Simplification de la commande publique : un décret ouvre timidement le chantier
Hausse de la part d’exécution minimale confiée à une PME ou un artisan, abaissement de la retenue de garantie, suppression de la borne de fin de remboursement des avances… font partie des principales mesures du décret de simplification de la commande publique, paru en fin d’année, ciblant notamment un meilleur accès des PME. Les acteurs restent toutefois un peu sur leur faim…
Mis en consultation publique début novembre par la direction des affaires juridiques (DAJ), le décret (n° 2024-1251) portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique est paru le 31 décembre dernier. L’objectif est notamment de "simplifier l'accès des entreprises à la commande publique et d'assouplir les règles d'exécution financière des marchés publics", relève la notice du texte.
Le décret s'applique aux marchés publics et aux contrats de concession pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2025. Des mesures bien accueillies. Tous les acteurs plaident toutefois pour un plus grand mouvement de simplification du droit de la commande publique comme l’avait laissé entendre l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire, avant la dissolution de l’Assemblée. Le décret traduit pour l’heure certaines mesures proposées par les opérateurs économiques comme par les acheteurs dans le cadre des Rencontres de la simplification initiées par le gouvernement à l’automne 2023.
Prorogation du seuil de dispense pour les marchés de travaux
La prorogation d’un an supplémentaire du seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux dont la valeur estimée est inférieure à 100.000 euros hors taxes - actée par un autre décret n° 2024-1217 en date du 28 décembre 2024 - fait partie des mesures saluées par les acheteurs et fédérations professionnelles avec celles des mesures concernant les groupements. Il ne s’agit toutefois pas d’une véritable pérennisation comme cela avait été envisagé un temps mais d’une application temporaire "jusqu’au 31 décembre 2025".
Une fiche de la DAJ apporte également tous les éclairages nécessaires sur les marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables. Les communes, et notamment les plus petites, seraient dans l’ensemble très favorables à la pérennisation du seuil de 100.000 euros HT pour les marchés de travaux. "En effet, les petites communes ont d’importants besoins en matière de travaux de faible montant. Or, elles reçoivent parfois peu de réponses à leurs appels d’offre, car les PME ne sont pas toujours bien préparées pour répondre aux procédures et les grands groupes peuvent se détourner des marchés de faible montant", explique la DAJ.
Le décret n° 2024-1251 relève quant à lui à 300.000 euros HT le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants de défense ou de sécurité.
Augmentation de la part d’exécution minimale confiée à une PME
Le décret rehausse par ailleurs de 10 à 20% la part minimale que le titulaire s'engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans dans le cadre des marchés globaux, des marchés de partenariat et des contrats de concession. Les acheteurs locaux y sont favorables, "certains souhaitant recourir davantage au tissu économique des PME pour le dynamiser par l’effet levier que représente la commande publique", souligne la DAJ.
Retenue de garantie
Autre mesure intéressant les collectivités territoriales : l’abaissement de la retenue de garantie de 5 à 3% lorsque le titulaire est une PME. Cette disposition s’applique déjà pour les marchés passés par l’État. Sont désormais également concernées les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, "dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l'avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros". Et ce, de façon à circonscrite la mesure aux acheteurs qui disposent de moyens financiers suffisants leur permettant de supporter les contraintes et risques inhérents à la diminution du montant de la retenue de garantie.
Marchés à prix définitifs
Par souci d’unification, le texte mentionne que "lorsque les acheteurs concluent des marchés à prix définitifs, ils sont soumis aux dispositions de la présente sous-section", à savoir la sous-section 2 "Prix définitifs" (articles R2112-7 à R2112-14 du code de la commande publique).
Déclenchement du délai de paiement
Même volonté d’unification pour tous les acheteurs à l’article R.2192-16 concernant le déclenchement du délai de paiement : "pour le paiement du solde des marchés de travaux ou de maîtrise d'œuvre, le délai de paiement court à compter de la date de réception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux et aux marchés de maîtrise d’œuvre".
Suppression de la borne de fin de remboursement des avances
C’est une mesure de souplesse. Dans le cas d'un marché à tranches, une avance est versée au titulaire pour chaque tranche affermie. Le texte supprime à l'article R.2391-10, la borne de fin de remboursement des avances. Il précise que le marché peut prévoir que le remboursement de l'avance s'impute par précompte sur la somme due au titulaire au titre de l'avance versée pour la tranche suivante lorsque celle-ci a été affermie "avant que le montant de l'avance accordée au titre de la tranche précédente ne soit intégralement remboursé".
Constitution et modification des groupements
Le texte prévoit également les conditions dans lesquelles un groupement d’opérateurs économiques peut être constitué et sa composition modifiée dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation - ce qui inclut par exemple les marchés en procédure adaptée avec négociation - ou de dialogue entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché.
Accords-cadres à bons de commande
Pour un accord-cadre multi-attributaires, le texte prévoit qu’à l’émission de bons de commande puisse se substituer la conclusion de marchés subséquents conclus après remise en concurrence des titulaires, à condition que les documents de la consultation indiquent expressément la possibilité de recourir à cette faculté, définissent les circonstances objectives déterminant le choix de recourir à un marché subséquent et précisent les termes de l’accord-cadre pouvant faire l’objet d’une remise en concurrence.
Enfin, le décret intègre les mesures règlementaires d'application de la loi n°2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte s'agissant de la possibilité pour une entité adjudicatrice de rejeter une offre contenant des produits provenant de certains pays tiers à l'Union européenne.
Notons que les dispositions prévoyant les modalités et délais de déclenchement du paiement des primes aux candidats évincés dans les procédures de concours ont été retirées. Idem pour celles clarifiant les conditions dans lesquelles les marchés publics et les contrats de concession peuvent être modifiés lorsque des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires et ne figuraient pas dans le contrat initial.
Références : décret n° 2024-1251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique, JO du 31 décembre 2024, texte n°67 ; décret n° 2024-1217 du 28 décembre 2024 relatif au seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux, JO du 29 décembre 2024, texte n°26. |