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Eau - Réutilisation des eaux usées pour l'irrigation : une solution qui a du mal à s'imposer en France

Très répandue aux Etats-Unis, en Chine, en Israël, en Tunisie et, plus près de nous, en Espagne et en Italie, la réutilisation des eaux usées pour l'irrigation des cultures est peu mise en œuvre en France, alors que la réglementation le permet, en sortie des stations d'épuration. Les volumes réutilisés sur le territoire français (19.200 m3/jour) correspondent ainsi à environ 2% des volumes réutilisés dans des pays comme l'Espagne et l'Italie. Dans une note de synthèse qu'il vient de publier, le Commissariat général au développement durable (CGDD) analyse les freins au développement de cette pratique et avance des solutions, en s'appuyant sur les exemples des pays étrangers.

Disparités géographiques

Premier constat : la réutilisation des eaux usées est répandue dans les régions du monde affectées par des pénuries de ressources en eau. Or la France ne connaît que des épisodes locaux et saisonniers de déficit de la ressource en eau. "De ce fait, la réutilisation des eaux usées est restreinte à des régions particulières (notamment insulaires)", souligne le CGDD. Dans les îles de Ré, Noirmoutier, Oléron, Porquerolles, cette pratique a ainsi permis de maintenir ou de développer une activité agricole. La réutilisation d'eaux usées concerne aussi des usages pour lesquels la demande en eau est importante et en conflit potentiel avec l'eau potable : le CGDD cite l'exemple des golfs, à l'instar de celui de Sainte-Maxime, dans le Var.

Un coût élevé

Limitée à des usages locaux et ponctuels, cette pratique souffre aussi d'un coût élevé car les eaux traitées sont plus chères que celles prélevées dans le milieu naturel. "Plus les normes de qualité des eaux usées sont exigeantes, plus les traitements associés sont complexes et plus le coût de production d'une eau réutilisable est élevé", explique en effet le CGDD qui souligne que les normes retenues par la France sont similaires à celles de la Californie, de l'Australie, de l'Espagne et de l'Italie, pays qui ont un niveau de protection sanitaire des populations similaire à celui de la France. Dans l'Hexagone, l'arrêté du 2 août 2010 relatif à l'utilisation d'eaux issues du traitement d'épuration des eaux résiduaires urbaines pour l'irrigation de cultures ou d'espaces verts définit quatre catégories d'usage de ces eaux  : la catégorie A, dont les normes associées sont les plus exigeantes, vise l'irrigation de cultures maraîchères non tranformées et l'arrosage d'espaces verts ouverts au grand public (tels que les golfs) tandis que la catégorie D, dont les normes associées sont les moins exigeantes, vise l'irrigation de forêts d'exploitation, avec un accès contrôlé au public.

Réticence

Pour réduire les coûts relatifs entre l'eau prélevée dans le milieu et les eaux usées traitées, certains pays - Israël ou l'Espagne – accompagnent le développement de projets de réutilisation des eaux usées par des politiques de transfert de coûts. "Ces politiques 'mutualisent' les surcoûts liés au traitement des eaux usées avec l'ensemble des usagers de l'eau de la zone concernée, explique le CGDD. Cette 'mutualisation' qui répartit les surcoûts permet de prévenir les conflits d'usages, par le recours à des ressources alternativement rentables pour les usagers (agriculteurs) puisque subventionnées." Reste encore un autre frein important à lever : la réticence des Français vis-à-vis de cette pratique de réutilisation des eaux usées. Alors qu'ils consomment déjà sans le savoir des fruits et légumes importés qui ont été arrosées avec des eaux usées traitées, ils sont majoritairement hostiles à cette pratique dans l'Hexagone et ne veulent surtout pas payer la totalité du surcoût de l'eau traitée par rapport au prix de l'eau prélevée, comme en atteste une autre étude récente du CGDD (lire notre article ci-contre).

 

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