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Revitalisation de centres-villes : des dispositifs efficaces mais pas assez connus

Les dispositifs de revitalisation de la loi Elan et les deux programmes nationaux Action coeur de ville et Petites villes de demain sont "efficaces". Mais ils pâtissent d'un "déficit de notoriété". C'est le constat des deux consultations conduites au printemps par la mission de contrôle du Sénat sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. Cette dernière remettra son rapport final le 29 septembre 2022. 

La mission de contrôle sénatoriale sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs a présenté jeudi 7 juillet les résultats des deux consultations menées au printemps sur les dispositions de la loi Elan de 2018 en matière de revitalisation et sur les deux programmes nationaux Action cœur de ville (ACV) et Petites villes de demain (PVD). 856 élus locaux ont répondu à cette enquête Opinionway (essentiellement des maires de communes de moins de 5.000 habitants) ainsi que 668 chefs de projets de programmes ACV et PVD.

Premier constat : les dispositions de la loi Elan qui visaient notamment à mieux réguler l’offre commerciale en périphérie sont jugées "pertinentes et efficaces", a commenté Sonia de La Provôté (Union centriste, Calvados), co-rapporteure. Un motif de satisfaction pour le Sénat, dont les travaux conduits notamment par les sénateurs Rémy Pointereau (président de la mission) et Martial Bourquin avaient en grand partie inspiré les mesures de la loi (voir notre article du 25 mai 2018). Or 6 des 7 principales mesures juridiques de la loi visant à limiter les implantations sont considérées comme "plutôt efficaces" voire "très efficaces" par une large majorité d’élus, avec des taux allant de 61% pour les commissions départementales d’aménagement commercial (qui doivent désormais tenir compte de nouveaux critères pour la délivrance des autorisations, comme le fait que le projet contribue à la revitalisation du centre-ville) à 68% pour les tests anti-friches (l’opérateur doit démontrer que son projet ne peut pas s’implanter dans une friche commerciale, d’abord en centre-ville, puis en dehors). En revanche l’obligation d’information des maires de communes limitrophes des projets commerciaux ne recueille que 4% d’avis très positifs, 45% des répondants jugeant la mesure "plutôt efficace".

Déficit de notoriété

S’agissant de l’ORT, mesure phare de la loi dans ce domaine, elle remplit son objectif. 60% des élus dont le territoire est signataire considèrent qu’elle a un impact positif sur la revitalisation du centre-ville ou du centre-bourg. "C’est plutôt une bonne nouvelle", se réjouit Sonia de La Provôté, rappelant que l’ORT s’inspirait fortement du dispositif Oser (opération de sauvegarde économique et de redynamisation) imaginé par les deux sénateurs Pointereau et Bourquin dans leur proposition de loi. L’accès prioritaire aux aides de l’Anah, de la Banque des Territoires et d’Action logement est particulièrement plébiscité, de même que le renforcement du droit de préemption ou l’éligibilité au dispositif de défiscalisation "Denormandie" dans l’ancien. "Plus les élus ont engagé tôt une démarche ORT, plus leur satisfaction est forte", a fait remarquer la sénatrice. A noter aussi que les deux-tiers des élus estiment être bien accompagnés par l’Etat dans la mise en œuvre de l’ORT. Seul bémol : le dispositif Denormandie dans l’ancien (destiné à encourager la rénovation dans l’ancien grâce à une réduction d’impôt sur le revenu pour les propriétaires achetant un logement à rénover en vue de le mettre en location) demeure "trop peu connu et sous-utilisé". Début juin, les seuls éléments disponibles (à partir des déclarations de 2021) ne faisaient état que de 700 bénéficiaires. "En outre, étonnamment, le nombre de logements concernés et leur localisation ne sont pas connus des services de l’Etat", critique la sénatrice, rappelant que le gouvernement doit fournir un rapport d’évaluation au Parlement au mois de septembre !

Autre enseignement de l’enquête : près de la moitié des élus (47%) ont engagé une politique de revitalisation indépendamment des outils ORT, ACV ou PVD. Ce que confirment les chefs de projets, indiquant que de nombreuses collectivités étaient déjà dans une telle démarche avant le lancement des programmes. Mais l’enquête montre aussi qu’une forte proportion d’élus ne connaissent pas ces programmes. C’est le cas pour les mesures juridiques de la loi Elan (entre 35 et 44% ne les connaissent pas). Curieusement, cette méconnaissance touche aussi les chefs de projets, pourtant amenés à les utiliser (seuls 40% les connaissent). 60% des élus ne connaissent pas les ORT et 49% ne connaissent "pas bien" les programmes ACV et PVD. "Les résultats de la consultation confirment nos propres observations : la politique publique de revitalisation souffre d’un déficit de notoriété manifeste qui nuit à son efficacité", a ainsi commenté le sénateur Serge Babary (LR, Indre-et-Loire), co-rapporteur.

"Une politique de marketing territorial bien réussie"

A noter cependant que les élus qui bénéficient des programmes ACV ou PVD (qui concernent la revitalisation de 234 villes moyennes et de 1;635 communes de moins de 20.000 habitants) semblent mieux réussir la revitalisation de leur centre. Il est cependant difficile d’évaluer l’impact du programme PVD qui a démarré plus tard.

De manière générale, la perception par les élus de l’évolution du centre-ville depuis 2018 est "globalement préoccupante". Un quart seulement constate une amélioration. Mais le taux monte à 51% pour les maires de communes ACV, soit le double. Il est de 34% pour les villes PVD. "Ces programmes, et particulièrement ACV, semblent répondre à la commande", estime Gilbert-Luc Devinaz, troisième rapporteur (Socialiste, Rhône). Ils constituent "une politique de marketing territorial bien réussie" et contribuent à redonner confiance aux élus. "Il ne faut pas oublier qu’on parle de politiques publiques lourdes, longues, qui se jouent dans la durée", a-t-il ajouté.

"Il est incontestable qu’ACV et PVD sont des programmes bien accueillis par les élus locaux. Ils reflètent un changement d’approche de l’État dans ses relations avec les collectivités avec une écoute, une volonté de partir des besoins du terrain et de faire du cousu main", a abondé Rémy Pointereau. Les apports en ingénierie sont très appréciés, en particulier pour les villes de PVD. Le cofinancement des postes de chefs de projets est décisif dans bien des cas. Mais ces programmes ne sont pas exempts de critiques. 

Manque de financements

La principale d’entre elles est un accès aux financements insuffisant (67% des élus ACV et 62% des élus PVD). Rémy Pointereau constate que les communes ACV n’ont pas d’accès prioritaire aux dotations de l’État (DETR, DSIL, FNADT) : ces dotations ne représentent que 600 millions d’euros sur les 5 milliards de la première phase du programme. "Les élus ont pu croire que les programmes ACV et PVD leur donnaient accès à des enveloppes dédiées, respectivement de 5 milliards et 3 milliards d’euros, sous forme de subventions aux projets des communes. Or, la majorité des aides (de l’État et de ses partenaires) sont en réalité des prêts, des prises de participation et des aides aux bailleurs privés", a-t-il fait observer. Une situation qui génère parfois des frustrations. Les élus sont aussi en demande de visibilité pluriannuelle, alors qu’ils doivent aujourd’hui composer "au coup par coup" au gré des appels à projets. "Cette situation génère une grande incertitude sur une politique publique qui a besoin de perspectives", estiment les délégations aux entreprises et aux collectivités territoriales, à l’initiative de cette mission de contrôle. Cette dernière devrait remettre son rapport final le 29 septembre 2022. Elle ne devrait pas proposer de nouveaux textes de loi, le cadre juridique de la loi Elan lui paraissant suffisant. Elle s’oriente plutôt vers une proposition de résolution visant à mieux la faire appliquer. "Le droit de l’urbanisme permet d’agir à une échelle supra-communale et limiter ainsi le risque de concurrence des territoires", a avancé Serge Babary, alertant sur le phénomène des dark stores, "dont l’essor fait craindre à certains l’évolution vers des villes sans vitrines". S’agissant des programmes ACV et PVD, la mission préconise d’organiser, une fois par an, à l’initiative du préfet, une réunion d’information ouverte aux élus et aux administrations.

Gilbert-Luc Devinaz a aussi attiré l’attention sur toutes les villes qui ne font pas partie de ces programmes. IL s'agit d'abord pour elles de "mieux faire connaitre la loi". Mais pas seulement. Le sénateur rappelle la proposition de ses collègues Bruno Belin et Serge Babary (voir notre article du 17 mars 2022) de mettre sur pied un nouveau programme d'actions territorialisé "400 territoires de commerce", porté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Car pour les communes rurales "un petit commerce en moins, ça veut souvent dire plus de petit commerce du tout".