Réforme des marchés publics : un an après son entrée en vigueur, des évolutions se préparent
Présente lors de la 176e session d’études (29 et 30 mars 2017) de l’Association pour l’achat dans les services publics (Apasp), Aude Lambotin, adjointe au chef du bureau de la réglementation à la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy, est venue apporter des précisions sur l’évolution de la réforme de 2016.
Le nouveau droit de la commande publique est entré en vigueur le 1er avril 2016, suite à la transposition des directives européennes de 2014. Les marchés publics et les concessions sont désormais chacun régis par une ordonnance et un décret. Toutefois, ce nouveau corpus juridique va déjà connaître quelques évolutions, comme l’a rappelé Aude Lambotin, adjointe au chef du bureau de la réglementation à la Direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy lors de la 176e session d’études de l’Association pour l’achat dans les services publics (Apasp), qui s'est tenue les 29 et 30 mars.
Un décret en avril pour harmoniser les textes
Des lois, postérieures à l’entrée en vigueur de la réforme de la commande publique, ont déjà modifié l’ordonnance "marchés publics". Toutefois, la DAJ a précisé que "les grands équilibres de la réforme ont été maintenus". La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (CAP) du 7 juillet 2016 a en effet introduit un article 35 bis dans l’ordonnance Marchés publics. Cet article vise à imposer à l’acheteur d’identifier l’équipe de maîtrise d’œuvre dans le cadre de marchés publics globaux de performance. Il renvoie à un décret pour définir, par référence à l’article 7 de la loi du 12 juillet 1985, dite loi "MOP", les éléments de mission confiés à l’équipe de maîtrise d’œuvre. Il y a également eu une modification indirecte via l’insertion de l’article 5-1 dans la loi sur l’architecture du 3 janvier 1977. En effet, cet article impose le recours au concours pour tous les acheteurs soumis à la loi MOP quand le marché de maîtrise d’œuvre porte sur la réalisation d’un ouvrage de bâtiment.
Ces deux lois ont modifié les dispositions législatives de l’ordonnance "marchés publics" et nécessitent des ajustements au niveau règlementaire. La DAJ a donc rédigé un projet de décret en vue de mettre en conformité le décret "marchés publics". Ce projet de décret portant diverses dispositions en matière de commande publique a fait l’objet d’une concertation publique à l’automne 2016, permettant de recueillir 45 contributions.
La représentante de Bercy a annoncé que ce texte avait été examiné par le Conseil d’Etat et se trouvait actuellement dans le circuit de signature. Il devrait paraître courant avril. Elle a également profité de cette conférence pour livrer quelques précisions sur le contenu de ce texte. Outre les modifications rendues nécessaires par ces lois, une nouvelle mesure de simplification concernant l’open data sera consacrée par ce décret : en dessous de 25.000 euros, les acheteurs ne seront pas soumis aux obligations d’open data (article 107, décret marchés publics). Compte tenu des retours faits auprès du bureau des acheteurs publics de la DAJ, la rédaction des articles 25 et 39 sera clarifiée, concernant notamment la référence à l’appel d’offres qui n’a pas lieu d’être.
Loi Sapin 2 et codification
La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite "Sapin 2", du 9 décembre 2016 a elle aussi impacté le nouveau droit de la commande publique. La DAJ est revenue sur les principales modifications insufflées par cette loi. Elle a notamment cité la suppression de l’évaluation du mode de réalisation du projet pour les marchés publics classiques. Ce formalisme a été considéré par le Parlement comme lourd et inutile, un tel procédé relevant d’une question de bonnes pratiques évidentes. La loi Sapin 2 a également renforcé le principe d’allotissement en abrogeant la possibilité de présenter des offres variables. A ce titre, la DAJ a précisé que l’obligation d’allotissement n’était qu’une simple option de transposition. Si la France a décidé de donner un plein effet au principe d’allotissement, dix Etats membres ne l’ont pas transposé. La DAJ est également revenue sur le choix du Parlement de remplacer la production d’un extrait de casier judiciaire par une déclaration sur l’honneur en raison des difficultés matérielles et concrètes pour l’acheteur public de se procurer ce document.
Enfin, la loi Sapin 2 a habilité le gouvernement à élaborer le futur code la commande publique. Sous l’égide de la commission supérieure de codification, la DAJ, entourée d’un pôle d’experts, y travaille depuis septembre 2016. Toutefois, la représentante de Bercy a confié que des arbitrages étaient encore attendus. En effet, l’habilitation laisse la possibilité de codifier la jurisprudence mais la question se pose encore de savoir s’il faut figer les règles ou laisser de la souplesse au juge. En outre, si le code a vocation à rassembler tous les textes de la commande publique, la question de son périmètre précis n’a pas encore été tranchée. Si les ordonnances et décret "marchés publics" et "concessions" y seront évidemment intégrés, la DAJ n’a encore rien arrêté concernant la loi MOP, celle relative à la sous-traitance ou encore certaines dispositions du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
Comme les lois postérieures à la réforme, le futur code de la commande publique devrait avoir un impact modéré sur les textes actuels. La DAJ envisage d’achever son travail de codification et de le transmettre pour avis au Conseil d’Etat début 2018.