Fonction publique - Rémunération au mérite : les propositions de l'exécutif irritent les syndicats
Le gouvernement envisage de muscler le régime indemnitaire des agents publics et de rendre obligatoire la part des primes qui récompensent le mérite. Les syndicats sont vent debout contre le projet qui vient de leur être détaillé.
Après presque cinq mois de négociation sur la rémunération des agents publics, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a abattu ses cartes, lundi, en dévoilant ses préconisations pour mieux prendre en compte le mérite individuel et collectif des agents, objectif poursuivi par l’exécutif. Le scénario qui a été présenté, au cours d’une réunion, aux représentants des organisations syndicales et des employeurs publics, prévoit d’intégrer la nouvelle bonification indiciaire dans l’assiette du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP). Par ailleurs, il est proposé de mener "une réflexion spécifique" sur l’indemnité de résidence et le supplément familial de traitement, qui seraient donc réformés. Autre grande orientation indiquée par le document remis aux syndicats, que Localtis s’est procuré (voir ci-dessous) : "la part mérite du régime indemnitaire serait obligatoire et devrait représenter une fraction minimale de l’ensemble du régime indemnitaire". La DGAFP ne dit pas quelle proportion elle représenterait. Mais, elle indique que les primes et indemnités seraient désindexées "progressivement" de la valeur du point d’indice. Les marges qui seraient ainsi constituées "pourraient être réintégrées dans les compléments individuels", précise la direction en charge de la Fonction publique. Pour qui le mérite collectif devra lui aussi être mieux récompensé.
Epouvantail
Ces propositions semblent avoir d’ores et déjà été retenues par le gouvernement. Au cours d’une rencontre bilatérale qu’elle a eue, ce 24 octobre, avec le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, la présidente de la CFE-CGC Fonction publique, Nathalie Makarski a été informée que ce scénario figurerait dans le projet de loi sur la fonction publique qui sera présenté dans le courant du premier semestre 2019. C’est bien sur ces orientations que travaille le gouvernement, confirme Pascal Kessler, secrétaire général de la FA-FPT, qui lui aussi a été reçu ce mercredi par Olivier Dussopt, lors d’un entretien bilatéral.
Selon les mêmes sources, l’exécutif n’envisagerait pas pour l’instant d’inclure dans le futur projet de loi l’autre scénario qui a été présenté, lundi, aux syndicats. Il pourrait même avoir été "abandonné". Selon la DGAFP, il s’agissait d’"opérer un rééquilibrage de la rémunération au profit des outils indemnitaires permettant la reconnaissance de la performance individuelle et/ou collective". Comment ? Par un ralentissement "généralisé" ("d’un ou plusieurs mois") du passage d’un échelon à un autre. Le gain réalisé devait être "entièrement réinjecté dans le régime indemnitaire variable". Autrement dit, l’éventuelle augmentation de la rémunération de certains agents aurait été financée par une réduction de la rémunération d’autres agents. Un tel procédé est jugé inacceptable par l’ensemble des syndicats. Ceux-ci n’en sont pas moins hostiles aux pistes que semble avoir retenu l’exécutif.
Renforcement des inégalités
En accroissant la part des primes dans la rémunération totale des agents, on va augmenter les inégalités, puisque les administrations ne disposent pas toutes des mêmes moyens, s’agace Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT Fonction publique. A l’heure où le gouvernement veut faciliter les mobilités, il envisage une mesure qui pourrait renforcer les obstacles à ces mobilités, pointe aussi le leader syndical. Pascal Kessler souligne de son côté la difficulté de définir le mérite et de l’évaluer dans la fonction publique. Le gouvernement ajoute de l’inquiétude pour les agents publics, alors que celle-ci est déjà grande, estime quant à elle la responsable de la CFE-CGC Fonction publique.
Prochain rendez-vous entre le secrétaire d’Etat et les représentants des personnels et des employeurs : le 30 octobre. Olivier Dussopt dressera à cette occasion un bilan des chantiers sur la rémunération et les mobilités. Mais les responsables syndicaux ne se font guère d’illusions. A l’instar de Jean-Marc Canon, ils estiment que l’exécutif "a déjà pris les arbitrages" et qu’il ne sera pas tenu compte de leur avis.