Commande publique - Regroupement de prestations différentes en un lot : quelles conditions respecter ?
Dans un arrêt du 11 août 2009, le Conseil d'Etat précise les motifs qui peuvent, en application de l'article 10 du Code des marchés publics, justifier la passation d'un marché global ou le regroupement en un lot de prestations différentes, par dérogation au principe de l'allotissement des marchés.
En l'espèce, le juge des référés, à la demande de la société Bouygues Télécom, avait annulé la procédure d'appel d'offres en vue de la fourniture de services de télécommunications lancé par la communauté urbaine Nantes Métropole (en tant qu'elle concerne son lot n° 3), parce qu'elle avait regroupé en un lot des prestations de téléphonie mobile "voix et données" et "des prestations de transfert d'informations entre machines, notamment horodateurs et feux de signalisation" et que ce regroupement avait eu pour effet de léser la société requérante, candidate au marché. La communauté urbaine Nantes Métropole avait alors saisi le Conseil d'Etat d'un recours tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge de référés.
La justification financière
Tout d'abord, le Conseil d'Etat précise que la réduction significative du coût des prestations constitue, selon l'article 10 du Code des marchés publics, un motif légal de dévolution en marché global. Cependant "si [la communauté urbaine Nantes Métropole] fait valoir que le regroupement en un seul lot lui permettrait de réaliser des économies significatives grâce au transfert des temps de communication non utilisés entre les deux ensembles de prestations, l'impact financier de ce regroupement ne saurait justifier une dévolution en lots séparés, dès lors qu'il ne représente que moins de 2% du budget alloué à ce lot ; que par suite le regroupement de ces prestations constitue un manquement aux dispositions de l'article 10 du Code des marchés publics". Ainsi, le juge administratif rappelle que la condition de «"éduction significative du coût des prestations" n'est satisfaite que si le regroupement en un lot de deux prestations différentes permet à la collectivité de réaliser des économies manifestes par rapport l'allotissement du marché. Toutefois, on peut noter que le Conseil d'Etat ne propose pas de seuil à partir duquel cette condition serait satisfaite, ce qui laisse une large place au pouvoir d'appréciation du juge.
La justification technique
En outre, le Conseil d'Etat ajoute que "la société Bouygues Télécom, qui a développé son réseau de téléphonie mobile dans la région nantaise dans la fréquence de 1800 MHz justifie que ce regroupement, qui l'obligerait à consentir des investissements lourds dans la fréquence de 900 MHz pour pouvoir présenter une offre pour le lot n°3, est susceptible de la léser". En effet, le lot litigieux était constitué d'une part de "la fourniture d'un service de téléphonie mobile 'voix et données', fonctionnant sur les fréquences de 900 et 1800 MHz" et d'autre part, "de la mise en œuvre de transferts d'informations entre machines (…) fonctionnant dans la seule fréquence de 900 MHz". Il semble possible de déduire de la solution d'espèce que le regroupement en un lot de deux prestations différentes ne peut être techniquement justifié s'il fait peser sur les candidats une obligation d'opérer de lourds investissements.
L'Apasp
Référence : Conseil d'Etat, 11 août 2009, Communauté urbaine Nantes Métropole, n° 319949.
Article 10 du Code des marchés publics (extrait)
"(…) Le pouvoir adjudicateur peut toutefois passer un marché global, avec ou sans identification de prestations distinctes, s'il estime que la dévolution en lots séparés est de nature, dans le cas particulier, à restreindre la concurrence, ou qu'elle risque de rendre techniquement difficile ou financièrement coûteuse l'exécution des prestations ou encore qu'il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination."