SDF et mal-logés : des chiffres alarmants partout en Europe

"Des chiffres alarmants qui témoignent de l’urgence de la situation, en particulier chez les enfants et les adolescents". Le constat d'ensemble dressé par la fondation Abbé-Pierre et la Fédération européenne des organisations nationales travaillant avec les sans-abri (Feantsa) dans leur neuvième "Regard sur le mal-logement en Europe" est sans appel quant à l'ampleur du sans-abrisme et du mal-logement dans l'UE.

Selon ce rapport de 120 pages largement chiffré et documenté sur la base des données officielles qui ont pu être obtenues dans les différents pays, on compterait notamment 400.000 mineurs sans domicile (à la rue ou en centre d'hébergement) en Europe, auxquels s'ajoutent 14,5 millions d’enfants vivant dans des logements en mauvais état et 5 millions de familles avec enfants en situation de précarité énergétique. En sachant en outre que "un mineur sur quatre vit dans un logement surpeuplé".

En France, les données quant au nombre d'enfants privés de logement manquent. Le rapport cite une étude de l'Insee d'il y a dix ans dénombrant 30.700 enfants sans domicile. Depuis, "aucune étude statistique d’envergure ne permet à l’heure actuelle de mesurer précisément le phénomène", alors même qu'"il ne fait aucun doute que le problème a pris de l’ampleur"... malgré l'objectif "zéro enfant à la rue" énoncé il y a deux ans lors du premier comité interministériel à l’enfance.

Au-delà des seuls mineurs, au total, l'Europe pourrait compter près de 1,3 million de "personnes à la rue, mises à l’abri en urgence et hébergées dans les structures d’accueil et d’accompagnement dédiées au public sans domicile".

Le rapport prend soin de souligner que les chiffres sont à manier "avec précaution", les critères et méthodes (systèmes de collecte de données) différant évidemment entre les pays, notamment dans la façon d'"objectiver l’exclusion du logement". "Dans certains pays affichant une faible proportion de personnes privées de 'chez-soi', la problématique est potentiellement peu considérée et donc très largement sous-évaluée", est-il souligné. En tout cas, même si "ses formes et ses déterminants peuvent varier sensiblement d’un pays à l’autre", l'exclusion du logement "est une réalité partout en Europe".

Une mobilisation à mener au niveau de l'UE

Certes, nombre d'États ont ces dernières années "mis en place, reconduit ou renforcé une stratégie nationale pour structurer et coordonner les différentes mesures de prévention et de prise en charge du sans-abrisme", avec des objectifs parfois ambitieux, reconnaissent les deux fondations. Le rapport s'appuie sur une récente étude de l'OCDE qui en a rendu compte pour établir une typologie de ces stratégies et actions : nationales / régionales ou locales, prévention / accès aux droits / accompagnement / logement d'abord, etc.

À l'échelle de l'UE, "le sans-abrisme est à l'agenda européen depuis plusieurs années et la prise de conscience de la crise du logement semble faire son chemin", écrivent Freek Spinnewijn, le directeur de la Feantsa, et Christophe Robert, le délégué général de la fondation Abbé-Pierre. Ils mentionnent les intentions affichées par la présidente de la Commission européenne récemment reconduite : stratégie européenne de lutte contre la pauvreté, plan européen pour le logement abordable, commissaire responsable du logement, "Plateforme européenne d'investissement pour le logement abordable et durable"… Restera à "juger de leur potentiel impact".

Pour les deux directeurs, "les gouvernements et les collectivités locales doivent unir leurs forces pour lutter contre le sans-abrisme et garantir qu’aucun enfant ne soit exclu du logement, pour produire des logements sociaux ou abordables à destination des familles, pour réformer en profondeur les campagnes de rénovation en priorisant les ménages les plus fragiles". Ils estiment aussi qu'"un ensemble des mesures locales et concrètes peuvent rapidement être mises en œuvre".

Au niveau européen, les deux fondations soulignent que "si le logement n’est pas une compétence exclusive de l’UE, les politiques et la législation européennes dans d’autres domaines (environnement, santé, lutte contre la discrimination, migration, citoyenneté, affaires sociales, emploi, fiscalité, etc.) peuvent servir de leviers". Ils appellent donc "les institutions européennes à mobiliser tout le potentiel de l’Union pour soutenir la lutte contre le sans-abrisme et le mal-logement".

 

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