À Roubaix, les « maisons à 1 euro » réduisent la vacance des logements anciens (59)
Lancé en mars 2018 par la mairie de Roubaix, le dispositif des maisons à vendre à 1 euro avec, en contrepartie, d’importants travaux de réhabilitation à réaliser, porte ses fruits. Neuf maisons ont été acquises, dont cinq sont déjà rénovées et habitées.
« Il a suffi d’une phrase du maire, Guillaume Delbar, lors d’une réunion publique en juin 2015, pour déclencher un emballement médiatique », se remémore Vincent Bougamont, directeur général de la Fabrique des quartiers (société publique locale d’aménagement – SPLA – de la métropole lilloise). Ce jour-là, l’édile de Roubaix a évoqué une visite à venir à Liverpool, pour découvrir le modèle des « maisons à 1 livre ». Le point commun entre Roubaix et la cité native des Beatles : un passé industriel, des maisons ouvrières abandonnées, des quartiers dégradés.
Après sa visite Outre-Manche, la ville, actionnaire de la SPLA la Fabrique des quartiers, confie à cette dernière une mission d’étude préalable, puis une première phase de test sur 17 maisons situées dans différents quartiers. Les logements concernés appartiennent à la municipalité, à la métropole européenne de Lille, à l’établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais ou au bailleur social Vilogia.
800 particuliers intéressés
L’appel à candidatures lancé par la Fabrique des quartiers en mars 2018 est un succès : pas moins de 800 dossiers sont retirés en mairie ou téléchargés ! « Nous avons réceptionné 74 candidatures, dont 36 étaient éligibles au regard de nos critères : plafonds de ressources, nécessité d’être primo-accédant, engagement à respecter un cahier des charges exigeant pour les travaux… Celui-ci prescrit en effet une qualité et une performance énergétique à atteindre, un accompagnement par un architecte et la réalisation du chantier sur une durée maximale de douze mois », relate le directeur général de la SPLA. Les candidats doivent aussi fournir une attestation de leur capacité à financer les travaux et s’engager à vivre dans la maison pendant au moins six ans.
Sur les 36 foyers candidats, 13 se sont vu attribuer une maison. Aujourd’hui, la démarche a abouti pour neuf logements, dont cinq sont achevés et habités depuis 2020.
Un prix moyen de 70.000 euros
À l’origine, il s’agit de maisons anciennes dégradées. Les travaux représentent donc un montant important, de 140.000 euros en moyenne, incluant les frais d’architecte et hors frais de notaire. Mais une fois déduite la subvention de 70.000 euros de l'Agence nationale pour l’habitat (Anah), le prix moyen revient à 70.000 euros pour une maison de 100 m2.
L’accompagnement des acquéreurs pour les devis, les dossiers de subvention, la recherche d’architectes et la réalisation des travaux est confié à l’opérateur GRAAL (Groupe de recherche pour l’aide et l’accès au logement). « De plus, l’outil régional - service public de l’efficacité énergétique / SPE - est mobilisé pour boucler le plan de financement de certains projets, en apportant un tiers financement du reste à charge, quand un prêt bancaire se révèle impossible », ajoute Vincent Bougamont.
Pour les travaux, les acquéreurs ont le choix entre trois formules : l’exécution intégrale par des entreprises ; la réalisation partielle par des professionnels, et des finitions faites en « auto-réhabilitation » ; ou la pose des cloisons, du carrelage et des sanitaires en auto-réhabilitation, et le reste par des entreprises. La majorité des acquéreurs a choisi l’option intermédiaire, avec uniquement les finitions en auto-réhabilitation.
Le « buzz » jusqu’au Japon
« Ce dispositif est une réponse parmi d’autres aux besoins des Roubaisiens en matière d’habitat : nous comptons 5.000 personnes en attente d’un logement social, et en parallèle, 2.250 logements sont vacants depuis plus de deux ans ; de plus, il stimule l’accession sociale à la propriété », pointe le maire, Guillaume Delbar.
Parmi les conditions du succès : « Une ingénierie complète qui tienne la route, avec la présence d’un opérateur spécialisé », complète Vincent Bougamont.
Cette première vague de maisons à 1 euro a suscité l’intérêt de nombreuses villes en France et en Europe. L’équipe municipale a même été invitée par l’université de Tokyo pour présenter son initiative ! « Beaucoup de territoires ont observé notre expérimentation et attendu que nous essuyions les plâtres, c’est le cas de le dire ! souligne Guillaume Delbar. La reconquête de l’habitat dégradé via une opération de ce type fait sens dans des zones rurales et des quartiers confrontés à des logements vacants et des marchés immobiliers déprimés ».
Améliorer la coopération avec les banques
Pour l’heure, l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), principal financeur de l’opération (lire l’encadré ci-dessous), prépare un bilan. Un point reste à revoir : la coopération avec les banques. « Certains établissements de crédit n’ont pas suivi les aspirants à l’accession, regrette le maire. Il faudra, à l’avenir s’appuyer sur un ou deux partenaires qui auront compris la spécificité du programme ». L’édile roubaisien est partant pour étendre le dispositif, ce qui permettrait de réaliser des économies d’échelle, y compris pour les banques.
Budget : un financement national et des subventions locales
Ce dispositif novateur bénéficie d’aides de l’Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru), dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir (PIA) « Villes et territoires durables » (Action « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain »). Il a aussi été retenu par la région Hauts-de-France dans le cadre de l’appel à projets sur les dispositifs expérimentaux et innovants d’accession sociale et/ou abordable à la propriété.
Le budget global de l’opération a été actualisé à hauteur de 542.000 euros environ, dont :
- 203.000 euros de l’Anru
- 101.000 euros de la région Hauts-de-France
- 165.000 euros de la métropole européenne de Lille, en participation et apport en nature avec le don de maisons ;
- 73.000 euros de la ville, en participation et apport en nature via le don de maisons ;
À cela s’ajoutent les subventions versées par l’Anah aux acquéreurs.
Enfin, les recettes de commercialisation s’élèvent à 9 euros (1 euro pour chacune des dix maisons).
Commune de Roubaix
Nombre d'habitants :
Guillaume Delbar
Société publique locale d’aménagement (SPLA) La fabrique des quartiers
Vincent Bougamont
Dorothée Fève
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