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Richesse des régions : l'Europe se joue au centre

Pour la première fois, Bratislava et Prague ont dépassé la région Ile-de-France, en 2015, selon les dernières statistiques d'Eurostat sur la richesse des régions. A l'heure du Brexit, le dynamisme des régions d'Europe se joue de plus en plus le long d'une bande qui va du nord de l'Italie jusqu'aux pays nordiques.

A la fin des années 1980, le géographe français Roger Brunet avait inventé le concept de "banane bleue". En photographiant la nuit par satellites les lumières bleutées des villes européennes, il avait fait apparaître une longue bande allant de Londres à Milan. La carte des PIB régionaux semble calquée sur cette banane bleue avec un prolongement vers les pays nordiques, comme le montrent les dernières statistiques d’Eurostat, l’office statistique européen, qui s'appuie sur le PIB en standard de pouvoir d'achat (SPA). Donnée qui permet de prendre en compte les écarts de niveaux de vie.
Comme chaque année, la plus haute marche du podium revient à la région ouest du centre de Londres (Inner-London West), suivie du Grand-Duché de Luxembourg. Derrière, Bruxelles se voit ravir la troisième place par Hambourg, première région allemande du classement. Dans ces quatre régions, le PIB par tête était, en 2015, plus du double de la moyenne européenne située à 28.900 euros. Londres est même très loin devant avec un PIB par habitant de 580% supérieur à la moyenne. Mais à l’heure du Brexit, c’est plutôt ce qui se trame sur le continent qui retient l’attention.
A première vue, malgré les efforts de la politique de cohésion, les déséquilibres Est-Ouest restent assez marqués. 20 régions sur 276 affichent un niveau supérieur à 50% de la moyenne. La plupart sont situées en Allemagne, au Royaume-Uni, et dans une moindre mesure en Autriche, au Pays-Bas… La plupart d’entre elles correspondent d’ailleurs à des régions capitales. A l’opposé, 19 régions ont un PIB inférieur à 50% de la moyenne : cinq sont situées en Bulgarie, quatre en Hongrie et en Pologne, trois en Roumanie, deux en Grèce et une en France, avec Mayotte (avant-dernière région européenne). La région la moins riche est Severozapaden, au Nord-Ouest de la Bulgarie (29% de la moyenne).
Eurostat prend soin cependant de souligner que le niveau de PIB dans les régions locomotives peut être "influencé par les flux de navetteurs". Le calcul du PIB est d'ailleurs loin d’être une science exacte. Il mesure la production et non le revenu disponible après transferts sociaux (comme le fait notamment le chercheur Laurent Davezies). Toutefois, les dynamiques sur dix ans sont éclairantes.

Plus que deux régions françaises au-dessus de la moyenne européenne

Economiquement, le "rideau de fer" est toujours debout, mais on constate des brèches. Depuis le dernier élargissement à l’Est de 2004, la hiérarchie régionale européenne a été un peu bousculée. Presque trente ans après leur Révolution de velours, Bratislava et Prague se retrouvent pour damer le pion à l’Ile-de-France (qui se classe désormais 8e), en même temps que la région allemande Oberbayern (Haute-Bavière). Pourtant le PIB francilien est passé entre 2005 et 2015 de 38.666 à 50.900 euros, soit de 173 à 176% de la moyenne européenne. Seulement, Bratislava et Prague ont progressé plus rapidement encore, et présentent un PIB par habitant de 54.400 pour la première et 51.400 pour la seconde. La région de la capitale slovaque, qui se classe 5e, bénéficie de la grande forme de son industrie automobile.
Autre constat que l’on peut tirer de ce comparatif : en-dehors de l’Ile-de-France, Rhône-Alpes est, en 2015, la seule région française à présenter un PIB par habitant supérieur à la moyenne européenne (30.500). Elles étaient dix en 2005 ! Qu’en est-il de la Guyane, dont il est beaucoup question en ce moment ? La richesse régionale y est passée de 11.306 à 15.300 euros par tête. Mais avec 53% de la moyenne européenne, elle se situe à peine au-dessus des 20 régions les plus pauvres.
En Espagne, la Catalogne, le Pays basque et la communauté de Madrid sont les trois seules régions qui se placent au-dessus de la moyenne européenne (elles étaient sept dix ans plus tôt !). L'Italie conserve 11 régions au-dessus de la moyenne européenne, mais aucune ne se classe dans les 20 premières. S'agissant du Portugal, la région de Lisbonne se situe juste au-dessus de la moyenne. Elle est la seule.
Plus que jamais, avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, l’avenir de l’Europe semble se dessiner au centre. Voilà qui devrait interroger au moment du lancement des négociations sur la future politique de cohésion.