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Santé financière des petites villes : attention fragile

"Un état fragile". C'est ainsi que Christophe Bouillon, le président de l'Association des petites villes de France (APVF), a qualifié la santé financière des quelque 4.000 villes que son association représente. Ces villes comptant entre 2.500 et 25.000 habitants, ce sont plus de 25 millions d'habitants, soit 38% de la population française, a-t-il rappelé au passage en présentant ce 13 novembre avec la Banque postale la quatrième édition de l'étude "Regard financier sur les petites villes".
 Certes, fragile ne veut pas dire catastrophique. Et des différences importantes apparaissent naturellement selon la taille de ces "petites" villes, que ce soit par exemple sur la ventilation de leurs dépense, l'investissement ou l'épargne brute. "Ce sont souvent les plus petites communes qui ont le plus souffert des années de baisse des dotations", résume Christophe Bouillon. Luc-Alain Vervisch, directeur des études de la Banque postale collectivités locales, met lui aussi en avant l'hétérogénéité des situations selon les strates démographiques. Et relève plusieurs mouvements qui rendent l'analyse plus difficile, dont le fait que la création des communes nouvelles a récemment fait entrer dans le champ "petites villes" des communes jusque-là en-deçà du seuil des 2.500 habitants. Les derniers mouvements de la carte intercommunale ont aussi évidemment eu un impact en termes de redéfinition des compétences et donc de flux financiers entre les communes et leurs groupements. En sachant qu'aujourd'hui, près des deux tiers des petites villes font partie d'une métropole ou d'une grande agglomération.

Le levier fiscal a été peu actionné

L'un des points saillants de l'étude : la maîtrise des dépenses de fonctionnement des petites villes, encore plus marquée parmi celles-ci que dans l'ensemble du bloc communal (ce qui, ceci dit, a toujours été le cas). Leurs dépenses de fonctionnement ont augmenté de 0,6% en moyenne en 2017. Cette hausse sur un an est de 1% pour les communes de 2.500 à 5.000 habitants puis se tasse sur les autres strates, pour finir par une baisse de 0,1% pour les villes de 15.000 à 25.000 habitants. La part des frais de personnel représente pas moins des deux tiers de ces dépenses.
 Dans le même temps, les recettes de fonctionnement ont augmenté de façon "très faibles", les villes s'étant pour la plupart "refusées à actionner le levier fiscal" malgré quatre années de baisse des dotations. S'agissant de ces recettes fiscales, dont la ventilation est détaillée par l'étude (en téléchargement ci-dessous, page 7), l'APVF est naturellement conduite aujourd'hui à s'interroger sur leur devenir à l'aube de la prochaine réforme de la fiscalité locale (lire encadré ci-dessous).
 L'évolution de l'épargne brute des petites villes témoigne d'"une plus grande prudence et peut-être d'une plus grande incertitude" (sur l'ensemble des petites villes, cette épargne brute affiche une baisse de 1,85%). Avec, pour les plus petites d'entre elles, "des mouvements beaucoup plus mesurés sur leur épargne", constate Luc-Alain Vervisch. On saura que si l'épargne brute moyenne des petites villes est de 170 euros par habitant, pour 25% de ces mêmes villes, elle est de plus de 214 euros, tandis qu'elle n'est que de 104 euros par habitant pour un autre quart de petites villes. Là encore donc, "des situations individuelles très contrastées".
 L'investissement est reparti à la hausse en 2017, mais "le redémarrage est moins rapide pour les petites villes que pour les collectivités dans leur ensemble" et cet investissement reste très en-deçà de son niveau de 2013, relève le directeur des études.
 Enfin, malgré des taux attractifs, la part de l'emprunt "n'a pas structurellement augmenté", dans la mesure où la baisse de l'autofinancement incite les élus à une prudence accrue par rapport à leurs capacités de remboursement, explique-t-il.

 

Et la suppression de la taxe d'habitation dans tout ça ?

L'APVF reste naturellement dans l'expectative concernant la future réforme de la fiscalité locale dont la formule reste pour l'heure indéfinie et doit faire l'objet de nouvelles discussions dans les mois qui viennent. "Attention aux effets pervers", prévient Christophe Bouillon, rappelant que son association a "toujours milité en faveur d'un impôt citoyen". L'étude de la Banque postale, qui propose un focus sur ce qui pourrait se passer pour les petites villes, "conforte les intuitions que l'on pouvait avoir", dit-il. Des simulations ont été faites sur la base de l'un des derniers scénarios en date évoqués par l'exécutif, à savoir la compensation de la suppression de la taxe d'habitation par le transfert du foncier bâti des départements aux seules communes (les EPCI se voyant quant à eux attribuer une part d'impôt national, type TVA).
 Dans un tel schéma, 55% des petites villes seraient "sur-compensées" (le produit de foncier bâti qu'elles percevraient serait supérieur à leur produit actuel de taxe d'habitation). Les plus petites d'entre elles (2.500 à 5.000 habitants) seraient même près de 60% à être sur-compensées. En revanche, plus de 60% des villes comptant 15.000 à 25.000 habitants seraient au contraire sous-compensées. Ceci, principalement, parce que le poids de la taxe d'habitation augmente avec la taille de la commune, en lien avec l'urbanisation, et qu'a contrario, le poids relatif du foncier bâti économique est beaucoup plus marqué dans les communes rurales.
 Ce déséquilibre inquiète l'APVF. "Il faudra prévoir une redistribution des ressources fiscales encore plus forte que ce ne fut le cas lors de la suppression de la taxe professionnelle, et donc réinterroger tous les dispositifs de péréquation", prévient Luc-Alain Vervisch. Un mécanisme de fonds de garantie de type "FNGIR" est d'ailleurs en principe bien prévu (les communes sur-compensées feraient l'objet d'un prélèvement pour ce fonds de garantie tandis que les autres bénéficieraient d'un reversement, auquel s'ajouterait éventuellement une part d'impôt national). "Cela augurerait de difficultés extrêmement lourdes, quatre ou cinq mois de débats ne seront pas de trop…", juge le spécialiste. L'APVF craint en tout cas que la réforme n'accentue encore les disparités entre les différentes strates démographiques des petites villes.

 

 

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