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Environnement - Robin des Bois sur la trace des déchets de guerre

Bombes, obus, mines, grenades : quelque 14.000 déchets de guerre ont été découverts ces six dernières années dans les régions de l'ouest de la France. L'association Robin des Bois, qui les a recensés dans un rapport mis en ligne ce 2 juin, met en garde contre l'insuffisante information du public face aux dangers liés à la manipulation de ces déchets et sur les risques de pollution qu'ils peuvent provoquer.

A quelques jours des cérémonies de commémoration du 70e anniversaire du Débarquement allié sur les côtes normandes, l'association environnementale Robin des Bois vient de publier un "Inventaire des déchets de guerre" mis au jour entre 2008 et 2013 pour les régions de la façade ouest de la France. "600.000 tonnes de bombes ont été larguées sur 1.700 communes françaises entre juin 1940 et mai 1945", rappelle l'ONG. "15% des bombes n'ont pas explosé – on doit s'en féliciter – mais elles ont pénétré pour la majorité jusqu'à 4 mètres de profondeur dans les sols et les sédiments, jusqu'à 6 mètres pour 20% d'entre elles, 7 mètres pour 10% et 9 mètres pour 1%", indique-t-elle. "Il n'y a pas d'armistice pour les déchets de guerre", souligne Robin des Bois qui égrène des chiffres alarmants sur les risques qui en découlent dans son nouvel inventaire établi sur la base d'informations des préfectures et des articles de presse. En 6 ans, dans les six régions concernées – Haute et Basse-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Aquitaine -, "près de 14.000 munitions dangereuses pour les populations et l'environnement ont été découvertes dans les champs, dans les villes, en mer et dans les eaux douces". Plus de la moitié (7.965) de ces vestiges de guerre ont été déterrés en Poitou-Charentes, à Thouars, lors de la dépollution pyrotechnique d'un ancien site militaire destiné à accueillir une centrale photovoltaïque. Mais la plupart des interventions ont sans surprise eu lieu en Normandie (221 événements répertoriés) et en Bretagne (175). Avec 83 opérations, la région Pays de la Loire n'est pas épargnée, ni l'Aquitaine (42) ou le Poitou-Charentes (35).

95.000 personnes évacuées

La découverte de bombes, de mines, de grenades ou d'obus abandonnés a occasionné 556 interventions de démineurs et l'évacuation de 95.000 personnes de leurs domiciles, lieux de travail ou de loisir. Ces engins ont aussi été à l'origine d'accidents graves. En 2009, près de Caen, un homme est mort en voulant désamorcer lui-même dix petits obus. Cinq personnes ont également été blessées à des degrés divers depuis 2008 en manipulant des munitions de guerre soudain sorties de l'oubli. Le rapport fait état des comportements risqués qui ont suivi la découverte de ces objets qui restent potentiellement explosifs. En 2012, un homme de 70 ans trouve un obus de 70 cm de long et de 20 cm de diamètre en nettoyant un terrain en Dordogne et le transporte jusqu'à la gendarmerie, située à 20 km. Les gendarmes préviennent les démineurs... mais demandent au septuagénaire de rapporter l'obus sur son terrain ! L'ONG relate de nombreux exemples tout aussi surprenants : un obus de 35 cm ramené à un camping par des touristes hollandais à Houlgate (Calvados), deux grenades laissées dans une benne de déchetterie à Martinvast (Manche), etc. "L'information de la population est insuffisante et les comportements à risques se multiplient", estime Charlotte Nithart, directrice de Robin des Bois, en rappelant les consignes : "ne pas toucher, encore moins transporter, et prévenir les autorités".

Risques environnementaux

Au-delà du risque d'explosion, la présence de dizaines de milliers de tonnes de métaux mélangés à des substances toxiques représente aussi un danger potentiel de pollution. "Il y a des risques de contamination des eaux souterraines, là où il y a une forte densité de bombes", prévient Jacky Bonnemains, président de Robin des Bois. Du fulminate de mercure ou de l'azoture de plomb sont présents dans les détonateurs. D'autres substances toxiques (phosphore, trinitrotoluène ou TNT, etc.) composent la matière explosive, prévient le responsable qui réclame davantage d'opérations de dépollution.
L'ONG considère que trois sites "posent des problèmes particulièrement graves de sécurité physique et environnementale", en raison de la concentration de plusieurs centaines de tonnes de vieilles munitions. Il s'agit d'un lac artificiel à l'Avrillé (Maine-et-Loire), dans l'agglomération d'Angers, et de deux sites terrestres dans les Deux-Sèvres (Borq-sur-Aivault et Pierrefitte). Contrairement au nord et à l'est de la France, qui ont concentré les combats de 14-18, pour l'ouest, l'ONG a peu d'exemples de contamination des eaux par des déchets de guerre. Elle signale toutefois, à l'aval de Borcq-sur-Aivault, l'interdiction de l'irrigation de champs de melons en septembre 2013 suite à la détection d'arsenic.
"Selon le Code de l'environnement, les citoyens ont un droit à l'information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis, insiste l'association. Pourtant, seules les préfectures de la Manche et du Calvados diffusent dans leur dossier départemental sur les risques majeurs - DDRM - une information préventive sur les dangers d'explosion et d'intoxication par des engins de guerre," regrette-t-elle.

 

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