Rénovation du parc social : l'Ancols interroge la capacité des bailleurs

Dans un rapport thématique consacré à "la rénovation énergétique au sein du parc locatif social", l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) estime que nombre de bailleurs sont freinés par leur connaissance "artisanale" de leur parc et une maîtrise d’ouvrage insuffisante. Leur capacité financière serait en revanche souvent suffisante. Un diagnostic que critique l'Union sociale pour l'habitat.

L'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) a constaté que 14 bailleurs sociaux sur les 30 qu'elle a contrôlés ne disposent pas de "capacité opérationnelle" adaptée pour réaliser les travaux de rénovation thermique nécessaires dans leur parc de logements sociaux. Selon son rapport annuel de contrôle publié ce mardi 25 mars, consacré à "la rénovation énergétique au sein du parc locatif social", l'Ancols constate notamment que seuls 12 des 30 bailleurs contrôlés ont une "connaissance satisfaisante" de l'étiquette énergétique de leur parc. En revanche, deux tiers des bailleurs sociaux contrôlés présentent "une capacité financière satisfaisante" pour absorber le coût des travaux.

Ce constat se base sur des contrôles effectués en 2024 auprès de 30 bailleurs, représentant un total de 750.000 logements, "sélectionnés en raison de leur détention d'un nombre important de logements énergivores", explique l'Ancols, défendant une "approche prudentielle" sans volonté d'extrapolation à tout le secteur et sans sous-estimation des difficultés du secteur "vis-à-vis du volume d’opérations de rénovations à mener".

Le but de ces contrôles était d'examiner les capacités des bailleurs sociaux à rénover leur parc pour se conformer aux échéances de la loi Climat et Résilience qui interdit progressivement de louer les logements les plus énergivores (E, F et G) d'ici 2034. Certes, "le parc social est globalement plus performant énergétiquement que le parc privé" : les logements F ou G représentent 7,4% du parc social, moitié moins que dans le parc privé, et 16% des logements sont classés E, considérés indécents à partir de 2034. Il n'en demeure pas moins que le sujet de la décarbonation de ce parc social "devient central" et nécessite "une importante adaptation du secteur HLM dans des délais contraints", souligne l'Ancols en préambule de ce rapport thématique.

Les contrôles entendaient mesurer trois éléments : "la connaissance de leur parc et de sa cartographie énergétique, la capacité à mener les opérations de rénovation sur un plan opérationnel et technique, la capacité à les financer".

Mieux connaître son parc, mieux cartorgaphier les besoins

"La capacité opérationnelle est la plus problématique car monter une équipe de maîtrise d'ouvrage prend du temps", a pointé Serge Bossini, directeur général de l'Ancols, lors d'une conférence de presse. Cette capacité opérationnelle dépend tout d'abord de "la connaissance du parc, des compétences en matière de programmation patrimoniale et surtout de la maîtrise d'ouvrage, à savoir notamment le montage et le suivi des opérations", détaille l'Ancols. Qui décrit la situation en ces termes : "Aujourd’hui, de nombreux organismes suivent de façon artisanale leur parc et ne sont pas en mesure d’optimiser leurs opérations de maintenance et d’investissement, en raison d’incertitudes sur les caractéristiques de leur parc et sur l’historique des interventions effectuées."

A contrario, les organismes qui disposent d’un outil du type gestion technique de patrimoine (GTP) peuvent avoir une connaissance approfondie "du parc, de ses composants et de leur durée de vie" et donc mieux coordonner les opérations de maintenance ou de réhabilitation. L'agence préconise donc la généralisation de ce type d'outils. Même chose en termes de "cartographie énergétique" : au moment des contrôles, "peu d’organismes avaient réalisé des extrapolations permettant d’anticiper les volumes de logements à traiter avant la fin des campagnes de renouvellement de DPE". À ce titre, l'Ancols souligne que "l’utilisation de l’outil PrioRéno, développé par la Banque des Territoires, en accès libre, peut constituer un complément intéressant en fournissant notamment les données réelles de consommation énergétique". Elle conseille ainsi de "généraliser l’utilisation de PrioRéno en complément de la cartographie énergétique théorique du parc".

Autre frein identifié, peut-être même le principal, selon l'agence : la maîtrise d’ouvrage, "à savoir notamment le montage et le suivi des opérations". Raison pour laquelle l'Ancols recommande des mutualisations sur cette fonction maîtrise d’ouvrage, "au sein des groupes ou dans le cadre de groupements d’intérêt économique (GIE)".

La capacité financière, elle, ne ferait pas défaut, hormis pour les organismes globalement en difficulté. De surcroît, les contrôles (avril-septembre 2024) sont intervenus avant la mise en place d'une enveloppe d'aides à la rénovation (initialement 1,2 milliard d’euros sur trois ans pour l'éradication des passoires thermiques, ensuite amputées de 800 millions). L'Ancols estime que ce type d'aide accessible à tout bailleurs, quelle que soit sa situation financière, risque de susciter un effet d'aubaine. Et juge par conséquent "préférable de privilégier les aides ciblées aux opérateurs dont le besoin de soutien financier est identifié", au lieu "d'aides à l'opération".

Dans des droits de réponse adressés à l'Ancols, les fédérations des offices publics de l'habitat (OPH), des entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et l'Union sociale pour l'habitat (USH) critiquent la méthodologie du rapport et son échantillon réduit et non-représentatif. L'USH estime que les paramètres utilisés pour examiner la capacité financière ne prennent pas en compte l'augmentation des coûts des travaux et la dimension de long terme des plans de rénovation. La recommandation de mutualiser l'activité de maîtrise d'ouvrage entre bailleurs "ne peut pas être la solution unique et encore moins une solution justifiant d'éluder le financement de la rénovation du parc social", juge l'USH.

 

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