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Développement économique - Rôle économique des régions : de la confiance à la défiance ?

BPI, gestion des fonds européens, politique de l'emploi, concurrence des métropoles... les régions sont passées en quelques mois de l'euphorie à la dure réalité de la négociation avec la citadelle de Bercy.

Tout est en ordre de marche pour l'entrée en vigueur de la Banque publique d'investissement début 2013. Le Parlement a donné son feu vert, mercredi 19 décembre. Les principaux ajouts du Sénat ont été conservés dans le texte de compromis trouvé entre les deux assemblées. Le rôle des régions se voit ainsi quelque peu renforcé dans le conseil d'administration et dans les comités d'orientation, mais au prix d'un intense lobbying. Et on n'est pas au niveau de ce qu'elles auraient espéré : participer aux décisions d'investissement

"Analphabètes et clientélistes"

Tout avait pourtant bien commencé. Le 12 septembre, l'Association des régions de France (ARF) était reçue à l'Elysée. Une première. Elle ouvrait même le bal avant les autres associations d'élus. Lors de cette réunion, régions et Etat signaient un pacte de confiance en 15 points "pour la croissance et pour l'emploi" : rôle moteur dans la BPI, aides aux entreprises, gestions de fonds européens, formation professionnelle, emplois d'avenir… Tout était réuni pour réaliser, enfin, le rêve des régions : devenir l'acteur clé du développement économique. Les réunions ministérielles s'enchaînaient. Le président de l'ARF, Alain Rousset s'était même dit "extrêmement touché" par le discours de François Hollande du 5 octobre aux états généraux de la démocratie territoriale. Enfin, le congrès des régions, à Lyon, s'ouvrait sous des auspices on ne peut plus favorables. De fait, les déclarations de la ministre de l'Egalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, puis celles de la ministre de la Réforme de l'Etat et de la Décentralisation, Marylise Lebranchu, donnaient aux régions de bonnes raisons de croire leur heure venue… Elles qui clament que la régionalisation ce sont les ETI (entreprises de taille intermédiaire) et que les ETI c'est la croissance, et qui se prennent parfois à jalouser leurs homologues allemands, les länder, avec leur Mittelstand.
En concluant ce congrès, Alain Rousset appelait cependant ses collègues à la prudence. Il avait raison. Car la machine si bien huilée s'est grippée, le rêve s'est heurté à la citadelle de Bercy. On se souvient de ces mots du président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon : "Bercy fait comme si nous étions soit des analphabètes soit des clientélistes." Accusées d'amateurisme, soupçonnées de vouloir soutenir des "canards boiteux", elles ont été reléguées au second plan avec la BPI, leurs schémas régionaux ne seront vraisemblablement pas prescriptifs...
La décentralisation des fonds européens semblait elle-même remise en cause, poussant Marylise Lebranchu à dire que cet engagement inscrit dans le marbre était "intouchable". Des interrogations demeurent cependant : délégation ou transfert ? Quelle part l'Etat entend-il conserver ? Autre coup dur : devant les missions locales qui fêtaient leur trente ans à Lille le 18 décembre, le Premier ministre a dit qu'il n'était pas favorable à une régionalisation de la politique de l'emploi.

Avant-projet de loi "frileux"

Un dernier grain de sable s'est glissé dans les rouages : la montée en puissance des métropoles, avec la place des futures métropoles de dimension européenne que le projet de loi de décentralisation va introduire. Les divergences se font jour à Paris et à Marseille, sur lesquelles le texte laisse pour le moment deux pages blanches, mais aussi à Lyon. Le président de Rhône-Alpes Jean-Jack Queyranne est récemment monté au créneau pour dénoncer un avant-projet "très en-deçà de ce que nous avait annoncé le président". Et qui "réduit le rôle des régions alors que nous sommes le premier partenaire de l'économie". Lors du congrès des régions, devant Marylise Lebranchu, le président du Grand Lyon, Gérard Colomb,  et lui affichaient pourtant une entente cordiale, autour d'un juste partage des rôles : les aides aux entreprises pour l'une, l'attractivité pour l'autre. Ce temps n'est plus si l'on en juge par la lettre que Jean-Jack Queyranne vient d'adresser à la ministre pour démonter un avant-projet de loi "frileux" d'où "toute ambition politique a disparu au profit d'un empilement de dispositions techniques sans réelle cohérence d'ensemble". "On ne peut accepter que les métropoles captent l'ensemble de l'activité économique", s'inquiète-t-il. L'an dernier, les régions socialistes et le gouvernement UMP s'opposaient sur presque tout. La nouvelle configuration augurait une nouvelle aire. La lune de miel est terminée.
 

 

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