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Décentralisation - Réforme territoriale : la France s¿intéresse à l¿expérience de ses voisins européens

Le Sénat a organisé une série d'auditions avant de lancer les discussions sur le volet compétences de la réforme territoriale. S'il est utile d'échanger avec les collectivités des autres pays, la recette miracle n'existe pas.

La commission des Lois du Sénat a invité deux représentants de Länder allemands à venir donner leur sentiment sur cette réforme, le 25 novembre. Ces derniers se sont montrés plus que sceptiques.
Annegret Kramp Karrenbauer, ministre-présidente du land de Sarre et Peter Friedrich, ministre du land du Bade Wurtemberg se sont bien gardés de prendre position sur la carte des nouvelles Régions. Mais ils ont exprimé leurs doutes sur la taille de ces dernières.

Difficile de comprendre le fonctionnement français

Leur principale préoccupation réside dans la coopération transfrontalière. Ils veulent qu’elle se poursuive. Mais avec des "mégas-régions", il y aura "des distances à parcourir encore plus longues. Ce qui pourrait diluer l’intérêt de la coopération transfrontalière et compliquer ce travail", estime Peter Friedrich. Si une coopération avec l’Alsace leur semble utile, la coopération avec une région allant jusqu’à Reims est bien plus complexe à réaliser.
Ils souhaitent aussi voir un renforcement des compétences des Régions, afin de mieux identifier "qui fait quoi", admettant qu’ils ont parfois du mal à s’y retrouver.
Pour autant, le système allemand est loin d’être un modèle. Annegret Kramp Karrenbauer a rappelé que les Allemands préféraient le système français pour l’éducation, par exemple. Elle est centralisée en France, mais de la compétence des Länder en Allemagne.
Lors d’une audition de différents intellectuels réalisée le 27 novembre, Robert Hertzog, professeur de droit public à l’Université de Strasbourg, a insisté sur le fait qu’aucun pays n’est pleinement satisfait de son propre modèle.

Millefeuille français et lasagnes italiennes

La France est en réalité plus proche du modèle italien. Or, l’Italie a récemment engagé une réforme de son organisation territoriale sous l’impulsion de Matteo Renzi.
Dans cette refonte du millefeuille territorial (ou plutôt des "lasagnes territoriales"), explique Luciano Vandelli, professeur de droit public à l’Université de Bologne, la clause de compétence générale n’a pas été supprimée. Mais les contraintes financières des collectivités ont abouti au même résultat, celles-ci n’ayant plus les moyens pour toutes leurs actions.
En Italie aussi, la réduction du nombre de collectivités est difficile à mener. On commence seulement à en voir les prémices, malgré des incitations financières.

Harmonisation européenne progressive

Le mouvement est aussi engagé au Danemark ou en Grèce. Ces pays ont récemment supprimés un échelon correspondant aux départements, rappelle Marie-Christine Steckel-Assouère, maître de conférences en droit public à l’Université de Limoges. Mais le problème français est sans commune mesure : on compte environ 8100 communes en Italie contre 36 000 dans l’Hexagone.
Une spécificité bien française que souligne Marie-Christine Steckel-Assouère. L’Union européenne regroupe des États fédéraux, et des États à un seul niveau de collectivités, à deux niveaux, et enfin à trois niveaux, dont la France (comme l’Espagne, l’Italie, la Pologne et le Royaume-Uni). Mais aucun des 27 autres États membres n’a autant de communes.
Il y a donc une très grande diversité d’organisations territoriales au sein de l’UE. Mais pour Jean-Bernard Auby, professeur à Sciences Po, on va vers une harmonisation naturelle.
Tout simplement parce que tous les États sont confrontés aux mêmes problématiques appelant à une réforme, note Luciano Vandelli : exigence de modernisation, besoin de clarification des compétences, de simplification, de transparence…
Ce qui fait dire à Robert Hertzog, qu’il vaudrait mieux "apprendre de nos erreurs que d’exemples étrangers".

 

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