Service civique : les collectivités vont-elles saisir l'opportunité ?

Le service civique, qui emploie 145.000 jeunes en 2021, peut-il être une opportunité de renouveau pour le service public et notamment pour les collectivités territoriales ? Une étude menée par Unis-Cité penche en faveur du "oui" mais révèle que le dispositif est encore trop méconnu des collectivités.

Avec 145.000 jeunes en service civique en 2021, le dispositif atteint un chiffre record depuis sa création en 2010. Rappelons que ce dispositif financé par l'État propose aux jeunes entre 16 et 25 ans – et jusqu'à 30 ans pour les jeunes en situation de handicap – de consacrer 6 à 12 mois de leur vie à une mission d’intérêt général au sein d’associations, collectivités territoriales ou établissements publics. Les jeunes volontaires sont indemnisés à hauteur de 600 euros, bénéficient d’une formation civique et citoyenne et reçoivent un accompagnement dans leur réflexion sur leur projet d’avenir. Tel est le projet sur le papier mais qu'en est-il de la réalité au sein des collectivités territoriales ?

Trois modalités pour la gestion des services civiques

Une étude menée par Unis-Cité et présentée le 3 octobre 2022 à Paris, en présence notamment de Martin Hirsch, en sa qualité d’ancien DG de l’APHP, et de Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, permet d'avoir un retour d'expérience au sein de différentes collectivités. On y apprend par exemple que les conseils départementaux de Loire-Atlantique et du Gard disposent de leur propre agrément de service civique et construisent les fiches de missions avec les fonctionnaires. Les missions qu'ils confient sont en lien avec les domaines de compétences du département : handicap, solidarité intergénérationnelle, développement durable, médiation numérique, notamment dans les collèges.

L'étude fait état des difficultés rencontrées par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis en 2017, lorsqu'il a voulu accueillir directement des jeunes en service civique, ce qui l'a conduit à se tourner vers Unis-Cité pour un accompagnement. "L'agrément, l'organisation, l'information… il y a des situations très diverses entre une grande collectivité et une petite mairie de la ruralité, ce ne sont pas les mêmes situations, il faut pouvoir rassurer, s'adapter et accompagner", a confirmé Hélène Noblecourt, directrice générale d'Unis-Cité, avant de résumer les trois modalités qui se présentent aux collectivités. La première consiste à demander l'agrément. La deuxième est l'intermédiation d'Unis-Cité ou des missions locales. La troisième consiste à confier toute la gestion des services civiques à Unis-Cité. 

Des missions en contact direct avec les usagers des services publics

L'étude rend compte également des expériences des communes de Marseille, Dunkerque, Pau, Lille, Evry-Courcouronnes. Il en ressort que les missions confiées sont quasiment "toujours en contact direct avec les usagers des services publics : accompagner les personnes fragiles, créer des liens entre les générations, animer des activités culturelles ou sportives, lutter contre la fracture numérique". Dans toutes ces villes, les services civiques ont un "référent service civique". L'association des maires ruraux de Haute-Saône, quant à elle, met son agrément à disposition des communes et compte plus de 55 jeunes accueillis depuis 2017. Les missions confiées aux services civiques portent sur le patrimoine ou la lutte contre l'isolement des personnes âgées.

Double tutorat, binôme

Lors de la présentation de cette étude, Marie Trellu-Kane, présidente fondatrice de l'association Unis-Cité, a dit sa conviction que "cette étape de vie consacrée au service public peut être transformateur dans la vie d'un jeune". Pour elle, il s'agit de redéfinir quelle est la place de l'engagement citoyen dans la société. "Il ne faut pas décourager les structures publiques, non cela ne prend pas tant de temps que cela de recruter un jeune en service civique." Elle souhaite convaincre les services publics et les élus qui ne se sont pas encore appropriés le dispositif que "ça vaut le coup d'engager des services civiques". Et de conclure que pour l'avenir, "il faut sortir du dispositif public qui fait juste du chiffrage ou de Cash investigation qui amène un regard totalement biaisé sur un dispositif […] hyper puissant".

Reste à définir la qualité de l'accompagnement qui est proposé aux jeunes, comme l'a souligné le ministre de la Transformation publique, Stanislas Guerini, dans une intervention pré-enregistrée diffusée au terme de la conférence. Il cite le "double tutorat" et "la mobilisation de jeunes en binôme" comme étant d'excellentes idées. Il a appelé à renforcer le maillage dans les trois versants de la fonction publique.

Une perspective pluriannuelle

À ce jour, et "malgré la forte progression du nombre de missions proposées aux jeunes depuis 2014", l'étude établit le constat que "le service civique est toujours très largement méconnu des jeunes et insuffisamment promu". "Le nombre de missions proposées reste également insuffisant puisque 67% des jeunes auxquels on explique ce qu'est le service civique se disent motivés pour en faire un, soit un besoin de 500.000 missions chaque année, contre environ 80.000 missions proposées en 2021", selon Unis-Cité. 

Le "stop and go" qui serait à l'oeuvre depuis la création du dispositif n'y est peut-être pas étrangère. Alain Régnier, préfet, délégué interministériel chargé de l’accueil et de l’intégration des réfugiés (Diair) et ancien conseiller du gouvernement chargé de la réforme des politiques de lutte contre l’exclusion et du déploiement du service civique de 2015 à 2017, a souhaité que "l'on donne de la visibilité et une perspective pluriannuelle de mobilisation". "Je ne peux que regretter que les collectivités locales soient impliquées de manière très hétérogène alors que c'est quand même un axe de développement majeur pour des missions en proximité auprès des populations."