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Commande publique - Responsabilité des sous-traitants : une brèche sous deux conditions

Dans une décision du 7 décembre 2015, le Conseil d'Etat fait évoluer sa jurisprudence en admettant la possibilité pour le maître d'ouvrage de rechercher la responsabilité quasi-délictuelle d'un sous-traitant.

En l'espèce, la société Lanos Isolation avait remporté le lot "menuiseries intérieures" du marché public lancé par le syndicat intercommunal Bihorel Bois-Guillaume pour la réfection du toboggan de sa piscine. Pour la réalisation de travaux sur la rampe d'accès du toboggan, la société titulaire a fait appel à une entreprise sous-traitante, la société Lassarat. Des désordres sont apparus seulement trois mois après la réception sans réserves des travaux. Le maître d'ouvrage a donc saisi le tribunal administratif de Rouen afin d'être indemnisé de ces désordres à hauteur de 154.173,38 euros. Si les premiers juges ont solidairement condamné le maître d'œuvre et la société attributaire, ils ont en revanche rejeté la demande tendant à la condamnation de la société sous-traitante sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle. La cour administrative d'appel (CAA) de Douai a adopté la même position quant à l'engagement de la responsabilité du sous-traitant par le maître d'ouvrage. Elle a cependant déchargé les constructeurs des condamnations prononcées en première instance. A la suite de cette décision, la commune de Bihorel, venue aux droits du syndicat intercommunal, a saisi le Conseil d'Etat d'un pourvoi en cassation. Ce dernier a notamment dû se prononcer sur la possibilité pour la commune de rechercher directement la responsabilité quasi-délictuelle d'un sous-traitant.

Ouverture d'une voie de recours directe du maître d'ouvrage contre le sous-traitant

S'il est évident que le maître d'ouvrage ne peut rechercher la responsabilité contractuelle d'un sous-traitant en raison de l'absence de lien contractuel direct entre eux, la question était plus délicate concernant la responsabilité quasi-délictuelle. Jusqu'alors, selon la décision "Commune de Voreppe" (CE, 30 juin 1999, n°163435), le maître d'ouvrage ne pouvait appeler en garantie un sous-traitant. La jurisprudence administrative favorisait donc la responsabilité contractuelle à la responsabilité quasi-délictuelle. La présente décision semble toutefois modifier la donne. Le Conseil d'Etat a tout d'abord commencé par rappeler le principe selon lequel l'action du maître d'ouvrage tendant à "la réparation des conséquences dommageables d'un vice imputable à la conception ou à l'exécution d'un ouvrage" doit être dirigée contre les constructeurs avec lesquels "il a conclu un contrat de louage d'ouvrage". Cette position est toutefois nuancée puisque les juges de cassation permettent désormais au maître d'ouvrage de rechercher directement la responsabilité d'un sous-traitant "dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée". Une telle responsabilité sera de nature quasi-délictuelle et pourra être engagée pour deux raisons : en cas de violation des règles de l'art ou de la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. En revanche, les fautes du sous-traitant résultant du manquement à ses obligations contractuelles ne pourront être directement invoquées par le maître d'ouvrage sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle.
L'entreprise principale n'est donc plus seule principale responsable de la bonne exécution des travaux, le maître d'ouvrage pouvant dans deux hypothèses attaquer directement le sous-traitant. Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la CAA mais pas en ce qu'elle avait rejeté les conclusions de la commune puisqu'elles "se bornai[en]t à invoquer la méconnaissance du contrat conclu entre ce sous-traitant et l'entrepreneur".
Le juge administratif élargit sa jurisprudence et admet désormais la responsabilité quasi-délictuelle des participants à la construction avec lesquels le maître de l'ouvrage n'est pas lié par contrat mais d'une manière plus stricte que le juge judiciaire qui accepte qu'un manquement contractuel engage la responsabilité quasi-délictuelle d'un sous-traitant.

Evolution générale du droit de la sous-traitance

En outre, il convient d'évoquer une décision récente du Tribunal des conflits (TC, 16 novembre 2015, n°4029) qui attribue aux juridictions judiciaires la compétence pour statuer sur les appels en garantie formés par le titulaire d'un marché contre un sous-traitant. Le régime juridique des sous-traitants connaît donc une évolution importante, notamment sous l'influence de l'ordonnance Marchés publics du 23 juillet 2015. Pour exemple, si la loi de 1975 interdisait seulement la sous-traitance totale, l'ordonnance permet désormais à l'acheteur d'exiger que "certaines tâches essentielles" soient exécutées par le titulaire. Le contrat pourra donc légalement exclure certaines prestations de la sous-traitance.

L'Apasp

Référence : CE, 7 décembre 2015, n°380419
 

 

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