Attentats - Sécurité dans les gares : un rapport sénatorial propose des contrôles "volants"
La proposition de Ségolène Royal d'équiper les gares de portiques de sécurité "n'est pas satisfaisante du tout". "Elle ne sert à rien", a même lâché le sénateur de la Vienne Alain Fouché (LR), mercredi 13 janvier, lors de la présentation de son rapport d'information visant à "renforcer la sécurité des transports terrestres face à la menace terroriste", cosigné par François Bonhomme (LR, Tarn-et-Garonne).
Quelques jours après l'attentat déjoué du Thalys, le 21 août, la ministre de l'Ecologie (et ministre de tutelle des transports) avait préconisé l'installation de portiques à l'entrée des quais de gare, d'abord pour le Thalys, puis pour d'autres trains comme les TGV. Elle avait relancé cette idée après les attentats du 13 novembre, proposant même de l'étendre aux trains d'équilibre des territoires, aux trains de banlieue et aux TER... Depuis le 20 décembre, des portiques récupérés après la COP21 ont été ainsi installés à la gare du Nord et de Lille-Europe pour les voyageurs empruntant le Thalys. Seul problème, les autres pays concernés par la ligne (Allemagne, Pays-Bas et Belgique) traînent des pieds et n'ont pas vraiment l'intention de s'équiper, contrairement à ce que la ministre avait un peu hâtivement déclaré. Selon, la mission sénatoriale, qui a rencontré les différentes ambassades, la mesure est jugée "inutile" par ces pays. Quel intérêt donc de contrôler un seul point d'entrée, sachant que dans l'affaire du Thalys, l'auteur avait pris le train en gare de Bruxelles ?
2,5 millions d'euros par an pour la gare du Nord
"L'espace contraint des gares et stations de métro et les flux de passagers qu'elles drainent rendent l'installation de portiques sur l'ensemble des quais physiquement impossible", jugent par ailleurs les deux sénateurs pour qui le modèle de la sécurité des aéroports n'est pas transposable, compte tenu des flux de passagers en jeu. L'autre écueil est financier. Comme ils le précisent, entre la location du matériel et la mobilisation des agents, l'installation de portiques sur les deux quais de la gare de Nord coûte 2,5 millions d'euros par an à la SNCF. Etendue aux 3.200 gares qui couvrent le pays, aux 83 gares de plus d'un million de voyageurs au 230 gares TGV ou encore aux 18 gares de trafic international, l'ardoise serait extrêmement salée, sachant qu'une gare comprend "de 2 à 31 quais", a précisé François Bonhomme. Même si, certains présidents de régions, à l'instar de Christian Estrosi, le nouveau président de Paca, ont déjà fait savoir qu'ils souhaitaient financer les portiques dans les gares TER.
Alain Fouché avance un autre argument, sécuritaire, cette fois. Le déplacement du risque sur les files d'attentes aux portiques. En 2013, à Volgograd, en Russie, 17 personnes avaient trouvé la mort dans un attentat commis par une femme kamikaze qui s'était fait exploser devant les portiques placés à l'entrée de la gare, a-t-il rappelé…
Portiques déplaçables
Face à toutes ces contraintes, les deux députés proposent un autre dispositif : installer des portiques déplaçables et des contrôles volants. Les portiques pourraient ainsi être installés de manière inopinée, "sans que les usagers en soient informés". Cette idée, qui concerneraient tous les réseaux de transport de voyageurs sur rail, même le métro, pourrait être ajoutée par voie d'amendement à la proposition de loi Savary relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, adoptée par l'Assemblée le 17 décembre et qui sera examiné par le Sénat le 27 janvier. Combien de contrôles seraient-ils nécessaires pour être vraiment dissuasifs ? Les sénateurs ne s'avancent pas. "Ce sont des discussions qu'il faut avoir avec la SNCF qui connaît beaucoup mieux que nous la configuration des gares", répond Alain Fouché. Il faut "laisser le soin aux services de sécurité" d'en juger, ajoute François Bonhomme. Alors que la proposition de loi Savary ouvre une réflexion sur l'opportunité de créer une "redevance de sûreté", les sénateurs y sont hostiles. "Ce coût doit être assuré par l'Etat", a insisté le président de la commission des lois, Philippe Bas.
Le métro la nuit, "un point de fragilité"
Les sénateurs avancent d'autres propositions pour renforcer la sécurité des gares. Ils recommandent tout d'abord d'en attribuer la coordination opérationnelle exclusivement au Service national de la police ferroviaire (SNPF), alors qu'en Ile-de-France elle est assurée par un autre service, le SDRPT (sous-direction régionale de la police des transports). Le rapport reprend nombre de dispositions déjà contenues dans la proposition de loi : autorisation pour les agents des services de la sécurité de la SNCF et de la RATP d'opérer des contrôles de bagages ou de personnes, interdiction d'accès aux trains de personnes refusant de se soumettre à ces contrôles, possibilité de travailler en tenue civile, transfert de la police des transports au président de l'intercommunalité compétente… Ils soulèvent aussi la question de la sécurisation du réseau de la RATP qui est ouvert aux sans domicile fixe la nuit. Sans remettre en cause cette mesure, les sénateurs y voient un "point de fragilité". "Un individu pourrait s'introduire par ce moyen pour envisager un acte de sabotage…", a expliqué François Bonhomme.