Risque cyclonique outre-mer : un projet de décret fixe un cadre spécifique pour les constructions

La mise en consultation, jusqu’au 7 septembre prochain, d’un projet de décret pose un premier jalon pour la mise en place d’une réglementation paracyclonique des constructions neuves à destination des territoires de la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, La Réunion et Mayotte, particulièrement exposés à ce phénomène.

Le ministère de la Transition écologique soumet à consultation publique, jusqu’au 7 septembre prochain, un projet de décret relatif à la prise en compte du risque de vents cycloniques dans la construction de bâtiments neufs dans les territoires d’outre-mer particulièrement exposés à ce risque. Jusqu’ici, seul un guide de bonnes pratiques pour la construction et la réhabilitation de l’habitat en zone cyclonique permettait d'aider les particuliers et professionnels réalisant des travaux à respecter les règles constructives adaptées au risque cyclonique. C’est donc un pas supplémentaire vers la mise en place d’une réglementation en matière de risque cyclonique d’ores et déjà inscrite au niveau de deux articles législatifs (l’article L.132-3 du code de la construction et de l’habitation et l’article L.563-1 du code de l’environnement).

Une concertation avec les acteurs de la zone Antilles et Mayotte devra s’en suivre afin de publier un premier arrêté d’application pour ces territoires. Et des échanges complémentaires sont également prévus avec les acteurs de La Réunion.

"Les cyclones tropicaux (ou ouragans) sont des phénomènes météorologiques violents fréquents dans les territoires français de la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, La Réunion et Mayotte", relève le ministère. La tempête Irma, qui a frappé les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, en septembre 2017, faisant 11 victimes et plus de 200 blessés, est encore dans tous les esprits. Ce cyclone de catégorie 5 a causé des dégâts considérables, notamment sur leur bâti, évalués à plus de 2 milliards d’euros. Selon les estimations, 95% des bâtiments ont été endommagés à des degrés divers et environ 20% des bâtiments à Saint-Martin ont été totalement détruits.

Un ratio bénéfices/coûts indiscutable

Selon une étude citée par le ministère et réalisée par la Caisse Centrale de Réassurance en partenariat avec Météo-France et RiskWeatherTech sur l’évolution du risque cyclonique en Outre-mer à l’horizon 2050, le coût moyen des cyclones de catégorie 5 est estimé "à 6,8 milliards d'euros en Guadeloupe, 4,9 milliards d'euros en Martinique et 5,2 milliards d'euros à La Réunion". Les résultats de l’étude d’impact indiquent quant à eux que le surcoût cumulé de la construction neuve de bâtiments atteindrait "0,4 milliard d'euros à 1,8 milliard d'euros sur la période 2023-2072". "A l’inverse, chaque ensemble de constructions neuves livré chaque année permettrait d’éviter pour toutes les années suivantes un montant de dommages moyens annuels estimés à 56 millions d'euros/an, soit 2,8 milliards d'euros de dommages cumulés évités sur la période 2023-2072", insiste la notice de consultation. Le ratio bénéfices/coûts (tous bâtiments et tous territoires confondus) s’établit "à 1,5 dans le scénario le moins favorable et à 6,4 dans le plus favorable".

Des chiffres qui plaident pour la mise en place d’une réglementation prenant en compte des vents cycloniques dans les constructions neuves. Dans le détail, les ratios calculés par île sont "plus élevés à La Réunion qu’aux Antilles", relève le ministère, et ce "en raison principalement des écarts entre les nombres annuels de constructions neuves, mais aussi de la variabilité de la vulnérabilité des biens et de l’intensité des vents de référence applicable localement pour une période de retour donnée". Les ratios sont aussi plus élevés pour les constructions résidentielles que pour celles non-résidentielles.

Le ministère en mesure par ailleurs l’impact pour les collectivités en faisant valoir essentiellement un "surcoût" pour la construction des bureaux et bâtiments dédiés à la mise en œuvre des services publics à leur charge. Celui-ci est estimé "entre 0,9 million d'euros et 2,4 millions d'euros chaque année, en moyenne sur 50 ans, mais il sera partiellement, voire totalement compensé par les dommages évités (fourchette s’étalant entre un surcoût de 0,8 million d'euros par an et un gain de 0,6 million d'euros par an)", indique-t-il. L’impact de la réglementation est d’ailleurs "moins favorable" pour les bâtiments des collectivités, en raison d’une efficacité moindre pour les bâtiments non résidentiels (notamment du fait des surcoûts importants pour renforcer les structures acier). La gestion des bâtiments refuges et autres bâtiments dédiés à la gestion de crise entraîne de surcroît des exigences de résistance au vent supérieures à celles des autres bâtiments. 

Quatre catégories de bâtiments selon leur importance 

Quatre nouveaux articles sont introduits dans le code de la construction et de l’habitation (CCH) - articles R.132-2-1 à R.132-2-4. Y est défini le périmètre d’application des dispositions, à savoir les territoires de la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion et Mayotte. Le R.132-2-3 reprend l’article R.563-3 du code de l’environnement afin de créer celui-ci en miroir dans le CCH. Il répartit les bâtiments concernés par cette réglementation en quatre catégories d’importance définies en fonction du risque encouru par les personnes ou du risque socio-économique causé par leur défaillance : ceux ne présentant qu'un risque minime pour les personnes ou l'activité économique (I) ; ceux présentant un risque moyen pour les personnes (II) ; ceux présentant un risque élevé pour les personnes et en raison de leur importance socio-économique (III) ; enfin, ceux dont le fonctionnement est primordial pour la sécurité civile, pour la défense ou pour le maintien de l'ordre public (IV).

L’article R.132-2-4 précise que pour chaque catégorie d’importance de bâtiments et dans chaque territoire listé, les règles particulières de construction paracyclonique fixent la période de retour de l’épisode cyclonique d’intensité maximale qui doit être prise en compte pour le calcul de la résistance des bâtiments. Les bâtiments de chaque catégorie doivent résister "à des pressions découlant de vents de vitesses au moins égales à la vitesse des vents de référence correspondant à la période de retour de l’épisode cyclonique d’intensité maximale". Le même article revient sur le périmètre d’application de la réglementation : les bâtiments nouveaux, les additions de bâtiments existants par juxtaposition, surélévation ou création de surfaces nouvelles et les modifications importantes des structures des bâtiments existants. Le texte ajoute également le contrôle cyclonique dans la liste des contrôles techniques obligatoires et définit son champ d’application : les bâtiments de catégories d’importance III et IV.

Dans une sous-section du code de l’environnement dédiée à la prévention des risques de vents cycloniques, il est créé deux articles qui renvoient les règles particulières en matière de construction paracyclonique aux articles du CCH. 

L’entrée en vigueur de ces dispositions est prévue à une date définie par arrêté interministériel et "au plus tard le 1er janvier 2026".

 

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