Régis Passerieux, un nouveau commissaire pour assurer la transition industrielle et écologique de la zone Fos-Berre

Régis Passerieux a été nommé, fin septembre, commissaire délégué à la transition industrielle, écologique et énergétique de la zone Fos-Berre en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, un territoire en pleine mutation avec le déclin des industries portuaires traditionnelles et l'arrivée de projets liés à la décarbonation et à l'innovation. Son rôle : impulser et coordonner le développement industriel et la transition écologique et énergétique de cette zone, parmi les plus grandes plateformes industrielles de France, tout en fédérant les acteurs locaux et nationaux. 

Localtis - Comment allez-vous concilier décarbonation et maintien de la performance industrielle ?

Régis Passerieux - Dans le bassin de Fos-Berre, la question de la décarbonation et de la préservation des performances industrielles est cruciale mais il ne s’agit pas d’opposer ces deux objectifs. Aujourd’hui, les industries savent qu’elles ne peuvent plus fonctionner comme avant pour des questions de réglementation, d'attractivité et de réduction de leur empreinte carbone. Sur ce site, il y a déjà une forte dynamique industrielle avec des projets innovants autour de la décarbonation, de l’hydrogène vert, de la sidérurgie plus propre, comme produire de l’acier décarboné. Ces nouvelles technologies permettent de maintenir des activités industrielles performantes tout en réduisant les émissions de CO2. Nous devons organiser une transition qui allie ces deux dimensions. Cela demande une coordination fine entre les acteurs industriels, les collectivités locales et l’État, et une planification écologique robuste. 

Quels sont les principaux défis pour la transition de la zone Fos-Berre ?

Le premier grand défi, c’est la gouvernance. L’État a joué un rôle décisif en installant ce complexe industriel dans les années 1970 mais ensuite, pendant 40 ans, la zone de Fos-Berre a fonctionné sans structure ad hoc pour coordonner les enjeux industriels et écologiques. Avec la reprise des activités autour de la décarbonation, il est impératif de créer une nouvelle structure de gouvernance qui puisse fédérer tous les acteurs. Cette zone est stratégiquement complexe : vous avez des industries majeures, des syndicats puissants, des populations locales qui doivent être intégrées, et bien sûr les collectivités territoriales et l’État.

Mon rôle sera de rassembler toutes ces parties autour de la table et de construire ensemble une feuille de route pour l’avenir. Nous avons déjà mis en place un comité de pilotage, coprésidé par le préfet, le président de la région et de la métropole et des représentants des industriels et des associations environnementales. Nous devons bâtir une gouvernance pérenne qui permette à la fois une planification écologique sur le long terme et une capacité de réaction immédiate face aux urgences industrielles.

Comment intégrez-vous la concertation avec la population locale dans votre plan d’action ?

C'est un point essentiel de ma mission. L'acceptabilité sociale est une condition sine qua non de la réussite d'un projet industriel. C'est pourquoi nous avons créé le Laboratoire territorial Industrie Fos-Berre, un espace inédit en France, qui permet d'intégrer les citoyens, les syndicats, les industriels et les collectivités dans un processus de dialogue et de coconstruction. Il doit permettre d'établir un diagnostic commun de l’état du territoire concernant l'impact réel des industries locales en termes de pollution et d'émissions de gaz à effet de serre. Ce laboratoire travaille aussi à l’élaboration de scénarios prospectifs à l'horizon 2040, pour réfléchir collectivement à ce que nous voulons pour le territoire : quel type d’industrie, avec quelles technologies, et comment tout cela s’intègre dans le cadre plus large de la transition écologique. Enfin, l'idée est de définir des indicateurs et des critères, pour évaluer les projets industriels.

Comment allez-vous gérer la question de la ligne RTE de 400.000 volts, nécessaire à la décarbonation du site mais contestée pour ses impacts environnementaux ?

C'est l'un des dossiers les plus sensibles. Cette ligne électrique est indispensable pour la décarbonation des sites industriels. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur ne produit que 40% de l’électricité qu’elle consomme. La décarbonation va accroître considérablement la demande énergétique. Il nous faut donc cette infrastructure pour répondre aux besoins à court terme. Mais cette ligne traverse des espaces protégés et suscite des oppositions locales. Nous avons donc mis en place une concertation avec les habitants, les associations environnementales et les collectivités, sous la supervision de la Commission nationale du débat public (CNDP) pour écouter les préoccupations des citoyens et adapter le projet autant que possible. Mais à un moment donné, des décisions devront être prises. Si cette ligne ne se fait pas, non seulement les nouveaux projets industriels seront compromis, mais les industries existantes risquent de ne plus être viables sur le long terme, ce qui serait une catastrophe économique et sociale pour toute la région.

Pensez-vous que ce modèle de gouvernance pourrait être étendu à d’autres territoires industriels en France ?

Ce modèle peut tout à fait être adapté à d'autres territoires. Chaque région a ses spécificités mais les défis de la transition sont partout les mêmes. D'autres sites, comme Le Havre ou Dunkerque, ont déjà mis en place des structures de gouvernance qui fonctionnent bien. Dans le cas de Fos-Berre, il fallait inventer un modèle adapté à l’histoire particulière de ce territoire, avec ses spécificités géographiques, économiques et sociales. C'est un territoire extrêmement complexe : un grand port industriel, des industries lourdes, des enjeux environnementaux majeurs, et une proximité immédiate avec des zones protégées comme les étangs de Berre. Si nous réussissons à concilier tout cela, il y a de fortes chances que d’autres puissent s’inspirer de ce que nous avons mis en place ici.