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Municipales - Servir l'élu et non le candidat

Si la collectivité territoriale apporte son soutien à l'élu pour l'exercice de son mandat, elle ne doit pas financer le candidat. Difficile exercice de jonglage en période préélectorale ! Heureusement, des solutions de régularisation existent.

Pendant toute la période préélectorale, les collectivités locales doivent conserver en permanence un oeil sur le Code électoral, et notamment son article L.52-8. Cet article dispose, en son second alinéa, que " les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués".

 

La distinction entre l'élu et le candidat 

Cet article emporte une interdiction très ferme : aucun moyen de la collectivité ne peut être mis au service de la campagne d'un candidat, qu'il s'agisse de moyens matériels (locaux, téléphone, voiture, papier, bulletin, cf. CE, 28 juin 2006, n°285145), immatériels (droits sur des photographies, par exemple, cf. CE, 21 décembre 2001, n°233022) ou humains (les agents publics dans le cadre de leur temps de service, cf. CE, 8 novembre 1999, n°201966).
Ainsi, les collectivités doivent respecter la distinction entre la qualité d'élu sortant (qui peut avoir recours aux moyens de la collectivité pour l'exercice de son mandat) et celle de candidat (qui ne peut bénéficier du moindre avantage en nature). Si ces deux casquettes sont posées sur la même tête, on retiendra que l'élu se transforme en candidat dès lors qu'il recherche les suffrages de ses concitoyens, c'est-à-dire lorsqu'il mentionne (dans ses discours ou ses écrits) l'élection à venir, sa candidature, son programme, son bilan personnel, un événement de sa campagne ou qu'il dénigre son adversaire. Avant de mettre à disposition d'un élu les moyens publics (qu'il s'agisse d'un local, d'un cliché de la photothèque, d'un véhicule...), il conviendra donc de s'assurer de l'emploi qui en sera fait et d'alerter les élus sur les risques qu'ils prendraient à en faire un usage électoral.

 

Comment régulariser la situation ?

Ces risques sont importants, puisque, dans les cantons et les communes de 9.000 habitants et plus, le candidat (aux cantonales) ou le candidat tête de liste (aux municipales) encourt, en cas de perception d'un avantage en nature de la part d'une personne morale, le rejet de son compte de campagne, le privant de tout droit au remboursement de ses dépenses, ainsi que le prononcé de son inéligibilité, pour un an et pour l'élection concernée. Dans les cantons et communes de moins de 9.000 habitants, la perception d'un avantage interdit, s'il ne peut entraîner l'inéligibilité, pourra néanmoins fonder l'annulation du scrutin, si l'effet de cet avantage sur l'écart de voix entre les candidats était jugé déterminant. De surcroît, le candidat comme le représentant légal de la collectivité ayant accordé le don s'exposeraient à des sanctions pénales, l'article L.113-1 du Code électoral punissant d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende la violation de l'article L.52-8.
Il arrive que le mal soit déjà fait et que les collectivités constatent qu'un avantage vient d'être octroyé à un candidat. Dans ces conditions, il importe, autant que faire se peut, de régulariser la situation. Deux voies sont ouvertes : soit le candidat rembourse à la collectivité le prix de la prestation dont il a bénéficié, soit la collectivité s'assure que tous les candidats sont informés qu'ils peuvent bénéficier de la même prestation gratuite. Dans ce dernier cas, l'ouverture du droit à tous les candidats permettra de faire échec à la qualification de don interdit.

 

Philippe Bluteau, avocat / Cabinet de Castelnau

 

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