Retrait-gonflement des sols argileux : le Sénat pour "une véritable politique de prévention" sur le bâti existant
Dans un rapport examiné ce 15 février, la commission des finances du Sénat estime que la récente ordonnance du gouvernement sur la prise en charge des dégâts causés par le retrait-gonflement des sols argileux (RGA) dû à la sécheresse ne répond que "très imparfaitement" aux enjeux soulevés et pourrait même "remettre en cause la logique assurantielle" du régime des catastrophes naturelles. Face à un risque appelé à s'amplifier, la haute assemblée juge nécessaire de mettre en place une véritable politique de prévention sur le bâti existant, en mobilisant le fonds Barnier pour financer les expérimentations les plus abouties.
Une semaine tout juste après la présentation en conseil des ministres de l'ordonnance sur la prise en charge des dégâts causés par le retrait-gonflement des sols argileux (RGA) visant à faciliter l'indemnisation des particuliers (voir notre article du 9 février 2023), la commission des finances du Sénat a examiné ce 15 février un rapport présenté par Christine Lavarde (LR- Hauts-de-Seine) qui porte un regard très critique sur le nouveau texte pris en application de l'article 161 de la loi 3DS.
Risque de remise en cause de la logique assurantielle du régime des catastrophes naturelles
Alors que le risque RGA touche déjà plus de la moitié des logements individuels en France, le changement climatique, avec la multiplication et l'amplification des épisodes de sécheresse, "menace sérieusement l'équilibre du régime CatNat [catastrophes naturelles, ndlr] "qui ne serait plus en mesure de dégager assez de réserves pour couvrir les sinistres à l'horizon 2040", prévient la sénatrice. Or, "si aucun des scénarios de réforme de l'indemnisation du risque RGA n'apparaît pleinement satisfaisant, l'ordonnance du 8 février 2023 ne résout pas le cœur du problème" et "propose de remettre en cause le principe assurantiel du régime en ne réservant les indemnisations qu’aux seuls dommages les plus graves, ceux 'susceptibles', avec toutes les incertitudes d’interprétations que suppose cette formulation pour le moins imprécise, 'd’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’usage normal du bâtiment'", relève Christine Lavarde. "Des sinistrés qui ont pourtant contribué financièrement au régime se trouveront sans indemnisation car les dommages subis sur leur habitation auront été qualifiés 'd’esthétiques'", alors qu'ils peuvent dégénérer " en des sinistres beaucoup plus significatifs et coûteux pour le régime", pointe-t-elle.
Une autre mesure prévue par l’ordonnance pose aussi problème à ses yeux, à savoir l’obligation d’utiliser le montant de l’indemnisation pour réparer les dommages sur le bâti. "Une telle disposition est inéquitable dans la mesure où, parfois, la décision de démolir une habitation sinistrée pour reconstruire ailleurs est plus pertinente que d’engager de lourds travaux de réparation", note le rapporteur. Par ailleurs, l'ordonnance présente selon elle "deux lacunes flagrantes". "D’une part, elle n’aborde aucunement la problématique de la soutenabilité financière du régime et, d’autre part, elle élude l’enjeu fondamental de la prévention."
Agir sur l'environnement du bâti
La prévention sur le bâti existant demeure selon la sénatrice "l’angle mort" de la prise en charge du risque RGA. Elle invite ainsi à renforcer les expérimentations sur les mesures de prévention dites "horizontales" qui consistent à agir sur l'environnement du bâti (installation d'écrans anti-racinaires, systèmes de drainage…) et s'avèrent moins invasives et moins coûteuses que les mesures de reprises de fondation - elles coûtent en moyenne 10.000 euros contre 21.000 à 76.000 euros pour les techniques portant sur la structure du bâtiment, indique le rapport. "Cependant, ces mesures doivent encore faire l'objet d'évaluations afin de confirmer leur efficacité avant de pouvoir véritablement les généraliser", prévient la sénatrice qui juge que de toute façon la stratégie de prévention est "indispensable pour assurer l'équilibre financier du régime CatNat et pour protéger le patrimoine de nos territoires".
Mobilisation du fonds Barnier
Le rapport recommande donc de mobiliser le fonds de prévention des risques naturels majeurs, ou fonds Barnier, pour financer les mesures "horizontales" les plus communément pratiquées, en vue de préparer leur généralisation tandis que les mesures plus expérimentales comme l'hydratation des sols et certaines techniques de drainage pourraient être financées via le quatrième Programme d'investissements d'avenir. Il propose également de cibler en priorité des communes volontaires pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle a été demandé mais non reconnu. "Se focaliser sur les communes qui ont fait une demande de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle permettra donc à la fois de tester la viabilité de certaines techniques, autant d’un point de vue préventif que curatif, et d’apporter un premier remède à des logements qui ne peuvent pas bénéficier de l’indemnisation dans le cadre du régime CatNat", souligne le rapport.