Sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation : le cadre réglementaire est fixé
Les trois textes d’application de la loi Industrie verte - deux décrets et un arrêté - instituant les sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation (SNCRR) sont parus ce 23 novembre. Objectif : massifier les opérations en faveur du vivant grâce à l’ouverture aux financements volontaires des entreprises et collectivités territoriales.
Annoncé en clôture du "Forum Biodiversité et Économie" organisé par l’Office français de la biodiversité (OFB), le 14 novembre dernier, le lancement du dispositif des "crédits biodiversité" en France était suspendu à la publication des textes réglementaires relatifs aux sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation" (SNCRR). C’est chose faite. Les trois textes pris en application de la loi Industrie verte d’octobre 2023 (art.15) - un décret en Conseil d’État, un décret simple et un arrêté - viennent d’être publiés, ce 25 novembre.
Le ministère de la Transition écologique les avait mis en consultation publique en juin dernier (lire notre article) avec en ligne de mire la COP 16 de Cali fin octobre. "Ces travaux s’inscrivent dans le cadre des principes généraux de l’International Advisory Panel on Biodiversity Credit’s (IAPB), initiative franco-britannique lancée en 2023, tels que l’additionnalité par rapport aux financements existants et aux actions déjà mises en œuvre, ou encore l’absence de marché secondaire afin de limiter les risques de financiarisation de la biodiversité", relève le ministère.
Les SNCRR suivent la logique de compensation par l’offre initiée par les sites naturels de compensation (SNC) - introduits par la loi Biodiversité de 2016 mais très peu mis en oeuvre, seul le SNC Cossure (13) porté par CDC Biodiversité ayant fait l'objet d'un agrément ministériel en 2020 -, dont ils prennent le relais, et s’élargissent aux engagements volontaires des acteurs socio-économiques qui souhaitent s’engager dans les démarches de restauration des milieux naturels.
Identifier le gain écologique
Le changement de terminologie vise à favoriser la multifonctionnalité du dispositif en l’ouvrant à d'autres situations que la seule compensation réglementaire au titre de la séquence "éviter, réduire, compenser" (ERC), pour répondre entre autres aux ambitions de renaturation des espaces et de compensation carbone (attribution de crédits carbone au titre du label bas carbone). La réforme permet de s'articuler avec d’autres projets de restauration de la biodiversité dans les territoires - avec la perspective du zéro artificialisation nette (Zan) à horizon 2050 -, et notamment ceux procédant de l'engagement volontaire des acteurs territoriaux. Alors qu’on parlait d’état initial et d’état écologique final visés pour les SNC, on parle de gain écologique attendu pour les SNCRR. Préalablement à leur mise en place, ces sites doivent faire l’objet d’une procédure d’agrément préalable par l’État, sur la base d’un cahier des charges, qui garantit leur qualité et leur pertinence écologique.
Octroi de l’agrément déconcentré du ministre au préfet de région
Le décret en Conseil d’État prévoit la délivrance déconcentrée par les préfets de régions et l’instruction en Dreal ainsi que la consultation du conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) compétent, ou le cas échéant (ajout par rapport au texte mis en consultation) du conseil national de la protection de la nature (CNPN). Il tire également les conséquences de la loi Industrie verte, concernant la notion de proximité fonctionnelle entre le site endommagé et le lieu accueillant les mesures de compensation. La proximité géographique en est une composante, mais ne constitue plus en elle-même une obligation légale dans la nouvelle rédaction. Les projets de SNCRR dans les zones préférentielles de renaturation sont encouragés mais peuvent être mis en œuvre partout sur le territoire.
Modalités de vente des unités de compensation
Le décret simple porte quant à lui sur les modalités d’agrément (les attendus pour le dépôt du dossier), de fonctionnement et de suivi des SNCRR, ainsi que de vente des unités de compensation, de restauration ou de renaturation (UCRR).
Ces unités pourront être vendues sous forme de prestations de services à des maîtres d’ouvrage qui ont des obligations de compensation (dispositif actuel) ; être vendues à des personnes physiques ou morales qui souhaitent contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire (par exemple : politique RSE des entreprises, collectivités qui souhaitent préserver la qualité de leurs espaces naturels, assureurs qui souhaitent contribuer à la diminution des risques naturels) ; ou être utilisées "en propre" par le créateur du SNCRR lui-même ("l’opérateur"), pour contribuer à la restauration de la biodiversité de manière volontaire, ou pour répondre à ses obligations de compensation. Les UCRR représenteront des gains écologiques développés et maintenus sur toute la période de validité de l’agrément (au moins trente ans).
Autre nouveauté : l'opérateur pourra les commercialiser dès l’obtention de l’agrément. Les UCRR acquises ne pourront en revanche être revendues, et ne constitueront pas un marché secondaire. Des modalités de modification, retrait et transfert de l’agrément sont aussi prévues. Cinq ans "au plus tard" avant l’issue de la période de validité de l’agrément, il sera demandé à l’opérateur de présenter les solutions permettant de maintenir la vocation écologique du site, précise également le décret.
L’arrêté qui le complète détaille le contenu de la demande d’agrément (pièces justificatives) et (en annexe) les nombreux critères d’évaluation de la pertinence écologique des opérations de restauration, de renaturation ou de développement d’éléments de biodiversité menés dans les SNCRR.
Deux sites ont obtenu l’agrément SNC récemment : le projet de restauration écologique "Cros du mouton" (83), constitué par la société CDC Biodiversité, en juin et celui de l’"Abbaye de Valmagne" (34) porté par la société Biotope et la famille d’Allaines, propriétaires du site. Les nouvelles dispositions précisent que les SNC, dont l’agrément a été délivré en application de l’article L.163-3 du code de l’environnement dans sa rédaction antérieure à la loi relative à l’Industrie verte, sont considérés comme des SNCRR.
Références : décret n° 2024-1052 du 21 novembre 2024 relatif à la restauration de la biodiversité, à la renaturation et à la compensation des atteintes à la biodiversité ; décret n° 2024-1053 du 21 novembre 2024 relatif à l'agrément des sites naturels de compensation, de restauration et de renaturation ; arrêté du 21 novembre 2024 définissant les conditions d'agrément d'un site naturel de compensation, de restauration et de renaturation, prévu à l'article L. 163-1-A du code de l'environnement, ainsi que la composition du dossier de demande d’agrément, JO du 23 novembre 2024, textes n°12, 13 et 15. |