Protection de l'enfance - Secret partagé : légaliser une pratique difficilement reconnue par la jurisprudence
Le projet de loi réformant la protection de l'enfance, présenté le 3 mai dernier en Conseil des ministres et transmis au Sénat, ne devrait pas être examiné par le Parlement avant la session de septembre, apprend-on auprès de la commission des affaires sociales. Cette dernière n'a pas, à ce jour, nommé de rapporteur et prévoit dans un premier temps d'organiser un certain nombre d'auditions sur les grandes problématiques soulevées par ce texte de seize articles.
Du point de vue des acteurs de terrain, l'un des points délicats concerne la reconnaissance de la notion de secret partagé. Partant du constat de l'isolement des professionnels, du cloisonnement des institutions et d'un manque d'échanges pourtant nécessaires à la détection des situations à risques, le projet de loi vient en effet autoriser le partage d'informations entre professionnels de la protection de l'enfance.
Alors que selon l'article L.226-13 du Code pénal, "la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire" constitue un délit, l'article 7 du projet de loi réformant la protection de l'enfance prévoit que "les personnes soumises au secret professionnel et participant à la mission de protection de l'enfance sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en œuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier". Le même article prévoit que seules les informations nécessaires à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance pourront être partagées. Il est également précisé que ce partage d'information pourra avoir lieu après seulement que la personne exerçant l'autorité territoriale en ait été informée et uniquement lorsque cette information n'est pas contraire à l'intérêt de l'enfant. Si cet article était adopté, il viendrait légaliser une pratique courante mais jusque-là difficilement reconnue par la jurisprudence.
Isabelle Béguin, avocat / Cabinet de Castelnau