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Revitalisation des centres des villes moyennes : un patron commun, des habits différents

Si, dans leurs stratégies de revitalisation des centres-villes, les villes moyennes s’inspirent des mécanismes éprouvés par les grandes villes ou prescrits par des acteurs nationaux, elles se les réapproprient grandement, en les adaptant aux réalités locales. Confirmant qu’il n’existe pas de réponse unique à ce problème complexe. C'est ce que montre une étude publiée par l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts, à partir d'exemples en Amérique du Nord, en Europe et dans quatre villes françaises.

"Les idées sont de libre parcours." L’adage bien connu des spécialistes de la propriété intellectuelle pourrait tenir d’exergue à l’étude que la doctorante Julie Chouraqui a consacrée à la "circulation et l’appropriation des stratégies de revitalisation des centres-villes dans les villes moyennes françaises". Cette étude, dont la synthèse a été publiée par les Cahiers de la recherche du groupe Caisse des Dépôts, montre en effet que les stratégies de revitalisation des villes moyennes occidentales apparues dans les années 2000 (et qui ont connu en France leur véritable essor au mitan des années 2010) ont été inspirées par les politiques conduites par les grandes villes à partir des années 1960. Mais elles ont été grandement adaptées aux aspirations et contraintes locales.

Des principes et outils nés dans les grandes villes

C’est dans les grandes villes occidentales – dont le centre était alors confronté au déclin démographique, à la paupérisation de la population de certains secteurs ou encore à la dégradation du bâti – qu’est née cette volonté de "reconquête", à laquelle la critique d’une planification urbaine fonctionnaliste et standardisée et les mouvements de décentralisation sont venus prêter main forte. Mise en valeur du patrimoine historique, requalification du bâti, remodelage des espaces publics, soutien à l’animation du centre-ville… sont alors autant d’outils mobilisés, dans un projet urbain volontairement "transversal". Des principes et outils que s’approprieront certaines villes petites et moyennes occidentales (ou le gouvernement britannique) à compter des années 2000. L’étude, qui s’attarde plus particulièrement sur les villes françaises de Blois (41), Forbach (57), Narbonne (80) et Soissons (02), relève que les projets conduits donnent alors "lieu à des réalisations souvent très similaires : remodelages de places et de la voirie, à partir d’une réflexion sur la place du piéton dans le centre-ville ou la mise en valeur du patrimoine". Pour autant, des spécificités apparaissent. L’étude montre ainsi une nouvelle tendance : la "priorisation des questions commerciales", le maintien de la diversité commerciale étant un enjeu spécifique des centres-villes des villes moyennes.

En France, 2014 année charnière

En France, l’étude estime que la question prend pleinement son essor en 2014, année d’élections municipales et "moment charnière à l’échelle nationale : la question de l’équilibre entre des politiques en faveur des métropoles et d’autres niveaux de l’armature urbaine s’affirme au sein du débat public, tout comme l’enjeu de la dévitalisation des centres-villes de certaines villes petites et moyennes, de plus en plus médiatisé". Les initiatives se succèdent – manifestation d’intérêt "Centre bourg" organisée par le CGET en 2014 (voir notre article du 23 juin 2014), Comité interministériel aux ruralités en 2015 (voir notre article du 16 mars 2015), programme "Centres-villes de demain" de la Caisse des Dépôts en 2016 (voir notre article du 4 avril 2016)… avec en point d’orgue le lancement du programme Action cœur de ville (voir notre article du 15 décembre 2017). Pour l’auteur, c’est à cette période – et singulièrement grâce à ce dernier programme – que se diffuse largement le modèle des "politiques de revitalisation du centre-ville" dans de nombreuses villes moyennes. Ces politiques partagent de nombreux points communs – à commencer par le souci des municipalités les mettant en œuvre de communiquer sur ces stratégies, dotées le plus souvent d’un nom – "similitudes dans les principes […] probablement accentuées par le programme Action cœur de ville".

Différences souhaitées

L’étude souligne pour autant que sous cette apparente similarité pointent des différences, voire des divergences, dans le choix et la conduite des différentes actions. Ainsi, si le commerce est désormais identifié partout comme un enjeu prioritaire, les villes se font plus ou moins interventionnistes. À Soissons on mobilise volontiers le droit de préemption urbain alors qu’à Blois, l’intervention directe sur l’offre commerciale est au contraire très limitée, élus et managers considérant que cette offre ressort des acteurs privés. Et à Narbonne et Forbach, l’étude relève que la politique commerciale de la municipalité prend surtout la forme d’un soutien à des initiatives d’animation.

Contraintes subies

Dans d’autres cas, l’appropriation des modèles de revitalisation est tout simplement empêchée. Ainsi de l’amélioration du bâti, complexe à mettre en œuvre. Les villes étudiées pointent toutes "l’équation financière de ces opérations, structurellement déficitaires", du fait de coûts importants (fouilles archéologiques, accessibilité au chantier réduite par les caractéristiques de la voirie, complexité des travaux de curetage d’ilots… mais aussi coûts humains, du fait de la technicité de ces opérations) non compensés par les prix de revente des biens du fait des caractéristiques locales du marché immobilier (le Covid permettra-t-il de bouleverser la donne ?- voir notre article du 1er avril 2022). Une difficulté renforcée pour la requalification des logements privés. L’étude relève qu’en la matière, les dispositifs incitatifs sont peu ou prou les seuls utilisés pour l’heure, ceux visant à faciliter les opérations de requalification sous l’égide d’un investisseur privé ou de la puissance publique étant plus rarement mobilisés.

 

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