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Sécurité civile - Sapeurs-pompiers : l'érosion du volontariat s'accélère

A quelques jours du 120e congrès des sapeurs-pompiers de France, la FNSPF pointe "quatre points de fragilité" pour la sécurité civile : "les effectifs qui baissent, les casernes qui ferment, la relation Etat-collectivités et l'absence de relation avec la santé."

Non seulement l'érosion se poursuit mais elle s'accélère. Malgré les promesses des gouvernements successifs, malgré la "mission Ferry", suivie de la loi de 2011 sur le volontariat, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires (SPV) est en chute : moins 5.000 en cinq ans.
Pour le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), le colonel Eric Faure, la loi de 2011 n'a "pas permis d'avancer d'un iota". Pire, la baisse s'est "accélérée" en 2012, avec 2.200 effectifs en moins.
Les volontaires, qui constituent 80% des effectifs globaux de pompiers (le reste étant composé des professionnels, fonctionnaires territoriaux ou militaires),  sont aujourd'hui 195.000, 10.000 de moins que dans les années 2000. Cerise sur le gâteau, ils s'engagent de moins en moins longtemps (onze ans en moyenne).
Le patron des pompiers identifie "quatre points de fragilité" : "les effectifs qui baissent, les casernes qui ferment, la relation Etat-collectivités et l'absence de relation avec la santé". C'est le message que la fédération devrait adresser au président de la République et au ministre de l'Intérieur attendus au 120e congrès des sapeurs-pompiers de France qui se déroulera à Chambéry du 9 au 12 octobre... en même temps que celui des départements, principaux financeurs des services de secours, à Lille.

Effet ciseaux

Le colonel Faure met en garde contre un "effet ciseaux" : la baisse des effectifs se double  d'une irrésistible progression du nombre d'intervention (+3% en 2012), essentiellement du fait du secours à personnes (une intervention toutes les 7 secondes). Entre 1992 et 2011, le nombre d'interventions total est passé de 3,1 à 4,2 millions !
A côté de cela, 571 casernes ont fermé en cinq ans. Le Nord-Est est particulièrement touché. Une trentaine de plus devraient fermer d'ici la fin de l'année. Or la fédération le martèle depuis des années : les regroupements de casernes ne permettent pas d'économies d'échelle et l'éloignement du domicile renforce les désaffections chez les volontaires. "Les élus, c'est-à-dire la gouvernance des Sdis, avec la complicité de l'Etat qui ne joue pas son rôle de régulation, ont utilisé les petites casernes comme une variable d'ajustement […]. Notre présence est en train de s'effriter", s'insurge le colonel Faure. Selon lui, sans la présence d'une caserne, le bilan des inondations de Barèges (Hautes-Pyrénées) survenues au mois de juin aurait été bien plus élevé.
Or le président de la fédération en est convaincu : "Ce n'est pas un problème budgétaire. Il ne s'agit pas de mettre des recettes complémentaires." Il rappelle que les volontaires, qui assurent deux interventions sur trois, ne représentent que "17% du coût de la ressource humaine", soit 520 millions d'euros sur un total de 3,1 milliards d'euros pour l'ensemble des Sdis. "C'est un enjeu de volonté politique. Il faut vite s'engager dans une politique publique d'augmentation du nombre de sapeurs-pompiers", soutient le président qui en appelle à une campagne de communication nationale, que seule, la fédération, ne peut pas conduire. "Sans une augmentation [du nombre de volontaires], la charge individuelle sera trop importante", prévient-il. Un plus grand nombre permettrait une meilleure répartition des interventions, mais sans coût supplémentaire puisque les volontaires sont indemnisés à l'heure.
"On est toujours dans l'impossibilité de construire une relation apaisée entre l'Etat et les collectivités", dénonce Eric Faure qui en veut pour preuve la toute récente révision des indemnités horaires de volontaires qui n'avait pas eu lieu depuis trois ans : alors que la Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS) avait acté une augmentation de 2% en 2013, les élus de la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) ont préféré diluer cette augmentation sur deux ans (voir ci-contre notre article du 2 octobre 2013).
La FNSPF demande aussi l'Association des maires de France (AMF) de s'impliquer davantage. "Jacques Pélissard [le président de l'AMF, NDLR] n'a jamais voulu nous recevoir, regrette le colonel Faure. Nous souhaitons que l'AMF soit beaucoup plus présente dans le débat pour défendre ce tissu social." La fédération "prend acte" du pacte de sécurité civile annoncé par le ministre de l'Intérieur mais attend d'en connaître les contours.

Désengagement de la médecine d'urgence

Une fois n'est pas coutume, la FNSPF dénonce le désengagement de la médecine d'urgence des quartiers sensibles ou des zones reculées, comme en montagne. "On a tendance à être relégués à ces territoires subalternes", déclare le colonel Faure, déplorant encore et toujours que le fameux référentiel de 2008, censé améliorer les relations entre "les rouges et les blancs" ne soit toujours pas appliqué. "J'attends que le président de la République clarifie cette situation", lance-t-il. Témoignage de ce dialogue de sourds : chaque agence régionale de santé (ARS) devait remettre un plan d'actions sur les urgences avant le 1er octobre. "Pas une fois le mot sapeurs-pompiers n'apparaît. Nous sommes rangés dans les 'autres partenaires'", se plaint le docteur Patrick Hertgen, vice-président de la fédération chargé du secours à personnes.
Sur le terrain, la situation est tendue. Un peu partout en France, des syndicats appellent à la grève. En cause : la mise en demeure de la France de se mettre en conformité avant le 1er janvier 2014 avec la directive sur le temps du travail de 2003, en vertu de laquelle un sapeur-pompier professionnel ne peut pas effectuer plus de 2.256 heures par an. La moitié des Sdis sont concernés. Les syndicats pensaient que ces baisses du temps de travail seraient compensées par des recrutements. Ce que l'état des finances des départements rend impossible. "Nous ne voulons pas que les volontaires servent de variable d'ajustement. Nous ne voulons pas de guerre entre les pompiers", tente de calmer le colonel Faure.