Réseau Canopé : la Cour salue une mutation réussie vers le numérique

La Cour des comptes a publié un nouveau rapport sur le Réseau Canopé, opérateur national du ministère de l'Éducation, dont la mission principale est d'accompagner la formation continue des enseignants, notamment à travers le numérique éducatif. Selon la Cour, l'établissement a réussi sa mutation en produisant plus "de ressources numériques pour la pédagogie" mais se heurte à quelques difficultés dans le déploiement du projet Territoires numériques éducatifs (TNE). Elle estime que le schéma d'organisation et le modèle économique restent à affiner.

Opérateur historique du ministère, créé en décembre 2014, le Réseau Canopé a fortement évolué ces dix dernières années du fait d'une transformation importante de son activité. "Ses évolutions doivent être confirmées. La stratégie voulue par la tutelle et par l'opérateur doit s'ancrer dans un nouveau schéma d'organisation et s'affirmer par un modèle économique efficient afin de mener à bien ce rôle de formation continue", résume la Cour des comptes dans son dernier rapport publié le vendredi 4 octobre 2024. Elle rappelle que le Réseau Canopé est désormais l'opérateur de formation continue des enseignants, selon la formule quasi maritale "tout au long de la vie, par le numérique et pour le numérique". 
L'opérateur tire sa force de ses 122 sites déclinés dans 11 directions territoriales, 5 directions académiques et 102 "Ateliers Canopé" qui constituent des "tiers-lieux" de formation dans chaque département. 
En 2023, fonctionnant grâce à une subvention pour charge de service public de 85,2 millions d'euros, le Réseau Canopé développe par ailleurs des ressources propres à hauteur de 11,4 millions d'euros. L'établissement revendique former 196.400 personnes en "Ateliers"; 53.000 dans les académies et affiche 3,5 millions de visites sur ses sites pour la recherche de ressources documentaires numériques ou pour suivre des formations en ligne.

Les tiers-lieux des Ateliers départementaux

Rappelons que c'est en 2013 que le Réseau Canopé s'est vu confier la mission de produire des ressources numériques pour la pédagogie par la loi de refondation de l'école créant le service public du numérique éducatif. La Cour des comptes estime que "l'établissement a réussi cette mutation" faisant preuve, "d'agilité et de réactivité en produisant […], souvent dans des délais contraints, de multiples ressources numériques pour les enseignants, dont les plus connues sont M@gistère et CanoTech". De plus, la Cour salue la labellisation des Ateliers départementaux qui "a permis de gommer l'obsolescence des anciens centres départementaux de documentation pédagogique (CDDP) transformés en tiers-lieux de médiation et d'accompagnement pédagogique des transformations numériques".  Toutefois, la Cour regrette que "la mise en place tardive, en 2017, d'un premier contrat d'objectifs et de performance" n'ait pas permis le déploiement "d'une vision stratégique claire impulsée par la tutelle". 

Quelques difficultés dans le déploiement du projet TNE

Le rapport évoque également l'expérimentation dès la rentrée 2020 du projet des Territoires numériques éducatifs (TNE) dont le portage est confié à Réseau Canopé. La crise sanitaire avait dévoilé (entre autres) la carence en compétences numériques d'une partie des enseignants... Ce projet visait à les former "au et avec le numérique", leur permettre un accès facilité à des ressources et des solutions numériques pédagogiques, réduire la fracture numérique en équipant les classes, des professeurs et des élèves avec du matériel informatique, et accompagner les parents aux enjeux du numérique via la fameuse "Trousse à projets".

Le déploiement du projet TNE se heurte à plusieurs difficultés, pointe la Cour. "Les heures de formations ciblées TNE ne sont pas obligatoires dans tous les départements TNE". "On constate une absence de communication de l'offre de formation de Réseau Canopé à tous les enseignants des 12 TNE du public et du privé", relève encore le rapport. Sans compter que sur le plan des équipements, "l'ensemble des établissement et écoles ne dispose pas encore d'un Espace numérique de travail (ENT) dans certains départements (par exemple la Corse-du-Sud) et certains ENT ne sont pas accrochés au gestionnaire d'accès aux ressources (GAR), notamment ceux du privé sous contrat et de l'enseignement agricole", peut-on lire dans le rapport. Or, relève la Cour, le projet TNE devrait s'étendre de manière durable à l'ensemble du territoire national. Elle s'interroge donc sur "la capacité du Réseau Canopé à pouvoir s'impliquer sur le long terme dans le déploiement des TNE" et estime qu'il sera difficile d'assurer le déploiement des TNE dans les 101 départements "sans financements complémentaires substantiels et sans capacité logistique supplémentaire". 

Activité de formation auprès des collectivités territoriales et les EdTech

Sur le plan financier, Réseau Canopé "a maîtrisé l'évolution de ses dépenses de fonctionnement et de sa masse salariale", salue le rapport. Le chiffre d'affaires de l'édition a diminué de 80% en 8 ans, passant de 5,1 millions d'euros en 2015 à 1,5 millions d'euros en 2022. Mais "les revenus issus des autres activités parviennent péniblement à compenser cette baisse", s'inquiète toutefois la Cour avant de résumer d'où Canopé tire ses ressources propres. Elle liste ainsi les prestations de conseils, l'indexation de ressources, l'organisation d'événements pédagogiques ainsi que des solutions documentaires vendues aux établissements "qui continuent de représenter une part importante du chiffre d'affaires". "Bien que cette activité s'écarte aujourd'hui du cœur métier de l'opérateur, il semble difficile qu'il puisse s'en séparer pour l'instant", prédit la Cour. D'après elle, le Réseau compte "surtout sur l'activité de formation pour développer ses ressources propres, notamment à l'international avec la formation des enseignants francophones, ou auprès des collectivités territoriales et des EdTech". "Ces cibles offrent des opportunités" bien que "les objectifs affichés semblent ambitieux et nécessiteront au minimum un redéploiement de moyens humains pour être atteints".