Rénovation énergétique du bâti ancien : une PPL d’initiative sénatoriale adoptée en commission

Le Sénat doit examiner, ce 20 mars, la proposition de loi "visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien". La Chambre Haute a d’ores et déjà engagé ses travaux en commission sur ce texte, qui propose de renforcer la prise en compte des typologies de bâti, en particulier dans le diagnostic de performance énergétique (DPE) et l'audit énergétique, et ainsi d'éviter le recours à des solutions standardisées très largement inappropriées voire nocives au bâti ancien. 

"Il est grand temps de mettre en place une véritable politique du logement qui concilie le caractère de nos territoires, le respect du ZAN [zéro artificialisation nette] et l’accès pour tous à un logement décent". C’est en ces termes que le sénateur socialiste de Moselle, Michaël Weber, s’apprête à défendre sa proposition de loi (PPL) "visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien", qui a déjà passé le cap de la commission, et dont l’examen est prévu en séance ce jeudi 20 mars. 

Deux tiers des logements anciens, construits avant 1948, sont classés E, F ou G au titre du DPE (diagnostic de performance énergétique). Sachant que le bâti ancien recouvre un tiers du parc résidentiel existant, cela signifie que 7 millions de passoires énergétiques sont des logements anciens, soit une passoire sur deux. Le chantier est donc colossal. Dès l’été 2023, le rapport des sénateurs Laurent Lafon (Val-de-Marne, UC) et Sabine Drexler (Haut-Rhin, app. LR) sur le patrimoine et la transition écologique, appuyé par les conclusions de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, alertait toutefois sur les conséquences néfastes des rénovations énergétiques inadaptées au bâti ancien. "Nous avons tous en tête l'exemple des maisons alsaciennes isolées avec des panneaux en polystyrène : au-delà de l'atteinte esthétique à ces maisons à colombage, ces travaux inadaptés conduisent aussi à des pathologies comme des moisissures, faute de faire ‘respirer’ les matériaux traditionnels", a notamment illustré la sénatrice Sylvianne Noël (Haute-Savoie/LR), rapporteure pour la commission des affaires économiques. 

Malgré l'existence de dérogations en raison de contraintes patrimoniales et architecturales, et l’amorce de plusieurs réformes pour consolider l’approche des diagnostiqueurs et auditeurs, la réglementation reste encore sourde aux spécificités constructives du bâti ancien, dont les intérêts thermiques et climatiques du fait des matériaux utilisés ne sont pourtant plus à démontrer. 

Eviter un DPE à deux vitesses

L’objectif de la PPL est de contribuer à l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments anciens, tout en préservant leurs qualités intrinsèques et leur valeur patrimoniale. Réunie le 12 mars, la commission a adopté cinq amendements de réécriture, en accord avec Michaël Weber qui les a déposés à l’identique, guidés par le souci de limiter les effets de bord de la loi Climat et résilience sur le bâti ancien et patrimonial, sans créer de nouvelles contraintes ou de nouveaux surcoûts. A l'article 1er, le texte préserve l'introduction d'une définition du bâtiment ancien dans la loi sans pour autant mentionner une liste restrictive de matériaux, ainsi que la prise en compte du confort d'été et d'hiver dans le cadre de la rénovation énergétique performante. La commission a également refusé d'imposer une priorisation des travaux spécifiques au bâti ancien. Mention est faite, parmi les six postes de travaux à étudier, du "traitement" des menuiseries extérieures, pour éviter leur remplacement systématique, et au contraire permettre l'étude de solutions alternatives respectueuses du bâti ancien. 

Le texte maintient par ailleurs l’unicité du DPE. À l'article 2, plutôt que de déroger totalement aux règles de performance énergétique pour le bâti ancien, en créant un nouveau DPE spécifique, la commission a préféré l'intégration de mesures ou d'indicateurs complémentaires, s’agissant notamment des caractéristiques hygrothermiques des matériaux le composant. 

Réflexion ouverte sur les aides 

De même, plutôt que d’endosser la création d’un audit énergétique et patrimonial obligatoire lors de la vente de tous les logements anciens, potentiellement coûteux et source de complexité, l’option est prise de renforcer (à l’article 3), à partir du 1er janvier 2027, les exigences de formation à l’égard des auditeurs des bâtiments anciens présentant un intérêt patrimonial.

On notera la suppression de l’article 4 qui introduisait des précisions relatives à la qualité sanitaire spécifiques au bâti ancien. "Des dispositions de nature règlementaire, dont la prise en compte doit plutôt être assurée par le biais d'une amélioration de la formation des professionnels", a justifié la commission. 

Enfin à l’article 5, la PPL initiale proposait de majorer les aides en faveur de la rénovation du bâti ancien et de l'utilisation de matériaux biosourcés et géosourcés. Compte tenu du contexte budgétaire tendu, et d'autant plus concernant Ma Prime Rénov’ (dont les crédits sont réduits d'un milliard d'euros en 2025 par rapport à 2024), la commission a souhaité privilégier la réflexion en demandant au gouvernement de remettre un rapport évaluant les pistes d’évolutions des critères et des caractéristiques de Ma Prime Rénov’ et des certificats d'économies d’énergie (CEE), éventuellement en vue de leur harmonisation et du couplage des aides. 

 

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