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Développement des territoires - Saisonnalité dans les filières agricoles : la région pilote ?

Le Conseil économique, social et environnemental a présenté le 9 septembre son projet d'avis sur la saisonnalité dans les filières agricoles, halieutiques et agroalimentaires. Au coeur des enjeux : la nécessité de coordonner les acteurs, publics et privés. Une coordination que le Cese imagine prise en charge par les régions.

Si la question de la saisonnalité est souvent analysée dans le secteur du tourisme, elle est très peu traitée pour les filières agricoles, halieutiques et agroalimentaires. C'est ce qui a amené le Conseil économique, social et environnemental (Cese) à se pencher sur le sujet, à travers un projet d'avis présenté le 9 septembre 2014. Première difficulté : le poids du secteur est difficile à évaluer au niveau national, puisqu'il n'y a pas de données consolidées. Le Cese base son analyse sur les chiffres de l'Insee et de la Mutualité sociale agricole (MSA), dans le secteur agricole. D'après ces informations, en 2012, sur environ 145.000 exploitations agricoles qui emploient des salariés, plus de la moitié d'entre elles (89.000) ont eu recours à au moins un contrat saisonnier. "Au total, près de 947.000 contrats saisonniers ont été conclus ; ils ont concerné 686.000 salariés, soit 1,4 contrat en moyenne par salarié, et représenté un peu plus de 77.000 équivalent temps plein", détaille le document. Les durées de contrat sont relativement courtes : inférieures à un mois et demi en moyenne.
Au coeur des enjeux pour les salariés : la nécessité de trouver des offres d'emploi et de réussir à cumuler plusieurs périodes de travail pour obtenir un revenu suffisant. Pour les entreprises, la difficulté réside dans une activité, souvent sensible aux aléas climatiques, dont le chiffre d'affaires est réalisé sur une courte période, et qui nécessite du personnel saisonnier pas toujours facile à recruter.
Face à ces problématiques, le Cese estime qu'il y a un fort besoin de coordination des acteurs, publics et privés, du domaine. "On constate souvent des problèmes d'information des entreprises et des salariés sur comment trouver du personnel ou un emploi, a détaillé Rafaël Nedzynski, responsable Europe et international de la FGTA-FO et représentant du groupe de la CGT-FO à la section de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du Cese. On manque d'un pilote dans l'avion." Et pour le Cese, le pilote pourrait bien être la région. "La région apparaît le niveau pertinent pour la conception, le financement et le pilotage de telles démarches qui doivent absolument s'inscrire dans une approche multisectorielle sans laquelle les solutions ne pourront qu'être partielles", précise ainsi le projet d'avis. Certaines d'entre elles, comme les régions Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Aquitaine, ont d'ailleurs déjà élaboré des plans régionaux de la saisonnalité. Objectifs : coordonner les acteurs mais aussi assurer la pérennisation des moyens financiers. Cette organisation pourrait notamment permettre d'éviter les aléas que vivent les maisons des saisonniers. Ces structures, qui délivrent des informations aux employeurs et aux salariés saisonniers (offres d'emploi, mise en relation, relais de certains services publics comme la santé) ont été créées dans de nombreux territoires mais elles sont régulièrement remises en question pour des raisons financières.

Des formations bi-qualifiantes pour les saisonniers

Outre leur rôle de coordinateur, le Cese estime nécessaire que les territoires mettent à disposition des saisonniers des logements et transports adéquats. "C'est un défi car ce sont des besoins sur des périodes relativement courtes", a précisé Rafaël Nedzynski. Des expériences sont menées dans ce domaine. Certaines communes utilisent ainsi pour les saisonniers les cars destinés initialement au transport scolaire. D'autres leur proposent des logements qui sont occupés par des apprentis le reste de l'année. D'autres dispositifs innovants sont imaginées par les territoires, comme les formations bi-qualifiantes mises en place en Savoie pour permettre aux saisonniers de cumuler deux activités (agriculture l'été et station de montagne l'hiver par exemple), ou les tarifs réduits pour les transports en commun réservés aux saisonniers en Aquitaine. Le Cese considère que ces expériences innovantes pourraient être diffusées, voire généralisées.
Côté salariés, le Cese met en avant plusieurs préconisations : faciliter l'utilisation des droits à la formation, mettre en place une coordination entre les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) pour financer leurs actions de formation, et adapter les programmes de formation à leur rythme. Il propose aussi de leur garantir une meilleure couverture par la protection sociale collective, à travers notamment une caisse pivot, et d'engager une réflexion sur les évolutions juridiques et règlementaires pour réduire le caractère précaire des contrats saisonniers.
Pour les entreprises, le Cese voit deux options : soit elles se spécialisent, afin de réduire leurs coûts de production, soit, au contraire elles se diversifient (diversification de produits, de culture ou d'activités). Autres préconisations : la contractualisation dans les filières pour assurer aux entreprises une meilleure visibilité sur les commandes à venir, et donc sur les embauches à réaliser, et l'extension des périodes de commercialisation à travers l'exportation. Les huîtres traditionnellement consommés en hiver en France, sont souvent consommées l'été en Italie.
Enfin, le Cese estime important de mieux communiquer auprès du grand public sur les périodes naturelles de production et d'encourager la consommation des produits locaux de saison, y compris dans la restauration collective. "Les consommateurs ont de plus en plus tendance à perdre leurs repères et à ne plus savoir quel produit est collecté à quel moment," a expliqué Rafaël Nedzynski.

 

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