Services à la personne : la Cour des comptes préconise un grand ménage
Dans un rapport publié ce 27 mars sur "le soutien de l'Etat aux services à la personne", la Cour des comptes s'interroge sur la pertinence des diverses aides, notamment fiscales et sociales, dont bénéficient tous ces services "dont le seul point commun est de s’exercer au domicile des particuliers". Elle préconise une remise à plat, avec un meilleur ciblage.
"Des soutiens aux objectifs multiples et non hiérarchisés en faveur d’un secteur hétéroclite", "des soutiens de plus en plus coûteux reposant sur une combinaison complexe de dispositifs peu ciblés", "des résultats peu évalués et modestes, un coût pouvant être réduit"... Ces trois grands constats sont ceux que la Cour des comptes dresse après avoir analysé ce qu'on nomme communément les "services à la personne" et la façon dont l'Etat, par divers mécanismes, contribue à financer ces services. Difficile de lui donner tort, en tout cas en termes d'hétérogénéité.
Hétérogénéité du secteur d'abord. Car derrière le terme de "services à la personne", la Cour recense pas moins de 26 activités "dont le seul point commun est de s’exercer au domicile des particuliers" : garde d'enfants, aide aux personnes âgées ou handicapées ou malades, livraison de repas, aide à la vie quotidienne, entretien du domicile, petits travaux de bricolage ou de jardinage… mais aussi cours à domicile, assistance informatique, livraison de linge repassé, assistance administrative, téléassistance, soins esthétiques, promenade d'animaux de compagnie, conduite de véhicule… Or toutes ces activités bénéficient peu ou prou d'une même politique de soutien. La Cour doute que ce soit pertinent.
Hétérogénéité, aussi, des modalités d'emploi et régimes juridiques, entre entreprises, associations et particuliers employeurs. Et puis on a le mode prestataire, le mode mandataire, l'auto-entreprise, le gré à gré… Sachant que tout cela englobe 4,4 millions d'utilisateurs, près de 850.000 salariés de particuliers employeurs et 430.000 intervenants d'organismes prestataires.
Hétérogénéité, encore, dans les objectifs des politiques de soutien. "Les objectifs poursuivis par ces soutiens se sont progressivement sédimentés, sans que les priorités, parfois contradictoires, soient hiérarchisées. Les objectifs économiques transversaux – la lutte contre le travail dissimulé, le développement de l’emploi, la conciliation de la vie familiale et professionnelle – côtoient les objectifs sociaux propres à certaines activités – le maintien à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap, la garde d’enfant", écrit la Cour, qui rappelle que "la dernière formalisation explicite d’une stratégie d’ensemble remonte au 'plan Borloo' de 2005".
Des moyens "disproportionnés par rapport aux résultats obtenus"
Tout cela, peut-on lire, "invite à mettre en perspective l’ampleur des moyens alloués à ce secteur", surtout au secteur privé à but lucratif, d'autant plus que le pilotage et la coordination de ces soutiens reste faible du fait de compétences "partagées entre l’État, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale" (et, au niveau de l'Etat, entre huit directions d'administration).
Ces soutiens ? Il s'agit principalement du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile. Mais aussi des taux réduits de TVA, d'exonérations de cotisations sociales, d'aides directes au titre des politiques sociales (autonomie, enfance)… Le tout ayant au fil des ans fait l'objet de diverses réformes qui ont complexifié les mécanismes, malgré certaines simplifications pour les usagers (Cesu, avance du crédit d'impôt). Le tout devient difficilement contrôlable (y compris en termes de risques d'effet d'aubaine voire de fraude) et au final, "l’absence de vision consolidée des flux financiers bénéficiant au secteur empêche de mesurer précisément l’efficacité de la dépense publique". Surtout lorsque l'on sait que "la consommation de ces services se concentre sur les 20% de foyers présentant les revenus les plus élevés, pour lesquels l’aide publique est sans doute moins décisive".
L'efficacité sur les créations d'emploi, en tout cas, serait "décevante", avec "environ 70.000 équivalents temps plein supplémentaires depuis 2005", alors même que "l’augmentation du nombre de personnes âgées ayant besoin de recourir à des services à domicile devrait contribuer au dynamisme naturel du secteur". Qui plus est, difficile de "distinguer les emplois réellement créés des emplois informels régularisés". Verdict de la Cour : sur le terrain de l'emploi, "les moyens financiers engagés paraissent disproportionnés par rapport aux résultats obtenus".
Certes, il faut aussi s'intéresser à l'utilité "sociale" du secteur, par exemple en termes d'autonomie des personnes âgées ou handicapées. Mais, dit la Cour, celle-ci reste "difficilement mesurable et l’articulation entre les soutiens aux services à la personne et les prestations sociales reste mal assurée".
D'où, conclut le rapport, la nécessité de remettre à plat les dispositifs de soutien aux services à la personne, en commençant par "réduire le périmètre des activités éligibles au soutien sur la base de critères explicites et objectivés". Cela impliquerait notamment de "limiter le recours aux taux réduits de TVA - en ne distinguant plus que les activités relevant de la satisfaction de besoins sociaux prioritaires, soumises au taux de 5,5%, et les autres activités, assujetties au taux normal de 20% - et aux régimes dérogatoires d’exonération de cotisations sociales".
De même, le crédit d’impôt serait "repensé" pour être mieux ciblé. Deux scénarios sont proposés :
- Recentrage "sur les seules activités de la vie quotidienne, avec un taux et un plafond revus à la baisse". Dans ce cas, les activités relevant des politiques sociales (autonomie, enfance) seraient pour leur part exclusivement soutenues par "les dispositifs propres à ces politiques" (lesquels seraient revalorisés d'autant).
- Modulation paramètres du crédit d’impôt, "selon les activités concernées ou selon les caractéristiques des contribuables (…), tout en préservant les activités liées à l’autonomie ou à la garde d’enfants, qui bénéficieraient d’un taux d’aide renforcé".
Selon le scénario retenu, les économies pour les finances publiques seraient comprises entre 0,9 et 1,1 milliard d'euros.