Semestre européen : la Commission adepte du "en même temps"
Soutenir "l’ancien monde", sans retarder ni entraver le passage au nouveau, telle est la recommandation de la Commission européenne formulée dans le paquet d’automne du Semestre européen. Elle y souligne l’importance de "la qualité des institutions" dans la reprise, notamment pour la gestion des fonds de relance. Si la France n’a pas, comme d’autres, été rappelée à l’ordre, son endettement n’est pas sans inquiéter.
Alors que l’Union européenne est encore en pleine crise, l’heure est toujours au soutien. Dans ses recommandations du paquet d’automne du Semestre européen, la Commission invite les États membres à "maintenir une orientation budgétaire modérément favorable en 2022". Mais un soutien circonstancié, tenant compte des "divergences économiques, sociales et territoriales" que "la pandémie a exacerbé […], à la fois au sein des États membres et entre eux" (confortant ici l’analyse du Comité des régions). Plus encore, "au fur et à mesure que la reprise s'installe, l'aide devrait être progressivement supprimée et rendue plus ciblée". D’abord en évitant tout acharnement thérapeutique : "éviter les défaillances d'entreprises viables d'une part, sans entraver la sortie ordonnée des entreprises non viables à moyen terme, d'autre part". Ensuite en faisant "pivoter progressivement les mesures fiscales vers des investissements qui favorisent une reprise durable et inclusive, cohérente avec les transitions verte et numérique". Néanmoins consciente que "certains secteurs, catégories spécifiques de travailleurs et régions devraient être durablement impactés par la crise et par la forte impulsion en faveur du verdissement de l'économie" et "que les nouveaux emplois créés peuvent être différents des emplois perdus", la Commission préconise des mesures "qui facilitent les transitions professionnelles et la réintégration sur le marché du travail", "essentielles pour soutenir l'ajustement et atténuer les impacts sociaux". Le tout "en accordant une attention particulière à la qualité des mesures budgétaires", pour atteindre "des positions budgétaires prudentes à moyen terme et à assurer la viabilité de la dette".
RGPP
La Commission insiste également dans ses recommandations sur l’importance de "l’amélioration de la qualité des institutions, notamment en renforçant les capacités administratives, essentielle pour garantir une absorption rapide des fonds [de relance] tout en évitant les doubles emplois et les interférences avec les autres instruments de l'UE". Voilà qui devrait ravir l’Association des maires de France (voir notre article du 18 novembre 2021). De même, la Commission invite à "renforcer les capacités des services publics de l'emploi afin de remédier aux inadéquations du marché du travail".
Au-delà, elle appelle à "renforcer l'efficacité et la numérisation de l'administration publique" et "à améliorer la gestion des finances publiques, notamment grâce à une budgétisation verte et à des cadres efficaces de gestion des investissements publics". Comme l’an passé, la Commission prône une sorte de "RGPP" : "utiliser les examens des dépenses pour améliorer la composition des finances publiques, en particulier la qualité des investissements publics, l'investissement dans les personnes et les compétences, et pour mieux concentrer les dépenses publiques sur les besoins de la reprise et de la résilience". Elle renouvelle encore son appel à "réduire la charge administrative pour les entreprises et à améliorer l'environnement des affaires", notamment fiscal : "Il est encore possible de rendre les systèmes fiscaux de la zone euro plus favorables à la croissance et à l'environnement, notamment en réduisant le coin fiscal sur le travail, qui reste élevé, dans la plupart des États membres de la zone euro", estime-t-elle.
La France épargnée, mais surveillée
Au-delà des recommandations générales, la Commission étudie la situation de chacun des États membres au regard de leurs projets de plan budgétaire. Celui déposé en octobre par la France n’attire pas de critiques particulières. D’une part, les hypothèses macroéconomiques qui le sous-tendent sont jugées "plausibles en 2021 et en 2022". D’autre part, les mesures présentées "contribuent à répondre à la recommandation du Conseil d'assurer une reprise durable et inclusive, tout en privilégiant la transition verte et numérique, ainsi que l'adéquation et la durabilité des systèmes de santé et de protection sociale pour tous". Pour autant, "compte tenu du niveau de la dette publique de la France et des défis élevés de soutenabilité à moyen terme avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19", la Commission attire l’attention sur la nécessité "lors de la prise de mesures budgétaires de soutien […], de préserver une politique budgétaire prudente afin d'assurer des finances publiques viables à moyen terme".
Cet endettement vaut d’ailleurs à la France – l’un des pays "dont les dettes privées, publiques ou extérieures sont parmi les plus élevées de l'UE" – de faire partie des douze États membres pour lesquels le rapport sur le mécanisme d’alerte (instrument de détection des déséquilibres macroéconomiques potentiels) prescrit un "bilan approfondi". Le rapport relève que la France est "principalement confrontée à des problèmes liés à une dette publique élevée [115% du PIB en 2020] qui a fortement augmenté avec [la] crise, et à des problèmes de croissance potentielle dans un contexte de faible compétitivité". Mais il pointe également le fait que "la dette privée [174% du PIB en 2020] a continué d'augmenter à partir de niveaux déjà relativement élevés, en particulier la dette des entreprises" (avec néanmoins "une augmentation parallèle des volants de liquidité"), mais aussi celles des ménages (hausse "également accompagnée d'une augmentation des dépôts") – dans les deux cas jugée "supérieure à la fois aux fondamentaux économiques et aux seuils prudentiels". Une situation qui préoccupe alors que "les garanties accordées par l'État s'élevaient à environ 5,8% du PIB à la fin de septembre 2021", que "les prix des logements peuvent être surévalués et sont devenus plus dynamiques récemment", que les besoins bruts de financement devraient être supérieurs à 20% du PIB en France en 2022 et compte tenu de l'augmentation des taux d’intérêt, que la Commission espère transitoire.