi reconnue".
Ce couvre-feu dont la plage horaire se rétrécira progressivement doit participer de ce qu'Olivier Véran a qualifié de "période transitoire", de "condition d'un optimisme raisonnable".
Un pass pour les rassemblements de plus de 1.000 personnes
Autre amendement gouvernemental important adopté mardi soir, cette fois présenté par Cédric 0 : celui sur le pass sanitaire. Il s'agit de "subordonner l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou évènements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels, à la présentation du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d’un justificatif de l’administration d’un vaccin contre la covid-19 ou d’un document attestant de leur rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19", ce qui devrait devenir un nouvel alinéa à l'article 1er du projet de loi.
Le futur pass sanitaire "se conçoit dans un contexte européen" et est "piloté par l'Europe", a dit le secrétaire d'Etat en charge du numérique, soulignant que "la France est le premier pays à le mettre à disposition techniquement". Il faut bien parler de "pass sanitaire" et non de "pass vaccinal" du fait des trois possibilités offertes : vaccination terminée, test PCR négatif de moins de 48 heures ou test sérologique attestant d'une immunité.
Cédric O est revenu sur "les cas d'usage" de ce pass. A partir de fin mai ou début juin, il permettra de voyager entre la métropole et la Corse ou l'outre-mer (alors qu'aujourd'hui, une personne vaccinée doit malgré tout présenter un test PCR négatif pour ces déplacements-là). Surtout, à partir du 9 juin, le pass sanitaire doit permettre "d'ouvrir de façon anticipée les grands rassemblements" comptant plus de 1.000 personnes (et jusqu'à 5.000 personnes jusqu'au 30 juin). Le secrétaire d'Etat a cité en exemple "les festivals, concerts, salons professionnels, rencontres sportives…". Et a rappelé que, comme l'avait dit le chef de l'Etat, il ne s'agit pas d'imposer ce pass pour "les sujets du quotidien" tels que "restaurants, shopping, théâtre ou cinéma". Enfin, à partir de la mi-juin, le pass sera appliqué pour "les déplacements intra-européens".
Cédric O a également rappelé que "personne ne sera obligé de télécharger TousAntiCovid" puisque le QR code matérialisant ce pass pourra être montré soit sur cette application, soit sur une fiche papier. En outre, a-t-il ajouté, la lecture du QR code ne précisera pas la raison de la validité du pass (vaccin ou test) et "aucun nouveau fichier" ne sera créé dans le cadre de ce dispositif.
Sur tous les bancs de la commission, des doutes ont été exprimés quant aux activités concernées. "Le texte n'est pas clair", a par exemple grincé le Modem Philippe Latombe. "Quelle différence entre aller au cinéma ou à un festival ?", "on ne fait pas de distinguo entre rassemblements intérieurs ou extérieurs", a relevé le LR Philippe Gosselin. Selon lui, "la frontière sera parfois ténue" et il faudra éviter de revivre un épisode comparable à celui de l'épineuse distinction entre commerces essentiels et non-essentiels…
Les autres amendements gouvernementaux adoptés concernent entre autres la prolongation de la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires touchés par le virus (voir notre article d'hier), la couverture des élections régionales et départementales par l'audiovisuel public... et le recensement par l'Insee (annuler les opérations de recensement pour l’année 2021 et "décaler d’un an les collectes suivantes dans les communes de moins de 10.000 habitants qui sont organisées selon un cycle quinquennal).