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Education - Rythmes scolaires : mais puisqu'on vous dit que ça marche !

En pleine polémique sur la mise en œuvre des rythmes scolaires, où un camp brandit des enfants épuisés et des professionnels excédés, et l'autre des enfants épanouis et des professionnels enthousiastes, l'agence de presse ToutEduc a déniché une petite perle. Une commune bretonne de 3.800 habitants, Plougonvelin, avec une école primaire publique de 280 élèves où les rythmes scolaires "ça marche".

Ce n'est peut-être pas un hasard si c'est en Bretagne, où l'éducation populaire fait partie de la tradition et où la société civile a de tout temps eu son mot à dire dans les affaires publiques, que ToutEduc a trouvé une petite commune rurale où la mise en œuvre des rythmes scolaires fonctionne bien : Plougonvelin. "La situation était un peu tendue il y a quelques mois, mais les retours sont aujourd'hui plutôt positifs", témoigne Alain Cariou, adjoint "Ecoles, Enfance jeunesse" de Plougonvelin, avec 97% des enfants inscrits aux activités périscolaires en élémentaire, et un peu moins en maternelle.
Pour Valérie Lecoeur, IEN (inspectrice premier degré) en charge de la circonscription "Brest-Iroise", cela tient au maire et à son adjoint qui "ont su construire avec les acteurs locaux", et qui "ont pris le temps de la consultation pour répondre à toutes les inquiétudes". Par exemple, "au début, les élus penchaient plutôt, avec les enseignants, pour le samedi, mais les familles ont clairement opté pour le mercredi", se souvient-elle. "La mairie a aussi su prendre en compte l'inquiétude des professeurs en ce qui concerne l'utilisation des locaux de l'école", souligne-t-elle.
Quant à elle, représentante de l'Education nationale, "mon rôle a été d'être là, de participer aux conseils d'école afin de répondre aux questions qui se posaient. (…) Il importait également de rappeler que nous n'avions pas à prendre une décision qui revenait aux élus". Ajoutons à cela qu'à l'école maternelle, il n'est pas interdit d'introduire la sieste dans le temps périscolaire (ce qui rassure les parents sur la "fatigue" de leurs petits) et, que question effectif, la commune s’appuie sur des bénévoles des mouvements d'éducation populaire (donc formés) et du personnel communal.


"Une des clés de notre réussite a été la convention avec la Ligue de l'Enseignement" (interview)

 

ToutEduc : Avez-vous rencontré des résistances à la réforme ?

Alain Cariou : Les parents, quand on leur a annoncé notre intention de mettre en œuvre la réforme dès cette année, étaient inquiets. Ils pensaient que nous n'y arriverions pas et surtout, ils craignaient que nous choisissions le samedi matin. La bascule s'est faite quand nous avons annoncé que ce serait le mercredi, et que nous avons travaillé ensemble sur l’organisation de la semaine scolaire. Pour les enseignants, elle s'est faite quand nous leur avons garanti que nous n'utiliserions pas les salles de classe pour les activités périscolaires. Nous avons la chance d'avoir pas mal d'équipements à proximité de l'école.
Une des clés de notre réussite a été la convention que nous avons passée avec la Ligue de l'Enseignement pour l'accompagnement, pendant trois mois, de la mise en œuvre de la réforme et la rédaction du PEDT [projet éducatif territorial, ndlr].

Quels rythmes avez-vous choisis ?
Trois fois par semaine, la journée de classe est raccourcie en fin d'après-midi d'une heure. Pour les maternelles, c'est deux fois par semaine. Le jeudi, l'heure périscolaire est située après la pause méridienne et elle inclut la sieste. Nous avons considéré que des plages de 3/4 d'heure étaient trop courtes, et nous n'avons pas osé faire, comme à Brest, deux plages d'une heure et demie. Cela risquait d'être trop long pour les bénévoles.

Pour les 180 enfants de l'école élémentaire, comment avez-vous organisé les activités ?
Nous avons fait 10 groupes de 18 enfants, mais nous avons coupé le groupe en deux pour les activités basket et patrimoine. Pour cette dernière, c'est une association locale qui l'assure, et elle n'a pas l'habitude d'encadrer des enfants. En revanche, pour l'activité lecture à la médiathèque, l'association connaît très bien ce public. Nous avons aussi le personnel communal de la maison de l'enfance, et nous avons recruté trois auto-entrepreneurs qui sont sur la commune, pour des activités yoga, nutrition et multisport. Nous en sommes très satisfaits. Nous avons aussi fait appel à la maison du théâtre de Brest pour diffuser notre appel d’offres, et nous avons deux groupes de théâtre et un groupe d’improvisation, animés par des professionnels. Nous avons aussi fait appel à notre école de musique. Nous mettons le paquet sur la culture. Les enfants sont plutôt habitués à jouer au foot sur leur temps libre...

Combien cela coûte-t-il aux familles et à la commune ?
Aux familles, rien. La commune a voté une modification au budget, pour ce dernier trimestre 2013, de 9.000 euros pour les salaires de ceux qui n'interviennent pas bénévolement, et 3.000 pour l'achat de matériel, ou de denrées pour l'activité cuisine. En année pleine, il faudra compter un peu moins du triple. Mais nous allons recevoir, pour cette année, 90 euros par enfant du fonds d'amorçage, puisque nous sommes en solidarité rurale, et la première tranche, 8.400 euros, compense presque entièrement les charges de personnel de ce trimestre. Vont s'y ajouter les 54 euros de la CAF par enfant inscrit aux activités. Nous ne les attendions pas et serons donc bénéficiaires la première année, mais je crois que nous avons intérêt à mettre cet argent de côté pour la suite (rire). Je partage la demande de beaucoup d’élus pour une pérennisation du fonds d’amorçage.

Quels rapports entretiennent les enseignants et les animateurs ?
Je dirais que chacun étudie l'autre. Les animateurs de l'activité sportive sont demandeurs de règles claires sur l’utilisation du matériel. Après un temps d’adaptation, ils vont rencontrer les enseignants pour mettre les choses au point. Pour tous les autres matériels (arts plastiques, jeux, …) nous avons investi pour que nos activités périscolaires soient autonomes. Je suis heureux de constater que les enseignants mettent beaucoup de bonne volonté pour que tout se passe bien.

On entend beaucoup dire que les enfants sont fatigués par ces nouveaux rythmes. L'avez-vous constaté ? Plus généralement, quels sont les retours des parents ?
Chez nous, les parents réagissent très vite. A ma connaissance, aucun ne se plaint d'une plus grande fatigue des enfants, sauf en maternelle où la rentrée demande plus d’adaptation. Les seules réactions négatives que nous ayons eues tiennent au fait que, pour éviter toute confusion entre les activités scolaires et périscolaires, nous avons constitué les groupes indépendamment des groupes-classes, et certains copains se sont trouvés séparés. Les demandes des parents concernent le contenu des TAP [Temps d'activités périscolaires, ndlr], surtout en maternelle où les enfants ne s’expriment pas toujours.
En élémentaire, les retours sont très positifs. Des parents nous ont même dit que les enfants ne parlent que de ce qu’ils ont fait pendant les TAP, et qu’il faut les questionner sur la classe proprement dite ! Je crois qu'ils apprécient vraiment le côté loisir et ouverture. Et l'activité cuisine marche à fond !

avec ToutEduc


Les rythmes scolaires, ça marche ou ça marche pas ? L'AMF mène l'enquête

L’Association des maires de France a lancé une enquête nationale auprès des communes ayant engagé la réforme des rythmes scolaires en 2013. Un atelier de restitution se tiendra, en présence du ministre de l'Education nationale Vincent Peillon, au prochain Congrès des maires et présidents de communautés de France, le jeudi 21 novembre prochain au matin.
VL
 

 

 

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