Rénovation énergétique du bâti ancien : le Sénat adopte une PPL taillée sur mesure
Renforcer la prise en compte des typologies de bâti, en particulier dans le diagnostic de performance énergétique (DPE), et éviter le recours à des solutions standardisées très largement inappropriées, voire nocives au bâti ancien : c’est le sens d’une proposition de loi adoptée, à l’unanimité, au Sénat en première lecture, ce 20 mars.

© Captures vidéo Sénat/ Valérie Létard et Michaël Weber
Le Sénat a adopté, à l’unanimité, en première lecture, la proposition de loi "visant à adapter les enjeux de la rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien", ce 20 mars. Ce texte, porté par le sénateur socialiste de Moselle, Michaël Weber, et soutenu par le gouvernement, introduit une définition claire du bâti ancien dans la loi, avec une prise en compte du confort d'été et d’hiver, et propose de mieux adapter le diagnostic de performance énergétique (DPE) aux spécificités constructives, en imposant que les recommandations soient "adaptées aux contraintes techniques, architecturales et patrimoniales pesant sur le bâtiment ainsi qu’aux caractéristiques hygrothermiques des matériaux le composant". Des compétences spécifiques seront en outre exigées pour les auditeurs des bâtiments anciens lorsque ceux-ci présentent un intérêt patrimonial. Enfin, le texte prévoit un rapport du gouvernement sur le soutien financier en faveur de la rénovation du bâti ancien.
"Plus de 4 millions de personnes sont mal ou pas logées en France. La réhabilitation du ‘déjà-là’ est une des solutions", a relevé l’auteur du texte en séance, y voyant un enjeu "environnemental, social et patrimonial". Car "réhabiliter l'ancien, c'est oeuvrer pour un meilleur confort des habitants, contribuer à un urbanisme circulaire, lutter contre la vacance et la sous-occupation et encourager la revitalisation des villages". "Sept millions de passoires énergétiques sont des logements anciens, soit une passoire sur deux", a également appuyé Sylviane Noël (Haute-Savoie/LR), rapporteure pour la commission des affaires économiques, saluant l'initiative de Michaël Weber, qui s'inscrit dans la suite des travaux de la sénatrice Sabine Drexler (Haut-Rhin, app. LR) sur le patrimoine et la transition écologique et de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique. "Nous devons faire vite pour les rénover, mais pas n'importe comment. Les travaux inadaptés conduisent au développement de moisissures par exemple, par manque de respiration. Ces travaux dommageables traduisent une forte méconnaissance du bâti ancien", a-t-elle insisté. Le texte retravaillé en commission (lire notre article) établit ainsi "un équilibre" : limiter les effets de bord de la loi Climat et Résilience sur le bâti ancien et patrimonial, sans créer de nouvelles contraintes ou de nouveaux surcoûts.
Réflexion ouverte sur le financement
Hormis des précisions rédactionnelles, seuls trois amendements ont été adoptés en séance. Le texte a donc peu évolué depuis sa réécriture en commission. L’un d’entre eux (soutenu par Karine Daniel SER/Pays de la Loire) permet l’instauration d'une règlementation thermique "multicritères", prenant en compte non seulement la performance énergétique, mais également d'autres aspects essentiels comme le confort d'été, la qualité de l'air intérieur, l'impact environnemental des matériaux et la préservation du patrimoine architectural. Les deux autres complètent le rapport prévu à l’article 5 du texte, pour y ajouter une réflexion sur une bonification aux matériaux biosourcés et géosourcés (amendement de Michaël Weber) ainsi qu’une évaluation du niveau de formation et de compétences des Accompagnateurs Rénov’ aux spécificités du bâti ancien (amendement de Sabine Drexler). Le texte n'intègre pas de volet financier pour soutenir les rénovations dans l’ancien - ce qu’envisageait la proposition de loi initiale - privilégiant, à ce stade, la réflexion, ce qu'ont regretté plusieurs sénateurs.
La ministre chargée du Logement, Valérie Létard, vient parallèlement d’annoncer un plan d’actions pour renforcer la fiabilité du DPE et lutter contre la fraude. Un guide, réalisé par le Cerema sous l’égide du ministère, est également mis à disposition des professionnels du diagnostic et de l’audit énergétique. "En complément des travaux parlementaires en cours, notamment au Sénat, le guide permet de traiter en particulier le cas du bâti issu des techniques traditionnelles de construction ainsi que le bâti patrimonial afin d’aider les professionnels à formuler des recommandations de travaux adaptées à ces types de bâti, qui requièrent une attention spécifique", développe le communiqué du ministère.
Autre avancée mise en avant : un décret, paru ce 20 mars, pour faciliter l’accès des ménages au dispositif d’aide à la rénovation énergétique grâce à la levée de restriction pour les propriétaires ayant souscrit un prêt à taux zéro (PTZ) et à un relèvement du plafond de financement des travaux. "Ce décret, que j'ai cosigné, permet aux collectivités territoriales d'aller plus loin dans le soutien aux matériaux biosourcés. On pourra désormais cumuler le PTZ et MaPrimeRénov'. C'est un accompagnement significatif, notamment pour les ménages modestes, qui pourront ainsi acquérir et reconquérir du logement ancien", a souligné la ministre en séance.